Les investisseurs ont toujours du mal à évaluer le risque de crédit et l’évolution des taux.
Le rendement réel de l’indice ICE BofA US High Yield s’élevait à 8,3 % fin mars, celui de l’ICE BofA Euro High Yield, à 7,2% . Si ces chiffres, surtout pour l’Europe, semblent attrayants en perspective historique, ils doivent être comparés au rendement des obligations d’entreprises de bonne qualité et à celui des emprunts sans risque. Pour cela, les investisseurs se réfèrent traditionnellement aux spreads, ou écarts de crédit.
Des spreads volatils
L’indice ICE BofA US High Yield Option-Adjusted Spread a terminé le premier trimestre à 458 points de base, en légère baisse par rapport à la fin du trimestre dernier (481 points). Le spread a toutefois beaucoup fluctué au cours des trois premiers mois de l’année. Les actifs risqués ont commencé l’année sur une note positive, alors que les opérateurs attendaient un terme rapide au cycle de resserrement monétaire de la Fed. Le spread du haut rendement a chuté à 394 points de base. Il a toutefois bondi à 522 points de base avec la révélation des problèmes de la SVB et de Credit Suisse, pour ensuite retomber sous les 450 points de base. Le dernier sommet des spreads des obligations américaines à haut rendement remonte à début juillet 2022, à environ 600 points de base, largement inférieur à celui de 2020 (plus de 1000 points de base) et même de février 2016 (890 points de base), sur fond de spéculation sur une vague de faillites des acteurs américains des secteurs pétrolier et des matières premières, après la chute des cours de l’or noir. Son équivalent européen s’établissait à 474 points de base fin mars, et son évolution depuis janvier a été similaire.
Les titres investment grade très prisés
Le spread des obligations américaines investment grade notées BBB s’établissait à 177 points de base fin mars, pour un rendement réel de 5,5 %. Logiquement, le différentiel de rendement, inférieur à 300 points de base, est considéré comme trop faible par certains investisseurs. Le risque de crédit est toujours bien plus important pour les obligations à haut rendement. Par le passé, les récessions se sont souvent accompagnées d’un nombre important de défauts de paiement sur ce segment.
Eugene Philalithis, gérant principal du fonds Fidelity Global Multi-Asset Income, fait partie des sceptiques. L’allocation aux obligations à haut rendement a atteint un plancher historique (16 %) fin 2022, en nette baisse par rapport à la moyenne (près de 30 %) constatée entre le deuxième trimestre de 2020 et la fin de l’année 2021. L’allocation au segment défensif de ce fonds mixte composé surtout d’obligations américaines à haut rendement a augmenté, de 11 % fin 2021 à un record de 26 % un an plus tard. Cette stratégie axée sur la génération de revenus vise un rendement annuel de 5 % environ. Elle est notée Bronze par les analystes de Morningstar.
Ensemble, les investisseurs européens ont retiré 1,6 milliard d’euros des fonds de la catégorie Morningstar des obligations internationales à haut rendement sur les trois premiers mois de l’année. La catégorie des obligations à haut rendement en USD a aussi connu une décollecte sur la période, tandis que celle en EUR voyait affluer quelque 1,5 milliard d’euros. La décollecte affichée par les fonds obligataires à haut rendement contraste fortement avec la collecte enregistrée par les obligations d’entreprises internationales, en EUR et en USD, comme le montre le tableau ci-dessous.
Catégorie Morningstar |
Flux net estimé T1 2023 (en millions EUR)
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Flux net estimé 2022 (en millions EUR)
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Actif net (en millions EUR)
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Obligations d’entreprises EUR
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7 233
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5 141
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191 943
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Obligations d’entreprises USD
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1 786
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4 429
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37 517
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Obligations d’entreprises internationales
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218
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597
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6 022
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Obligations à haut rendement en EUR
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1 469
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(6 708)
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49 868
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Obligations à haut rendement en USD
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(1 700)
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(11 990)
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39 598
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Obligations à haut rendement internationales
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(1 593)
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(6 528)
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42 691
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Prudence
Au cours du trimestre écoulé, BlackRock Investment Institute a revu à la baisse ses prévisions tactiques pour les obligations à haut rendement, estimant que la panique bancaire allait entraîner un nouveau durcissement des conditions d’octroi de crédit et que les taux allaient rester élevés pendant encore longtemps. BlackRock sous-pondère désormais le haut rendement et adopte un positionnement neutre sur les obligations investment grade. PIMCO table pour sa part sur une diminution de la volatilité induite par la politique des banques centrales, mais reste prudent vis-à-vis des obligations plus risquées, du fait de leur sensibilité à la conjoncture. La maison privilégie les titres de qualité d’échéance moyenne. Amundi fait aussi preuve de prudence : si les spreads sont raisonnables à long terme, ils vont probablement augmenter lorsque les effets de la récession découlant de la hausse des taux et de la politique d’octroi du crédit plus stricte se feront davantage ressentir sur l’économie.
Le top 5
Le top 5 de la semaine est consacré à la catégorie Morningstar des obligations internationales à haut rendement, et tient compte des fonds pour lesquels une classe de parts sans frais de distribution est disponible en Belgique. Le classement liste les cinq fonds ayant affiché la meilleure performance sur le premier trimestre de 2023.
La première place revient au fonds UBAM Global High Yield Solution Extended Duration, géré par Philippe Gräub et Bram ten Kate. Le premier, au service de la maison suisse Union Bancaire Privée depuis plus de 15 ans, est responsable mondial du revenu fixe à rendement absolu. Bram ten Kate, ancien de Credit Suisse, travaille depuis 10 ans déjà pour UBP. Créé en juillet 2021 seulement, le fonds affiche une exposition nominale nette aux obligations à haut rendement de 80 % à 120 % grâce au recours à des swaps de défaut de crédit (CDS), des contrats dérivés par lesquels l’exposition au risque de crédit d’un produit obligataire est cédé, offrant une protection contre le défaut de paiement. Le fonds investit notamment dans l’indice iTraxx Crossover, très populaire et donc liquide. À l’aune de la duration, la sensibilité aux taux du fonds s’établit entre 2,5 et 5,5 ans.
La troisième place du podium est occupée par le fonds M&G (Lux) Global Floating Rate High Yield qui, comme son nom l’indique, investit au minimum 70 % de son actif en obligations à taux variables émises par des entreprises aux notations les plus faibles. À la fin du trimestre dernier, les plus importants émetteurs en portefeuille étaient l’opérateur télécom United Group, le développeur de logiciels Teamsystem, ainsi que Paganini Bidco, actif dans le secteur de l’éducation. Une partie du fonds peut être investi dans d’autres titres à revenu fixe, et notamment des emprunts d’État, mais aussi dans des dérivés (indices de défaut de crédit…). Depuis le lancement du fonds, en septembre 2014, James Tomlins pilote la stratégie, avec une approche axée surtout sur la sélection bottom-up des titres. Il peut s’appuyer sur les analystes de crédit de M&G. Notons qu’il gère également le fonds M&G Global High Yield Bond, noté Bronze par les analystes de Morningstar (pour la catégorie de parts I, disponible au Royaume-Uni).
BE