La Cour européenne de justice a rendu mardi un arrêt aux conséquences très importantes. Elle s’est prononcée contre la divulgation des «Ultimate Benificial Owners» (UBO) dans le registre du même nom accessible au public. La Cour estime que les droits fondamentaux des individus l’emportent parfois sur l’intérêt public à lutter contre le blanchiment d’argent.
L’arrêt concerne le registre UBO, dans lequel les personnes qui détiennent plus de 25 % des actions d’une société ou des actifs d’un trust doivent fournir des informations détaillées sur leur identité et leurs antécédents. Les familles fortunées, en particulier, s’opposent à ces règles, qui découlent des directives anti-blanchiment de l’Union européenne. Ils craignent pour la sécurité de leur famille et la fraude d’identité.
Le registre des entreprises luxembourgeois, connu sous le nom de LBR, avait fait valoir que toutes ces informations devaient également être mises à la disposition du grand public. La Cour de justice de l’UE vient de déclarer que cette prémisse n’est pas valable. Un débat similaire est également en cours dans d’autres États membres de l’UE, notamment aux Pays-Bas.
Au Luxembourg, toutes les sociétés enregistrées, y compris les nombreux fonds d’investissement qui ont trouvé un domicile légal dans le grand-duché, sont tenues de déclarer leurs données relatives à la propriété effective ultime (UBO) à la LBR. Le LBR met également ces informations à la disposition du grand public via son site web.
Droits fondamentaux
Toutefois, la Cour européenne a noté que la loi prévoit également une option par laquelle un bénéficiaire effectif peut demander au LBR de «restreindre l’accès à ces informations dans certains cas». Une société luxembourgeoise et un bénéficiaire effectif ont utilisé cette option pour contester le LBR devant le tribunal de Luxembourg en 2020, en faisant valoir que la divulgation d’informations exclusives détaillées «peut entraîner un risque disproportionné d’interférence avec les droits fondamentaux des bénéficiaires effectifs concernés». Le tribunal luxembourgeois a renvoyé l’affaire à son homologue de l’UE.
L’accès du grand public aux informations sur les bénéficiaires effectifs constitue une violation grave des droits fondamentaux au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel», a déclaré le tribunal de l’UE. «Les informations rendues publiques permettent à un nombre potentiellement illimité de personnes de connaître la situation matérielle et financière d’un bénéficiaire effectif».
La Cour européenne a également reconnu que la divulgation peut, dans certains cas, exposer les sujets à une «utilisation potentiellement abusive de leurs données à caractère personnel».
Tout en notant que la législation de l’UE sur la divulgation des déclarations d’opérations non lucratives sert un intérêt public, puisqu’elle vise à prévenir le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme grâce à une transparence accrue, la Cour a déclaré que, tout bien considéré, la directive de l’UE «constitue une atteinte nettement plus grave aux droits fondamentaux».