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Si on se réfère aux indicateurs de valorisation traditionnels, les actions américaines sont surévaluées. Jeremy Grantham de GMO est également de cet avis. Mais attention, deux éléments déterminants nuancent la situation, notamment l’évolutivité fortement accrue des entreprises (technologiques) et les primes de risque très élevées. 

Dans cette analyse, nous fournissons deux arguments en faveur d’une surperformance persistante des actions américaines, et deux en faveur d’une meilleure performance des actions internationales/des pays émergents.

GMO réalise un aperçu trimestriel des rendements à long terme attendus pour différentes classes d’actifs, dont les actions américaines. Comme on le voit ci-dessous, le tableau n’est pas vraiment rose pour cette classe d’actifs. 

Les grandes actions américaines offriront un rendement réel de -1,5 % par an au cours des sept prochaines années. À l’autre extrémité du spectre, on trouve les actions des marchés émergents avec un biais de valeur, avec un rendement attendu de 11,8 % par an. Le segment obligataire est également en difficulté, avec des rendements attendus négatifs sur toute la ligne. 

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Source : GMO

Grantham est très clair : « Voilà longtemps que je ne suis plus un gestionnaire de portefeuille actif, mais je donne mon avis avec plaisir : il est très probable que le marché américain se trouve dans une grosse bulle, du genre qui se produit toutes les quelques décennies et qui rappelle la fin des années 1990. Cela va très probablement mal se terminer, bien que rien ne soit certain. »

Ce ‘bien que rien ne soit certain’ est particulièrement intriguant. Jeremy Grantham entretient-il le mystère ? Dans la conclusion de son article, il est cependant on ne peut plus clair : « Les actions de valeur ont connu jusqu’à fin décembre 2019 leur pire décennie en termes de croissance. » 

L’année 2020 a été la pire de tous les temps, avec des spreads entre croissance et valeur atteignant en moyenne 20 à 30 points de pourcentage en un an seulement. 

Les actions de croissance des pays émergents se négocient à une de leurs plus faibles valorisations par rapport aux actions américaines depuis cinquante ans. Il n’est dès lors pas surprenant que les opportunités d’investissement relatives résident principalement dans le recoupement de ces deux idées, en l’occurrence les actions de valeur et des marchés émergents. 

Évitez autant que possible les actions de croissance américaines !

Cette fois…

‘Cette fois, c’est différent’ est un coûteux serment que les investisseurs prêtent sur les marchés. Nous voyons deux arguments expliquant pourquoi les actions américaines vont sous-performer les autres actions internationales et les actions des pays émergents, et deux arguments clés davantage susceptibles de plaider en faveur d’une surperformance durable. 

Contre : les actions américaines sont très chères

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Source : Factset

Selon une analyse récente de Factset, le ratio historique cours/bénéfice de l’indice américain S&P 500 est de 35,1, un chiffre nettement supérieur à la moyenne quinquennale de 21,8.

Il est aussi nettement supérieur à la moyenne décennale de 18,9. Comme les multiples de valorisation des marchés actions ont tendance à revenir à la moyenne à long terme, nous pouvons supposer que nous assisterons à une compression dans les années à venir. 

Même si les bénéfices continuent d’augmenter, une normalisation s’impose. 

Contre : les actions internationales de croissance se comportent mieux en cas de reprise cyclique

Schroders a récemment publié un document intéressant concernant les différentes classes d’actifs. Il montre que dans le passé, les actions non-américaines ont enregistré des performances supérieures à celles des actions américaines en cas de reprise cyclique.

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Source : Schroders

Cela s’explique par le fait qu’il y a aux États-Unis nettement moins d’entreprises sensibles à une forte reprise économique. En d’autres termes, l›‘exposition cyclique’ (voir graphique de gauche) est plus limitée. Dans les années 2000, les actions américaines ont également sous-performé les actions internationales. 

Dans l’intervalle, le mouvement de reflation se poursuit sans relâche. Depuis l’annonce des vaccins en novembre 2020, les actions mondiales de valeur ont augmenté cumulativement de près de 19,5 %. Les actions mondiales de croissance n’ont augmenté ‘que’ de 4,5 % en dollars. 

Tant en Europe qu’aux États-Unis, la croissance économique se situe entre 6 et 8 % en 2021. Rien n’indique encore que celle-ci va s’affaiblir. Le mouvement de reflation peut donc se poursuivre pendant un certain temps encore.

Pour : Les actifs incorporels constituent une part importante de la création de valeur aux États-Unis

Pas moins de 90 % de la valeur marchande des 500 plus grandes entreprises américaines de l’indice S&P 500 sont constitués d’actifs incorporels. 

En 1975, cette part n’était que de 17 %, comme on peut le constater.

Les trente plus grandes entreprises du monde sont donc très différentes des trente plus grandes entreprises d’il y a trente ans, ainsi que Warren Buffett l’a montré le week-end dernier lors de la réunion annuelle en ligne de Berkshire Hathaway. Exactement aucune entreprise ne figure sur les deux listes. 

 

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Cathie Wood, la célèbre gestionnaire et dirigeante du fournisseur d’ETF disruptifs ARK Investments, déclarait déjà que les effets de réseau et les actifs incorporels constituent une combinaison particulièrement puissante, ce qui l’amène à une mise en garde : « De nos jours, le ‘secret’ du succès d’une innovation réellement disruptive est que trop de capitaux courent après les modèles à effet de réseau et asset light qui ont défini le succès dans l’ancien monde. »

Dans le monde numérique d’aujourd’hui, ces actifs incorporels sont mieux utilisables que les actifs corporels. Les investisseurs trouvent davantage d’entreprises de ce type aux États-Unis qu’en Europe, mais l’Asie en particulier opère un important mouvement de rattrapage. 

Pour : les FANG sont moins chères qu’on ne le pense

Ces dernières semaines, des entreprises telles qu’Alphabet, Microsoft et Amazon ont annoncé leurs résultats. Presque tous étaient nettement meilleurs que prévu. 

Aussi bien le chiffre d’affaires que le flux de trésorerie disponible ont augmenté de façon spectaculaire.

Ces entreprises représentent ensemble environ un quart des indices américains et ont donc un impact majeur sur les performances du marché. Ces entreprises contrôlent la quasi-totalité de l’ossature numérique d’innombrables entreprises à travers le monde. C’est incontournable.

Les investisseurs se rendent maintenant compte que ces grandes entreprises technologiques ne sont pas aussi chères qu’ils le pensaient ces dernières années. Par exemple, grâce aux résultats phénoménaux d’Alphabet, le ratio cours/bénéfice de l’action est tombé de 33x à 28,1x. 

Selon Tom Simonts, économiste de marché chez KBC, il s’agit du plus bas niveau depuis novembre 2019. 

Les entreprises FANG répondent à la fois aux critères de valeur et de croissance. Les grands investisseurs institutionnels ne sont donc que trop heureux de les inclure dans leurs portefeuilles.

Conclusion

C’est vrai, le marché américain est (relativement) cher et d’autres marchés internationaux, en particulier les pays émergents avec un biais de valeur, offrent des valorisations (relativement) meilleures. À court terme, une sous-performance des actions américaines est vraisemblable, en particulier tant que la reprise cyclique se poursuit. 

À long terme, le marché américain - le plus liquide, le plus profond et le plus favorable aux actionnaires au monde - offre encore de très nombreuses opportunités. À cet égard, la gestion active jouera très probablement un rôle plus important que la gestion passive de ces dernières années.

 

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