De plus en plus de gestionnaires d’actifs adoptent des stratégies d’investissement durable. Triodos Investment Management ne considère pas cela comme une menace pour sa propre position sur le marché.
Pour Jacco Minnaar, managing director de Triodos Investment Management, la crise du coronavirus a clarifié beaucoup de choses : le rapport malsain de l’homme à la nature, les grandes inégalités mondiales dans l’accès à des soins de santé de qualité, ainsi que les points névralgiques d’une économie basée sur la super efficacité.
Minnaar : « Ce sont toutes des choses dont nous devons nous occuper. Ce sont également des domaines sur lesquels les investisseurs d’impact et les investisseurs de fonds se penchent de plus en plus. C’est également valable pour Triodos Investment Management. Les trois thèmes de transition qui se trouvent au cœur de notre politique d’investissement - énergie durable, alimentation et agriculture biologiques, inclusion sociale - sont axés sur les défis que la crise du coronavirus a une fois de plus mis en évidence. »
Les événements récents peuvent-ils être le déclencheur qui tirera complètement l’investissement durable de la marginalité ?
« Je ne vois pas la crise du coronavirus comme un déclencheur ou une révolution, mais plutôt comme l’accélération d’une tendance qui se manifeste depuis longtemps déjà. Au cours des derniers mois, environ 385 milliards d’euros ont été retirés de fonds d’investissement, tandis que 33 milliards d’euros ont été alloués à des investissements ESG au niveau mondial. Les investisseurs comprennent donc la valeur de l’investissement durable, même si l’interprétation du concept est très large. Certains gestionnaires d’actifs limitent leur vision de la durabilité à quelques exclusions, tandis que d’autres poursuivent déjà certains objectifs positifs et que d’autres encore font un pas de plus vers le véritable investissement d’impact. Tout le spectre se décale. »
Rares sont les gestionnaires d’actifs qui ne proposent pas encore de fonds d’investissement durable, et l’offre de fonds d’impact a également le vent en poupe. Triodos Investment Management ne risque-t-il dès lors pas de perdre sa position unique ?
« Nous avons toujours aspiré à la croissance du segment de l’investissement durable. En ce sens, nous ne pouvons qu’applaudir le fait que de nombreux autres produits d’investissement durable arrivent sur le marché. Bien sûr, il y a encore beaucoup de greenwashing. Sous le capot, il y a une grande différence entre les différents produits d’investissement durable. Chez Triodos Investment Management, nous avons une connaissance approfondie des thèmes de transition que nous avons définis et nous effectuons nos propres analyses financières et de durabilité de manière intégrée. Par conséquent, la composition de notre portefeuille d’investissement est également fondamentalement différente, ce qui fait que nos fonds résistent sur le long terme. Notre principal défi consiste à le démontrer. Cela signifie également que nous devons encore avoir l’ambition de rester un frontrunner absolu. »
Dans quelle mesure les marchés institutionnels et retail sont-ils déjà ouverts à l’investissement d’impact ?
« Le marché est en pleine mutation. Sur ce plan, les Pays-Bas peuvent servir d’exemple. Dans la plupart des pays, dont la Belgique, il n’y a pratiquement pas de fonds alternatifs disponibles pour le marché retail. Par conséquent, seules les parties professionnelles ont accès aux fonds d’impact. Aux Pays-Bas, en revanche, ces fonds sont également accessibles aux investisseurs retail. Comme l’intérêt pour ceux-ci était également très important, le marché retail devançait initialement les investisseurs institutionnels, ce qui a vraiment boosté les fonds d’impact. Dans l’intervalle, il n’est plus si exceptionnel qu’aux Pays-Bas, des investisseurs institutionnels ou des fonds de pension fassent travailler une partie de leur capital via des investissements d’impact. Bien sûr, cela fait une réelle différence. Je réfléchirais donc soigneusement au cloisonnement du marché retail. Bien entendu, les produits doivent être proposés aux investisseurs privés avec tout le soin nécessaire, afin qu’ils soient en mesure de faire des choix d’investissement réfléchis et responsables. Mais je pense que le Green Deal européen et la taxonomie européenne peuvent vraiment offrir de bons points d’appuis. »
Y a-t-il encore de nouveaux fonds dans le pipeline ?
« Deux nouveaux fonds étaient prêts pour le premier semestre : un fonds énergétique dans les pays en développement et un fonds d’obligations pour le marché britannique. Pendant la période du coronavirus, nous avons décidé de reporter le lancement de ces fonds et espérons pouvoir le réaliser au cours du second semestre. »