Vincent Van Dessel
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Vincent Van Dessel, le nouveau président de la Fédération flamande des investisseurs (Vlaamse Federatie van Beleggers ou VFB), critique sévèrement la taxe sur les plus-values que le gouvernement De Wever I souhaite introduire. « Les conséquences de cette mesure anti-économique sont incalculables », déclare l’ancien CEO de la Bourse de Bruxelles. 
 

Bien qu’officiellement pensionné, Vincent Van Dessel (66 ans) est loin de rester inactif. Depuis quelques semaines, l’ancien dirigeant d’Euronext Bruxelles, qui a dédié toute sa carrière au secteur boursier national, est prêt à entamer un nouveau chapitre : la présidence de la VFB, la Fédération flamande des investisseurs.

Il se retrouve d’emblée confronté à une mesure radicale inscrite dans l’accord de gouvernement de la nouvelle coalition : une taxe sur les plus-values boursières de 10 % – officiellement appelée « contribution de solidarité », assortie toutefois de clauses d’atténuation pour les petits investisseurs et entrepreneurs.

Vincent Van Dessel n’hésite pas à réagir avec des termes forts : « une catastrophe, un drame pour l’économie belge et une haute trahison de la part de nos responsables politiques. En outre, cette nouvelle taxe est d’une complexité inouïe. »

Qu’est-ce qui suscite une telle colère chez vous ?

Vincent Van Dessel : « Bart De Wever (N-VA) et Georges-Louis Bouchez (MR) n’ont manifestement tiré aucune leçon de l’échec de la taxe sur la spéculation, il y a neuf ans. Cette mesure avait provoqué l’effondrement de la négociabilité des petites actions et, depuis, les introductions en Bourse en Belgique se font rares, voire inexistantes. La confiance est rompue. Les entreprises belges deviennent ainsi des oiseaux pour le chat étranger. À l’époque, les recettes de la taxe boursière ont d’ailleurs chuté plus fortement que ce que la fameuse taxe sur la spéculation n’a jamais rapporté. »

« En instaurant une taxe sur les plus-values boursières, le gouvernement saborde sa propre économie. Les responsables politiques ne se soucient apparemment plus des investisseurs et des entreprises, autrement dit de ceux qui génèrent la croissance économique. Tout cela parce qu’eux-mêmes dilapident l’argent public sans jamais en subir les conséquences. »

« Les répercussions économiques d’une telle taxe sur les plus-values sont véritablement incalculables. Les grandes fortunes françaises, par exemple, ne tarderont pas à chercher refuge ailleurs et à quitter la Belgique. Et nous parlons ici de personnes disposant de capitaux importants, qui paient beaucoup de précompte mobilier et dépensent beaucoup, notamment en tant que mécènes d’initiatives culturelles et sociales, y compris dans le domaine de la recherche médicale. »

Pourquoi qualifiez-vous cette taxe d’« incroyablement complexe » ?

« Chaque investisseur devra remplir une déclaration, ce qui soulève de nombreuses questions. Que faire s’il possède plusieurs comptes ? Que se passe-t-il si vous enregistrez aujourd’hui des moins-values et que vous vendez plus tard au prix historique d’achat ? Va-t-on taxer une plus-value inexistante ? Quel sera le rôle des banques ? Qu’en est-il des comptes détenus à l’étranger ? Que faire en cas de succession ou de donation ? Et qu’en est-il pour les comptes joints ou les clubs d’investissement ? »

Le nouveau gouvernement pourrait rétorquer : « Mais cela fonctionne dans d’autres pays, non ? »

« Certes, mais dans des pays où la fiscalité est différente. Un petit pays comme le nôtre doit conserver certaines niches. Et surtout, les Belges sont extrêmement sensibles à la fiscalité, et encore plus aux déclarations fiscales. »

L’investisseur particulier est-il réellement si mal traité en Belgique ?

« Les non-initiés perçoivent le petit investisseur comme un spéculateur uniquement focalisé sur les gains à court terme. Cette perception est totalement erronée et doit impérativement être corrigée. Sur le plan sociétal, le rôle de l’investisseur particulier est fondamental : en investissant, il contribue à la création d’emplois, au soutien de la recherche et au développement économique. Sans ces investisseurs particuliers, les avancées médicales – notamment dans le secteur belge de la biotechnologie – n’auraient jamais été aussi impressionnantes. » 

« Lorsque j’ai commencé à travailler, il y a environ 40 ans, on a instauré quelques mois plus tard une contribution de crise, une taxe supplémentaire de 3 % sur les revenus. Cette taxe était censée être « temporaire », mais elle est toujours en vigueur ! » (rires) « Tout ce qui est pris dans la poche des investisseurs ne profite pas à l’économie. Cet argent sert à combler des puits sans fond. » 

