« Au second semestre, nous faisons montre d’une grande prudence et sous-pondérons volontairement les actions. Nous devons réaliser qu’il existe des alternatives aux actions ! Au niveau régional, nous nous intéressons aux marchés émergents et à la Chine », déclare Erik Joly, Chief Economist chez ABN AMRO Belgique.
L’accalmie observée sur les marchés boursiers durant les mois d’été est l’occasion idéale de faire le point sur la première moitié de l’année boursière. « Je n’avais pas imaginé une telle progression des marchés boursiers européens, d’autant que le conflit en Ukraine – toujours au cœur des réalités – demeure une épée de Damoclès dans la région. Ce qui m’a le plus frappé, c’est la résilience de nombreuses entreprises. Je ne m’y attendais pas du tout ! Bien nous en a pris, d’ailleurs, de miser davantage sur la zone euro que sur les États-Unis, lesquels nous paraissaient trop en avance sur l’actualité économique », explique Erik Joly.
Autre surprise : la hausse soutenue du Nasdaq. « Une performance, pour ainsi dire, improbable. Au départ, nous n’avions pas vraiment investi dans le secteur technologique, justement à cause de la composante ‘taux d’intérêt’. Et voilà que ce secteur décolle sous l’effet d’un engouement pour l’intelligence artificielle. C’est quand même très particulier. »
Erik Joly appelle également à la mesure en ce qui concerne les fortes attentes à l’égard du marché. « Nous pensons que de nombreux secteurs sont valorisés sur la base d’anticipations bénéficiaires très optimistes. Cette situation m’inquiète, car les valorisations sont particulièrement élevées. »
La prudence est de mise
Interrogé sur les perspectives pour le second semestre, l’économiste se montre très circonspect : « Nous sous-pondérons les actions par rapport à l’indice de référence interne. Nous pensons que les marchés et les analystes sont trop optimistes à très court terme. Les bénéfices des entreprises risquent de chuter de 10 à 20 % au cours des prochains mois. Cette baisse n’est pas encore intégrée dans les cours. Qui plus est, nous nous cramponnons à un scénario de récession modérée, tant en Europe qu’aux États-Unis. Or, cela ne concorde pas avec la conjoncture actuelle. »
« En outre, les marchés des actions ne peuvent plus être qualifiés de bon marché.
Sans compter que nous partons encore trop souvent du principe que tout le monde veut des actions. Il existe pourtant d’autres possibilités. Les comptes à terme, par exemple, font un grand retour. Le volet obligataire n’est pas à négliger non plus. D’après nos hypothèses, les taux à long terme devraient baisser d’ici la fin de l’année – raison pour laquelle nous n’hésitons pas à constituer des stocks. Nous misons sur la qualité, avec une surpondération des obligations souveraines et supranationales. Nous privilégions les positions en euros, car nous refusons de prendre des risques supplémentaires pour ce compartiment défensif. »
La Chine et l’Inde en ligne de mire
Actuellement, l’allocation régionale est plutôt neutre. « Mais si nous recherchons à mettre un accent particulier, nous nous tournons vers les marchés émergents et la Chine. Nous pensons que le gouvernement chinois a la capacité de stimuler l’économie à court terme, à la fois sur le plan monétaire et sur le plan fiscal. »
Dans la même région, l’Inde suscite elle aussi de l’intérêt. « Ce pays offre de nombreuses opportunités et dispose d’un énorme potentiel. Si elle comporte bien des défis, l’Inde est et demeure un pays gigantesque et d’une grande complexité en raison de la multitude et de la variété de ses langues, régions et gouvernements. Le tout est de savoir quand investir… Si vous attendez que toutes les planètes soient alignées, vous risquez de rater le coche. »
« Au niveau sectoriel, nous nous intéressons notamment à la branche pharmaceutique, certes un peu à la traîne, mais qui, par son caractère défensif, correspond à notre scénario. Nous évitons le secteur financier, à l’autre extrême du spectre, pour des raisons évidentes telles que le renforcement de la réglementation, les coûts technologiques élevés et la pression sur les marges », conclut Erik Joly.