Les fonds actifs restent généralement dans l’ombre de leurs homologues passifs, en premier lieu parce qu’ils ont souvent du mal à survivre. Une catégorie a toutefois su échapper de manière structurelle au marasme des fonds d’actions à gestion active : les fonds internationaux d’actions à dividende.
« La plupart des gérants de fonds actifs vont être contraints de fermer boutique », affirmait Stephen Yiu, cofondateur de la société de gestion Blue Whale, dans un entretien au Financial Times en septembre 2022. Selon lui, la plupart des gérants des fonds actifs vont devoir quitter le secteur, faute d’obtenir des rendements convaincants. Il rejoint à cela les paroles quelque peu provocantes de John Bogle, le célèbre fondateur de Vanguard, qui, en 2015, confiait à Bloomberg ses vues sur le futur des fonds à gestion active : « Dans 25 ou 30 ans, cela sera fini. Mon point de vue semble extrême, mais ce scénario est loin d’être improbable ».
Les résultats du Baromètre Actif/Passif pour l’Europe de Morningstar, un rapport semestriel qui compare les performances des fonds actifs disponibles en Europe et celles de leurs homologues passifs de la même catégorie, prennent acte de l’échec collectif des fonds actifs : dans seulement quatre des 43 catégories d’actions analysées, une majorité de fonds actifs ont réussi à survivre et à devancer leurs homologues passifs sur la décennie achevée en juin 2023. Le taux de réussite, soit le pourcentage de fonds à gestion active toujours en activité et qui avaient battu un panier de fonds passifs concurrents au sein de leur catégorie Morningstar sur la période prise en compte, n’atteignait que 17,1 % sur l’ensemble des fonds d’actions.
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Un facteur important expliquant l’échec des fonds d’actions actifs réside dans leur incapacité à survivre à la période sous revue. Ce sont plus précisément la sélection peu efficace des actions, les coûts élevés et le manque d’économies d’échelle qui ont, ensemble, conduit à la liquidation de 46,3 % des fonds d’actions à gestion active entre juillet 2013 et juin 2023. Sur la même période, 37 % des stratégies d’actions passives ont été abandonnées.
Une catégorie a toutefois su échapper de manière structurelle au marasme des fonds d’actions à gestion active : les fonds internationaux d’actions à dividende. Sur les dix années étudiées, leur taux de succès a ainsi atteint 61 %. Sur des périodes plus courtes aussi, et aussi en termes d’évolution, les résultats des fonds à gestion active de la catégorie sont encourageants : cela se reflète notamment dans le pourcentage de survie élevé, qui atteint 66,1 % sur 10 ans.
Concentrations sectorielles
Plusieurs facteurs expliquent que la gestion active ait eu plus de succès dans les stratégies de dividende internationales. Tout d’abord, les indices que répliquent les fonds passifs puisent dans l’ensemble de l’univers et déterminent les pondérations des titres en portefeuille sur la base du rendement de dividende. Cette méthode est cependant susceptible d’entraîner des concentrations sectorielles considérables. En outre, le risque de baisse des dividendes augmente si les généreux versements ne peuvent être maintenus sur la durée. Par conséquent, les fonds d’actions à dividende gérés de manière active évitent les actions affichant des rendements de dividende très élevés, et combinent plutôt rendement du dividende et croissance du dividende, afin de composer un portefeuille plus robuste et équilibré d’actions à dividende complémentaires.
Analyse prospective
Un autre atout de taille des fonds à dividende gérés de manière active réside dans leur analyse fondamentale prospective, qui n’évalue pas uniquement le potentiel de croissance des dividendes, mais accorde une plus grande importance au caractère pérenne de ces dividendes. Les gérants ne se contentent pas de baser leur processus de sélection des titres sur les statistiques passées et l’historique du dividende ; ils le complètent par une analyse des avantages concurrentiels, de la génération de flux de trésorerie, de la rentabilité, de la qualité du bilan et des décisions sur l’allocation du capital d’une entreprise, ce qui peut aider à éviter les entreprises qui vont devoir réduire leurs bénéfices.
Autre point de différenciation : la capacité des gérants à évaluer l’impact potentiel des situations spéciales, et à anticiper ces derniers. Les nouvelles exigences réglementaires, les réorganisations et les autres changements qui affectent l’entreprise sont susceptibles d’avoir une influence sur la robustesse fondamentale d’une société, sa valorisation et la politique de versement des dividendes.
En outre, les fonds d’actions à dividende gérés de manière active peuvent faire preuve d’une approche plus flexible que les stratégies passives, ce qui élargit l’univers de placement dans lesquels ils peuvent puiser. Leurs gérants peuvent aussi apporter une réponse plus pragmatique aux abaissements de dividende.
Pas de rendement de dividende minimum
Alors que ces fonds doivent souvent générer un rendement de dividende minimal par rapport à l’indice dans son ensemble au niveau du portefeuille, une telle exigence ne s’impose généralement pas au niveau des actions. Le portefeuille combine donc des actions de sociétés versant des dividendes généreux à d’autres titres pour lesquels peu de dividendes, voire aucun, ne sont versés. Cette flexibilité permet aux gérants de surpondérer les actions d’habitude peu accessibles pour les stratégies axées sur le rendement du dividende, par exemple dans le cas où un gérant estime qu’une entreprise va commencer à verser des dividendes, ou reprendre leur versement après une interruption.
En outre, les fonds d’actions à dividende gérés de manière active ne sont généralement pas tenus de céder directement leurs participations lorsque la société réduit ou cesse le versement de dividendes, un moment généralement peu opportun pour liquider son exposition à une entreprise économiquement viable. Les fonds d’actions à dividende gérés de manière active ont par exemple fait preuve d’une plus grande clémence vis-à-vis des entreprises contraintes de réduire, voire d’interrompre leur dividende pendant la pandémie. Parfois, la réduction du dividende est une nécessité financière, par exemple du fait d’un ralentissement de l’activité économique. Dans d’autres cas, toutefois, ils relèvent du principe de précaution, ou alors sont imposés pour des raisons politiques. Tous les abaissements de dividende ne se font donc pas pour les mêmes raisons, et les gérants les plus ingénieux peuvent en tirer profit.
Le top 5
La première place du top 5 des fonds d’actions à dividende à gestion active, sur la base de leur rendement entre le 1er novembre 2023 et le 31 octobre 2023, revient au fonds JPM Global Dividend. Depuis mi-2018, ce dernier est piloté par Helge Skibeli, rejoint en 2019 par Sam Witherow et en 2023 par Michael Rossi. Helge Skibeli supervise l’équipe Global Core de JP Morgan et chapeaute deux autres stratégies qui ne sont pas axées sur les dividendes, mais ont des points communs avec le portefeuille de dividende international. Le trio peut s’appuyer sur le réseau expérimenté d’analystes actions de JP Morgan. Le processus d’investissement s’appuie sur les bases solides du cadre éprouvé de JP Morgan, appliqué de manière fructueuse à plusieurs fonds d’actions, avec quelques adaptations pour répondre aux exigences du mandat de dividende. Le gérant associent un noyau dur d’actions à dividendes composés et d’actions offrant un rendement de dividende élevé, et base l’allocation sur les différences de valorisation. Les 40 à 90 titres en portefeuille sont d’une qualité supérieure à la moyenne. Par rapport aux concurrents, les gérants surpondèrent actuellement la finance, les biens de consommation cyclique et la technologie.