« Alors, qu’on laisse les investisseurs particuliers tranquilles. Ils paient déjà suffisamment d’impôts, et investissent de surcroît de l’argent qui a déjà été taxé. Chaque nouvel impôt agit comme un frein et entraîne immédiatement des effets négatifs. Il est évident que dans notre pays, aucun homme politique n’investit en Bourse. Pourquoi ? Parce qu’il reçoit son salaire et sa pension de l’État, et qu’il n’en a tout simplement pas besoin. »

Les politiciens et la Bourse

Fort de vos longues années d’expérience, vous connaissez de nombreux politiciens. Pourquoi ne parvenez-vous pas à les convaincre ?

« Je sais par expérience qu’un homme politique pense avant tout à ses propres intérêts. Ma première question à un nouveau ministre des Finances est toujours la même : « Possédez-vous des actions ? » Si la réponse est non, je sais immédiatement à quoi m’en tenir. C’est aussi simple que cela. Le dernier politicien politique qui a réellement fait beaucoup pour la Bourse et le pays, c’était Etienne Cooreman (à l’origine de la loi Cooreman-De Clercq de 1982, destinée à promouvoir les actions belges auprès du grand public belge, NdlR). Et pourquoi ? Parce qu’il détenait des actions dès l’âge de six ans. J’ai moi-même offert des actions à mes enfants lorsqu’ils ont eu cet âge. »

Si vous aviez siégé à la table des négociations avec le gouvernement, quelles propositions concrètes auriez-vous faites ?

« Je commencerais par suivre l’exemple des Pays-Bas en 2008 : examiner un à un tous les postes et toutes les dépenses de l’État. À l’époque, tout ce qui était inutile a été supprimé. Il est impératif de réaliser des économies, et de manière drastique. Les emplois supprimés dans ce cadre doivent être créés ailleurs. Il serait plus facile d’intégrer ces personnes dans des entreprises privées si les épargnants belges étaient disposés à financer ces entreprises en y investissant. »

« Les mesures fiscales incitatives sont efficaces et doivent être conçues selon un principe win-win. Laissons les petits investisseurs se concentrer sur ces petites entreprises. Ainsi, l’économie locale est soutenue par des investisseurs locaux, qui entretiennent un lien direct avec ces entreprises. Aucun investisseur belge ne souhaite acheter une petite entreprise au Portugal, n’est-ce pas ? De plus, les analystes suivront cette dynamique, ce qui attirera encore plus d’investisseurs. Un autre élément important est la promotion de l’actionnariat chez les employés, comme le pratiquent de nombreuses jeunes entreprises technologiques. En termes de motivation et de création de valeur, cela profite clairement à la société. Plus d’actionnaires, c’est plus de prospérité pour un plus grand nombre. »

« Nous comptons parmi les pays où les dépenses publiques sont les plus élevées au monde. Il est évident que cette situation n’est pas tenable. Selon moi, il est urgent d’évoluer vers des modèles similaires à ceux des Pays-Bas et de la Norvège, où d’importants fonds de pension ont été constitués. Regardez, ces pays s’en sortent beaucoup plus facilement que nous. Ici, nous ne disposons d’aucune réserve. Laissons les citoyens épargner pour l’avenir, que ce soit à titre individuel ou par l’intermédiaire de leur employeur. »

En tant qu’ancien CEO d’Euronext, observez-vous avec tristesse le peu d’intérêt que suscitent les nouvelles introductions en Bourse à Bruxelles ? 

« Déplorer une situation ne sert à rien. Ce qui importe, c’est de savoir comment agir pour y remédier. On n’attrape pas les mouches avec du vinaigre. Aujourd’hui, nous avons un système politique totalement déconnecté de la population. Nous ne vivons pas dans une démocratie, mais dans une particratie fragmentée. Aucun politicien ne voit ses revenus diminuer lorsque l’État enregistre des pertes. Les partis sont même financés par l’État et n’ont de comptes à rendre à personne. Le système a déraillé et il s’est figé. » Il ne reste plus qu’à attendre l’émergence de véritables hommes ou femmes d’État capables de changer les choses. Et croyez-moi, ces personnes existent, mais on refuse de les écouter. »

Les investisseurs privés ne sont-ils pas tentés de rechercher des rendements un peu plus élevés en investissant, par exemple, aux États-Unis ? 

