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Comment les gestionnaires de portefeuille belges relèvent-ils quatre grands défis : les exigences ESG, le respect de la réglementation et de la législation, les développements technologiques et la guerre des talents ?

Selon la BEAMA, les gestionnaires de portefeuille belges seront confrontés, dans les années à venir, à quatre grands défis. Investment Officer a demandé à KBC Asset Management ainsi qu’à Degroof Petercam Asset Management (DPAM) de les commenter. 

Défi 1 : la mise en œuvre des nouvelles obligations ESG

« L’évolution de l’ESG 0.0 à l’ESG 1.0 entre 2000 et 2019, puis le passage à l’ESG 2.0 en 2022, ont débouché sur une vision plus harmonisée (à l’international). Elles ont toutefois engendré des procédures plus complexes, tandis que l’impact sur l’économie réelle augmente clairement », déclare Ophélie Mortier, Chief Sustainable Investment Officer chez DPAM. Elle insiste sur les trois dimensions de l’ESG : environnementale, sociale et ayant trait à la gouvernance. 

« Pour le pilier environnemental, le défi, en termes d’investissement, mais aussi les opportunités sont bien là, dans toutes les zones géographiques, le plus favorable étant sans doute un scénario dans lequel le réchauffement planétaire reste inférieur à 1,5°C. Les questions sociales sont de plus en plus intégrées à des concepts d’investissement et de régulation durables, et sont imbriquées aux risques économiques et géopolitiques. Pour ce qui est de la gouvernance, l’actuel climat d’investissement exige une bonne connaissance et une bonne intégration de la part des administrations et des investisseurs. »

« Degroof Petercam Asset Management estime que les marchés des capitaux doivent continuer sur leur lancée pour mobiliser, innover, améliorer, revoir et grandir. » En effet, selon Ophélie Mortier, l’ESG 2.0 est un concept qui évolue en permanence. « Le courant rejetant l’ESG n’a aucun mérite : l’intégration globale des facteurs ESG se généralise dans le cadre du devoir d’attention et de l’obligation fiduciaire. La disponibilité et la qualité des données au sein des entreprises financières et non financières augmentent, ce qui améliore la gestion des risques et des opportunités. »

« KBC Asset Management perçoit toujours la durabilité comme une opportunité structurelle, et ce depuis les années 1990 », ajoute Jürgen Verschaeve, Chief Investment Officer de KBC Asset Management. « En tant que gestionnaire d’actifs concentré sur les particuliers européens, il est clair que la dynamique de la prise de considérations en matière de durabilité reste forte. La directive MIF et les préférences ESG, ainsi que la SFDR, ont mis la barre très haut pour tous les acteurs, mais nous ne sommes pas inconfortables pour autant. Que du contraire, nous appliquons une méthodologie stricte, centrée sur les données. Le fait qu’un nombre croissant d’entreprises rapportent des chiffres détaillés permettra une transparence accrue pour le client final. Le revirement drastique de la perception sociale du besoin de l’ESG, par exemple dans le cadre de la réélection potentielle de Donald Trump, constitue une menace éventuelle. »

Défi 2 : le respect d’une législation et d’une réglementation toujours plus strictes

« En tant qu’investisseur ciblant les particuliers, nous estimons important de pouvoir opérer dans un cadre législatif strict et clair, avec une protection maximale du consommateur », poursuit Jürgen Verschaeve à propos du second défi. « Avec ces législations, nous investissons considérablement dans la conformité. La complexité législative implique toutefois des coûts plus importants, qui sont en partie au moins répercutés sur les clients. Plusieurs réglementations relatives à la transparence ne sont pas toujours disponibles dans la langue du client, et de ce fait, les législations n’atteignent que moyennement leur objectif. »

