Un focus sur l’ESG serait incompatible avec des investissements dans la dette des marchés émergents (emerging market debt - EMD), mais David Knutson et Autumn Graham, spécialistes EMD chez Schroders ne sont manifestement pas de cet avis.
Les marchés émergents ont toujours souffert d’un problème de perception. Les risques sont souvent fort surestimés par rapport à leur niveau réel. Entre la réalité et la fiction, le fossé est très large, surtout en ce qui concerne la dette des marchés émergents. L’EMD semble en effet posséder des facteurs de qualité égaux, voire supérieurs à ceux d’autres classes d’actifs qui sont considérées comme des allocations de base. Pourtant, les investisseurs continuent de sous-investir dans l’EMD par rapport à son profil de risque et au rendement qu’elle offre.
Le problème de perception s’est accentué avec l’émergence des facteurs ESG. Certains sceptiques estiment qu’une analyse ESG n’a pas sa place dans la l’EMD. Schroders pense que ce point de vue est erroné. Quelques idées reçues :
Idée reçue n° 1 –Les critères ESG ne fonctionnent pas pour les obligations souveraines
Depuis toujours, on tient moins compte des facteurs ESG pour la dette souveraine que pour la dette des entreprises. Beaucoup d’investisseurs soupèsent les risques au niveau national, mais intègrent moins de facteurs de durabilité dans leur analyse macroéconomique. Or, Schroders considère qu’une approche ESG traditionnelle ne permet pas d’analyser l’économie nationale sous-jacente et son impact sur les obligations. C’est pourquoi Schroders utilise le modèle de croissance économique de Solow, qui mesure la productivité par habitant. La durabilité de cette productivité est ensuite mesurée à l’aune d’une série de critères. Notamment l’accès aux soins de santé ou à l’électricité, ou encore le niveau d’égalité sociale. Ces facteurs donnent au final une image des risques et des opportunités par rapport au développement d’un pays et à la valeur des obligations souveraines.
Idée reçue n° 2 –Les informations ESG ne sont pas disponibles pour les entreprises des marchés émergents
Les entreprises des marchés émergents ne baignent pas toujours dans la plus grande transparence et, dans la pratique, il est parfois compliqué de collecter des informations à leur sujet. Mais il y a précisément là un gisement d’opportunités pour les investisseurs actifs. Le fait que les informations ESG soient plus difficiles à obtenir rend la recherche et l’analyse d’autant plus précieuses. Les informations peu connues sur le marché peuvent être utilisées par les analystes pour générer de l’alpha.
Les structures de propriété et les normes de gouvernance varient considérablement sur les marchés émergents. Une analyse ESG des sociétés des marchés émergents peut fournir une protection supplémentaire du portefeuille. Il s’agit de distinguer si la gouvernance des entreprises reflète des conventions différentes ou des risques réels de gestion. Dans la pratique, une entreprise qui prend au sérieux les questions ESG soulevées par les investisseurs — qu’ils soient des marchés émergents ou non — est aussi plus disciplinée et fait plus attention aux détails.
Idée reçue n° 3 – Il n’est pas nécessaire d’effectuer sa propre analyse ESG
Vu la difficulté d’obtenir les informations ESG, Schroders a la conviction que l’analyse personnelle revêt une importance essentielle. Les évaluateurs ESG ne travaillent pas encore de manière fort cohérente. Cela rend indispensable de réaliser une analyse personnelle.
Les spécialistes de Schroders citent l’exemple d’une compagnie d’électricité chilienne, qui a reçu une évaluation très mitigée des agences ESG externes. Elle avait un mix énergétique à forte intensité de CO2, mais le tableau n’était pas complet. Le mix énergétique était en partie dû à l’absence d’une infrastructure durable, mais l’entreprise a fait des efforts pour améliorer sa situation. Elle a dans le pipeline des projets d’énergie renouvelable à hauteur de 642 mégawatts et elle prévoit de fermer ses centrales au charbon entre 2022 et 2024.
Schroders a réalisé sa propre analyse ESG qui met en balance les risques et les éléments que le marché a déjà intégrés dans les cours. Si un analyste pense que les risques ESG sont inférieurs au prix du marché obligataire, cela peut être porteur d’opportunités.