« Le rendement d’un investissement dépend en fin de compte des performances des entreprises dans lesquelles vous investissez, et donc de l’évolution de l’économie, y compris à l’échelle mondiale. En achetant des actions AB InBev, vous n’investissez pas dans une entreprise belge, mais dans une entreprise internationale. Aujourd’hui, les petites entreprises éprouvent plus de difficultés à obtenir des financements que les grandes, notamment sur les marchés boursiers. La tendance actuelle en Bourse, c’est big is beautiful, et ce n’est pas normal. Historiquement, la rentabilité des petites entreprises a toujours été plus élevée, et cela restera vrai sur le long terme. Mais pour voir émerger les champions de demain, il faut des investisseurs prêts à y investir. Et les investisseurs ont naturellement tendance à se tourner vers les entreprises des pays où l’entrepreneuriat est encouragé et respecté. »

ETF

Que pensez-vous de la popularité croissante des ETF par rapport aux actions individuelles ?

« L’investissement passif présente des avantages pour l’investisseur agissant depuis son hamac : il est diversifié et peu coûteux. Le problème, c’est que ces investisseurs ne prêtent plus attention aux entreprises dans lesquelles ils investissent indirectement. Les grandes capitalisations, qui se retrouvent automatiquement dans tous les indices, sont fondamentalement surévaluées en raison de l’impact des ETF.

Les petites entreprises peinent donc davantage à attirer des investisseurs. Les seuls à pouvoir combler cette lacune sont les investisseurs particuliers. Grâce à eux, ces entreprises peuvent malgré tout lever des fonds et assurer un certain niveau de liquidité. 
En période de crise, les grandes capitalisations, massivement représentées dans les fonds, voient aussi leur valeur chuter beaucoup plus rapidement. Les petites entreprises, en revanche, restent généralement plus stables dans de telles circonstances. Il me semble donc essentiel de combiner les deux. Les ETF offrent une diversification intéressante, mais il est tout aussi important de continuer à investir dans des actions individuelles, choisies par les investisseurs eux-mêmes parce qu’ils connaissent ces entreprises. »

VFB

Comment l’ancien patron d’Euronext Bruxelles s’est-il retrouvé à la VFB ?

« Ma relation privilégiée avec la VFB remonte à ma carrière professionnelle précédente. J’ai toujours considéré l’investisseur particulier comme un acteur extrêmement important. Lorsque mon prédécesseur, Eric Bosman, m’a approché pour savoir si cela m’intéresserait de contribuer à accroître la visibilité de la VFB et de participer à son évolution, j’ai immédiatement accepté de m’engager pleinement dans ce projet. »

Où en est la VFB aujourd’hui ?

« Pour une organisation à but non lucratif disposant de moyens relativement limités, tout est structuré de manière très professionnelle. La VFB se distingue par la qualité de ses formations, de ses cours et de ses conférences. En tant qu’association sans but lucratif, nous sommes les seuls à pouvoir offrir aux investisseurs une information à la fois neutre et objective. En plus de quarante ans, la VFB s’est développée pour devenir une organisation regroupant environ 5050 membres individuels, 1200 clubs d’investissement et 35 partenaires commerciaux. Les bases sont donc particulièrement solides, ce qui nous permet de poursuivre notre développement. »

Quelles seront les prochaines étapes dans le développement de la VFB ?

« Tout d’abord, nous souhaitons renforcer notre présence sur la scène politique et faire entendre la voix des petits investisseurs. En Belgique, l’investisseur particulier est largement sous-estimé, tant par les entreprises que par les décideurs politiques. Dans certains pays, comme les États-Unis, les investisseurs particuliers jouent un rôle considérable. La valorisation du même type d’actions y est donc beaucoup plus élevée qu’en Europe. »

« Le deuxième axe de développement est la partie francophone du pays, où il n’existe aucun équivalent à notre association. La VFB est une organisation flamande, mais elle devrait en réalité représenter l’ensemble des investisseurs particuliers à l’échelle nationale. Un homologue francophone digne de ce nom nous permettrait d’agir véritablement au niveau national ou fédéral. La question de savoir comment nous pouvons jouer un rôle à cet égard est actuellement à l’étude. »

« Troisièmement, nous devons réfléchir au rôle que la VFB pourrait jouer face à certaines entreprises qui ne respectent pas les intérêts des actionnaires minoritaires. Cela pourrait se faire, par exemple, en agissant en tant que collectif de défense des parties prenantes, avec le soutien et sous la supervision de juristes spécialisés. Cependant, nous ne sommes pas encore organisés pour cela aujourd’hui. Mais il est possible que cela évolue à l’avenir. »

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