Si, en moyenne, les fonds actifs restent dans l’ombre de leurs homologues passifs après déduction des frais, la probabilité qu’ils surperforment diffère grandement selon les catégories d’actifs et de parts.
Le Baromètre Actif/Passif de Morningstar est un rapport semestriel qui compare les performances des fonds actifs disponibles en Europe et celle de leurs homologues passifs de la même catégorie Morningstar. Il évalue les fonds actifs par rapport à un panier de fonds passifs de la catégorie, ce qui permet de juger les performances de ces deux styles sur des produits comparables : l’un actif, l’autre passif, sans recourir à des indices, pour lesquels aucuns frais ne s’appliquent. Ce baromètre est un outil utile pour évaluer la probabilité qu’un fonds à gestion active surperforme au sein d’une catégorie donnée.
Une longueur d’avance pour les gérants obligataires
Les gérants actifs ciblant le revenu fixe ont fait mieux que ceux ciblant les actions entre juillet 2022 et juin 2023 : 63 % des fonds obligataires actifs ont devancé les options passives, contre seulement 37 % pour les fonds d’actions actifs. La belle performance des titres obligataires s’explique notamment par le positionnement des investisseurs en vue de nouvelles hausses de taux, avec par exemple une réduction de la duration du portefeuille obligataire.
Sur le long terme, les performances relatives flanchent
Si les pourcentages de réussite à court terme sont encourageants, sur le long terme en revanche, l’avantage revient incontestablement aux fonds passifs. En moyenne, 23 % des gérants de fonds obligataires actifs sont parvenus à devancer leur alternative passive entre juillet 2013 et juin 2023.
Or, ce faible pourcentage de réussite conditionne souvent aussi la pérennité d’un fonds. Souvent, ceux qui ont sous-performé ont aussi une durée de vie plus courte, ce qui résulte à la fois d’une sélection peu judicieuse des titres et de commissions élevées, par rapport aux options passives moins onéreuses. 52 % des fonds obligataires à gestion active ont pu fêter leur dixième anniversaire, tandis que ce chiffre montait à près de 61 % pour les fonds passifs.
De grandes différences selon les catégories
Si les gérants actifs de la catégorie des emprunts d’État en euros voient leur pourcentage de réussite augmenter de 38 à 66 % sur un an, ce dernier ne s’établit qu’à moins de 23 % sur dix ans. Ce pourcentage n’a été que de 2,5 % pour les obligations mondiales, de 11 % pour les obligations internationales indexées sur l’inflation, et de 9,5 % pour leurs homologues en euros.
Les résultats sont meilleurs pour les gérants de fonds axés sur les obligations d’entreprises. Sur la décennie écoulée, la catégorie Morningstar des obligations à haut rendement en euros a affiché un pourcentage de réussite de 40 %, tandis que celle des obligations d’entreprises en euros montait à 44 %.
Les différences sont importantes, mais ne surprennent guère. En effet, le marché des obligations d’entreprises est souvent considéré comme moins efficace, car il regroupe un éventail plus large d’émetteurs et de titres, avec des notations de crédit et une sensibilité aux taux très disparates. Certains gérants actifs savent tirer parti de ces divergences. Dès lors, une analyse de crédit extensive est essentielle..
Le top 5
Le top 5 reprend les fonds de la catégorie Morningstar des obligations d’entreprises en euros pour lesquels des données de portefeuille complètes et récentes sont disponibles. Comme nous l’indiquions, les gérants actifs de la catégorie ont montré qu’ils étaient les plus susceptibles de battre leurs alternatives passives. Les fonds sont classés selon leur rendement sur une période de 10 ans. Or, les rendements absolus annualisés sont plutôt faibles après le krach de 2022. La moyenne annualisée pour la catégorie s’élevait à 0,7 % seulement ; les fonds d’investissement passifs tels que l’iShares Core Euro Corporate Bond ETF (0,6 %) ont également déçu.
La première place revient au fonds Schroder ISF Euro Corporate Bond, qui s’est vu décerner par les analystes de Morningstar une note Above Average sur les piliers People et Process. La stratégie est pilotée depuis 2012 par Patrick Vogel, un gérant très expérimenté qui chapeaute aussi l’équipe de crédit européenne chez Schroders. Des changements ont eu lieu dans l’équipe en 2018, mais cette dernière a depuis régulièrement été complétée par plusieurs jeunes talents et analystes plus aguerris. Le fonds investit principalement dans des obligations d’entreprises investment grade libellées en euros. Il vise une surperformance minimale (brute) de 100 points de base par rapport à l’indice ICE BofAML Euro Corporate.
Le processus d’investissement se base sur la feuille de route stratégique de Schroders, qui donne des directives top-down aux gérants, mais l’aspect le plus important de ce portefeuille de crédit est son approche thématique. Les gérants se réunissent chaque semaine pour identifier les thèmes d’avenir. Ces derniers sont ensuite transmis aux analystes de crédit, qui les reprennent dans leur quête des titres susceptibles de profiter du thème. Le portefeuille est assez diversifié et comprend souvent entre 200 et 300 émetteurs, avec une surpondération ou une sous-pondération maximale de 2 %. Le fonds a été fermé aux nouvelles souscriptions une fois que la stratégie avait atteint 10 milliards d’euros. Cela représente, selon nous, un avantage : la qualité de l’approche bottom-up est ainsi maintenue.
À la quatrième place figure un fonds qui a également reçu une notation Above Average de la part des analystes de Morningstar. Le Morgan Stanley Euro Corporate Bond tire profit de l’expérience de l’équipe de gestion et d’un processus d’investissement rigoureux. Les gérants, Richard Ford et Leon Grenyer, forment une équipe stable, et travaillent ensemble depuis plus de vingt ans chez Morgan Stanley. Ils s’appuient sur une équipe de crédit solide, comptant une cinquantaine de collaborateurs, dont six spécialisés dans les obligations investment grade libellées en euros.
Les gérants mettent l’accent sur la valeur ; ils puisent pour cela dans l’expertise de toute l’équipe du revenu fixe. Les perspectives macroéconomiques de l’équipe déterminent le niveau de risque de taux d’intérêt et de crédit souhaité pour la stratégie, ainsi que les expositions sectorielles, tandis que les analystes fournissent une analyse détaillée au niveau de l’émetteur. L’accent mis sur les valorisations signifie que la performance de la stratégie peut parfois s’écarter considérablement de ses pairs et de son indice de référence, le Bloomberg Euro Aggregate Corporate Bond.
Thomas De Fauw est Manager Research Analyst chez Morningstar. Morningstar analyse et évalue les fonds d’investissement sur la base d’études quantitatives et qualitatives. Partenaire d’Investment Officer, Morningstar propose chaque semaine un classement des cinq meilleurs fonds ou prestataires d’un secteur ou thème donné.