L’investissement de valeur est inscrit dans l’ADN de Value Square. La société indépendante de gestion d’actifs reste fidèle à ses convictions, même dans les périodes difficiles.
Entretien avec Patrick Millecam, CIO et co-fondateur de Value Square, et Kris Hermie, CFA (photo), expert Valeurs et dividendes, qui a fait ses premières armes chez Bank Corluy, Petercam et NN Investment Partners.
Comment expliquez-vous la sous-performance persistante des titres de valeur ?
P. Millecam : « Tout d’abord par la baisse des rendements à long terme, qui pénalise souvent les investissements de valeur. La corrélation entre la hausse des taux à long terme et la performance de ces titres est de 80 à 85 % environ. C’est logique, car la valeur future d’une action est actualisée sur la base d’un certain taux. Plus ce taux est bas, plus la valeur finale de l’entreprise en question est élevée. Les actions de type croissance profitent de ce phénomène. Cette corrélation est quelque peu atténuée par la guerre commerciale et les problèmes géopolitiques, mais reste assez forte. »
K. Hermie : « Dans un contexte de croissance atone, les actions de croissance affichaient de très belles performances. En 2018, les cinq plus grandes actions (de croissance) du S&P 500 (Apple, Amazon, Facebook, Microsoft et Google) pesaient autant que les 283 plus petites valeurs. La période n’était pas favorable au style valeur. »
Un retournement est-il à prévoir ?
P. Millecam : « Nous ne faisons généralement pas de prédictions sur l’évolution des cours des actions. Juste avant les premières frictions commerciales sino-américaines, les taux américains s’approchaient de 3 %. Les actions de valeur commençaient alors à reprendre des couleurs. Depuis, la tendance s’est de nouveau inversée. Il reste difficile de prévoir l’avenir, mais à la différence d’autres acteurs qui ont viré leur cuti, nous restons fidèles à nos convictions. »
Est-il indiqué d’ajouter d’autres facteurs tels que la qualité ou le momentum à une stratégie de valeur ?
K. Hermie : « Chez Value Square, nous avons conçu notre propre filtre de qualité qui tient compte de la solvabilité, de la liquidité, de l’endettement et de la rentabilité. Cela nous permet de sélectionner les meilleures entreprises et d’éviter les pièges, comme Nyrstar. Une action bon marché peut le rester un certain temps. Un fort endettement peut signer l’arrêt de mort d’une entreprise, alors qu’un bilan sain et un beau dividende permettent d’attendre des jours meilleurs. »
P. Millecam : « Depuis l’arrivée de Koen Hoffman au poste de CEO, nous nous concentrons davantage sur les entreprises familiales. Ces dernières sont véritablement orientées sur le long terme et peuvent évoluer sur des segments de marché intéressants. »
Quelle est la répartition géographique de votre fonds international ?
P. Millecam : « Nous ne nous contentons pas de prendre en compte le cours d’un titre en Bourse, mais passons tous les chiffres au crible. Nous étudions en particulier les rapports annuels pour déterminer la répartition géographique du chiffre d’affaires. Fin avril, les entreprises du portefeuille réalisaient au total 42 % de leur chiffre d’affaires en Asie-Pacifique, 34 % en Europe, 13,6 % en Amérique du Nord, 5,5 % en Afrique et 2,1 % en Amérique latine et dans les autres régions. Ainsi, une entreprise comme Barco est cotée à Bruxelles, mais son chiffre d’affaires provient pour un tiers d’Amérique, pour un tiers d’Europe et pour un tiers d’Asie. Nous sommes donc véritablement un fonds mondial, avec un biais vers les marchés émergents. »
Qu’en est-il de l’intégration des facteurs ESG ?
K. Hermie : « Cette préoccupation est très présente chez nos clients et dans la société dans son ensemble. Nous n’achetons pas de données auprès de prestataires tels que Sustainalytics, mais disposons de nos propres capacités de recherche. Nous ne prétendons pas être des spécialistes de la durabilité, mais utilisons notre bon sens. Nous avons également signé les Principes de l’investissement responsable des Nations unies en 2017, ce qui souligne notre engagement en tant qu’actionnaire actif. »
P. Millecam : « Nous nous engageons véritablement dans les entreprises en portefeuille. Nous pensons notamment qu’il est important d’utiliser notre droit de vote. Ainsi, l’année dernière, je n’ai pas approuvé les résolutions de l’assemblée générale de Socfinasia et Socfinaf, car ces deux entités n’avaient pas d’administrateur indépendant. Ces objections ont été prises en compte, et ils vont être nommés. »
Pour finir, qu’est-ce qui vous rend uniques ?
P. Millecam : « Nous conservons notre accent sur les titres de valeur. Ce style d’investissement est inscrit dans le nom de notre entreprise et dans notre ADN. L’association de titres de valeur et d’entreprises familiales permet de combiner valeur et qualité. »
K. Hermie : « Notre fonds international a atteint un rendement annualisé de 10 % par an après déduction des frais au cours de la décennie écoulée. C’est beaucoup mieux que le MSCI Value. Nous parvenons donc à générer une réelle valeur ajoutée. »