« Je rejoins totalement les points de vue de la BEAMA », déclare Caroline Tubeuf, Head of Legal chez DPAM. « En outre, la réglementation s’inscrit dans chaque plan, chaque projet d’entreprise des gestionnaires d’actifs. Cette inflation de réglementation au niveau européen pose toutefois la question de la forme que veulent donner les législateurs au monde financier, au vu de la pression sur les coûts, du besoin de professionnels toujours plus expérimentés et perfectionnés et des frais liés aux données obtenues par les gestionnaires d’actifs. Tous ces éléments peuvent conjointement déboucher sur une concentration du marché de la gestion des actifs, dans lequel seuls les plus gros pourraient survivre, le but étant que les plus petits disparaissent ou soient repris dans une plus grosse structure. »

Caroline Tubeuf estime qu’il est difficile de trouver une quelconque cohérence dans les différentes réglementations. « Il y a les actualisations du SFDR, de la taxonomie, des directives MIF, AIFMD/UCITS et PRIIPS. La cadence des adaptations et des révisions augmente, parfois en contradiction avec la réglementation existante. Un exemple : le SFDR Niveau 2 est revu sur la base du Niveau 1 existant. Le Niveau 1 est également revu, et de ce fait les principes de base sur lesquels le Niveau 2 repose peuvent changer. De nombreux garde-fous protègent le petit investisseur, mais la réglementation devient tellement complexe qu’il est difficile de percevoir comment un petit investisseur peut comprendre un prospectus. La réglementation manque son objectif, aussi louable soit-il. »

Défi 3 : l’adoption des développements technologiques

« Un gestionnaire d’actifs doit investir structurellement dans son infrastructure informatique, il en a toujours été ainsi », déclare Jürgen Verschaeve. « Nous avons opté pour un puissant système end-to-end core, autour duquel nous déployons des systèmes périphériques spécialisés. L’intelligence artificielle constitue bien évidemment un développement majeur, que nous intégrons d’ailleurs depuis 2018. Cela a permis une automatisation approfondie et/ou une assistance propulsée par les données pour certains de nos processus majeurs. Nous estimons qu’avec l’avènement de l’IA générative, cette tendance ne fera que s’accélérer. Les processus clients changeront eux aussi du tout au tout. »

Frederiek Van Holle, Head of Technology & Operations chez DPAM, estime que « pour pouvoir soutenir ces nouveaux processus et produits, une bonne gestion numérique est cruciale. Développer une plateforme de données performante, sûre et accessible sur les systèmes existants, qui sont désuets, est un défi de taille. Sans oublier que dans ce domaine, la demande des clients ne fera que croître au rythme de leur offre et de leurs ambitions numériques. Il faut en outre accorder une grande importance à la cybersécurité. De nouvelles technologies évolutives vont en effet souvent de pair avec une évolution vers le cloud computing. Notre dépendance à cet égard peut booster notre efficacité opérationnelle, mais aussi constituer un risque supplémentaire si la technologie n’est pas correctement déployée ou comprise. Enfin, une réglementation stricte empêche souvent une adaptation et une adoption rapide, ce qui n’est pas dans l’intérêt des clients. »

Défi 4 : la guerre des talents

Frederiek Van Holle poursuit avec le quatrième défi. « Il est crucial de recruter des profils adéquats pour pouvoir travailler avec la technologie de demain, mais ce n’est pas toujours facile ; le fait de ne pas utiliser les derniers outils,  peut faire décrocher les candidats. » Jürgen Verschaeve voit les choses de façon plus positive. « Le profilage de la KBC en tant que bancassureur novateur attire beaucoup de gens passionnés par l’application des nouvelles technologies. Il est agréable de voir que dans ses pays clés, la KBC est et reste un employeur attrayant. De ce fait, nos postes vacants sont assez rapidement pourvus, malgré la pénurie du marché. En tant qu’entreprise internationale très diversifiée, nous offrons en outre de nombreuses possibilités à nos collaborateurs. »

Cet article est le dernier volet d’une série de  deux articles sur les défis des gestionnaires d’actifs belges. Dans le premier volet, Marc Van de Gucht, directeur général de la BEAMA, esquissait l’avenir du secteur belge de la gestion d’actifs.

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