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En tant que banque privée, comment créer du lien avec les nouvelles générations de clients ? C’est l’un des défis majeurs, sinon le plus important, auxquels est confrontée Wendy Winkelhuijzen, depuis six mois à la tête de la banque privée néerlandaise Van Lanschot Kempen, dont fait également partie Mercier Van Lanschot. « Que recherche cette nouvelle génération ? La réponse peut être très différente de ce que l’on imagine. Il faut avant tout poser beaucoup de questions. »
Van Lanschot Kempen compte deux marchés domestiques dans le domaine du private banking : la Belgique et les Pays-Bas. En interne, la collaboration est maximale afin d’optimiser les gains de synergie, explique Wendy Winkelhuijzen (46 ans), membre du conseil d’administration chez Van Lanschot Kempen. En septembre dernier, elle a succédé à Richard Bruens en tant que responsable du private banking aux Pays-Bas.
Cette collaboration a néanmoins ses limites, ajoute-t-elle lors d’un entretien avec Investment Officer : « Nous utilisons les mêmes systèmes et, lorsque c’est possible, nous recherchons des solutions évolutives. Cependant, dès qu’il est question de l’approche client, on se rend vite compte qu’une présence sur place et une intégration aux réseaux locaux sont indispensables. Mercier Van Lanschot adopte une approche distinctive en Belgique, tout comme nous aux Pays-Bas. De plus, les différences entre régimes fiscaux constituent souvent un obstacle à une harmonisation plus poussée. »
Ainsi, le système d’onboarding est largement similaire en Belgique et aux Pays-Bas, et lors de l’élaboration de nouveaux véhicules d’investissement, une attention particulière est portée à leur compatibilité avec l’autre marché. Mais concernant d’autres aspects, et en particulier sur le plan personnel, il est impossible de mettre les clients des deux pays sur le même plan, explique Wendy Winkelhuijzen. Par exemple, la répartition entre les clients qui bénéficient de conseils en matière d’investissement et ceux qui confient la gestion de leurs placements est à peu près équilibrée aux Pays-Bas. En Belgique, en revanche, la gestion discrétionnaire est privilégiée.
Rajeunissement
Dans le même temps, il existe bel et bien des similitudes entre les clients, à commencer par le rajeunissement de la clientèle. « C’est un enjeu particulièrement important pour nous », affirme Wendy Winkelhuijzen. D’une part, la « grande transmission de patrimoine » – ce transfert massif de patrimoine de la génération des baby-boomers vers leurs enfants, dont on parle beaucoup – se profile à l’horizon. D’autre part, les entrepreneurs cèdent leur (première) entreprise à un âge de plus en plus jeune. Ces deux tendances entraînent une baisse progressive de l’âge moyen des clients des banques privées. Du moins, si tout se passe comme prévu (du point de vue des banques). En effet, ces héritiers ont-ils réellement envie de travailler avec la banque privée de leurs parents ? Et ces jeunes entrepreneurs se sentent-ils en phase avec ce type d’établissement ?
La véritable question est donc de savoir si la banque est prête à relever ce défi. « Nous y investissons beaucoup en ce moment », déclare Wendy Winkelhuijzen. « C’est un sujet auquel nous accordons une grande attention, d’autant qu’il se révèle plus complexe qu’il n’y paraît à première vue. En effet, il ne s’agit pas uniquement de rajeunissement : certains jeunes clients, par exemple, préfèrent au contraire avoir face à eux une personne un peu plus âgée. L’essentiel est avant tout de bien comprendre les attentes des différents segments de clientèle et de disposer des moyens nécessaires pour y répondre efficacement. »
Secteur hôtelier
Dans cette optique, la banque privée néerlandaise élargit désormais son recrutement pour les postes en private banking en s’ouvrant à des profils (jeunes) ayant une affinité avec la finance, issus notamment du secteur hôtelier. Ils intègrent le Young Private Banking Program, auquel participent également de jeunes chargés de relations souhaitant évoluer vers le métier de private banker. Cette formation de deux ans est dispensée par la « propre » Private Banking Academy de Van Lanschot Kempen.
Pour Wendy Winkelhuijzen, ces parcours variés ont un sens. « Une question est pour nous essentielle au niveau du recrutement : le candidat aime-t-il le contact humain ? Bien entendu, une formation financière a aussi de la valeur, par exemple en tant que fiscaliste ou conseiller en crédit hypothécaire. Une affinité avec le domaine financier est même indispensable, mais nous tenons avant tout à souligner que l’essentiel réside dans la qualité des échanges avec les clients. » Cela s’applique à tous les private bankers, qu’ils travaillent avec des entrepreneurs actifs ou accompagnent principalement des familles et des générations. Dans ce dernier rôle, certaines spécialisations sont d’ailleurs particulièrement précieuses, comme le droit successoral et la rédaction de pactes familiaux.
Synergies transversales
Le rajeunissement de la banque n’est pas la seule « mission » de Wendy Winkelhuijzen. Dans son nouveau rôle, elle s’est surtout fixé pour objectif de rechercher des synergies transversales où cela est possible, non seulement au sein du private banking, mais aussi entre le private banking et les deux autres pôles d’activité de Van Lanschot Kempen : l’investment banking et l’investment management.
« L’enjeu principal est de renforcer et d’intensifier les synergies transversales. Avec l’investment banking, nous partageons une clientèle commune : les entrepreneurs. Des deux côtés, nous souhaitons être plus attentifs aux situations où l’autre volet pourrait apporter une valeur ajoutée. L’exemple typique est bien sûr celui de l’entrepreneur qui discute avec son private banker de la vente potentielle de son entreprise. Dans ce domaine, nous disposons de spécialistes en investment banking. À l’inverse, un investment banker peut rencontrer, par exemple, un CEO rémunéré en actions de son entreprise cotée qui laisse entendre le souhait d’en vendre une partie. En private banking, nous sommes en mesure de lui fournir des conseils avisés sur l’allocation d’actifs souhaitée, tandis que notre trading desk peut assurer efficacement la vente d’actions. »
Selon Wendy Winkelhuijzen, une collaboration plus efficace dans ces situations repose avant tout sur « notre très bonne connaissance de nos services ». Il en va de même pour l’investment management, qui gère les portefeuilles discrétionnaires de la banque privée, et développe et met en œuvre des solutions d’investissement pour des fondations, des fonds de pension, des family offices et d’autres investisseurs institutionnels.
« Ces solutions, ou certaines de leurs composantes, peuvent tout à fait être mises à la disposition de particuliers fortunés sous certaines conditions spécifiques. Là encore, l’essentiel est d’avoir une vision claire de nos expertises respectives. »
Partnership
« Nous », « notre », « connecter » : dans ses propos, Wendy Winkelhuijzen insiste fortement sur la recherche d’un succès collectif. Cette vision est également encouragée par la banque à travers sa politique, explique-t-elle : depuis deux ans, Van Lanschot Kempen a mis en place le Partnership, accessible uniquement sur invitation. Ce groupe, qui compte aujourd’hui environ 45 managers, se réunit tous les quelques mois pour réfléchir aux moyens d’améliorer la collaboration entre les différentes divisions de la banque.
Pour renforcer cette collaboration, chaque membre du groupe a investi ses propres fonds dans des actions Van Lanschot Kempen. Il ne s’agit pas d’un simple montant symbolique. « Il y a certaines étapes à suivre, mais c’est une contribution significative », déclare Wendy Winkelhuijzen. L’adhésion – et donc l’investissement – n’est cependant pas obligatoire pour le senior management, précise-t-elle. « Il est possible de décliner l’invitation. » En cas de refus, « nous avons une bonne discussion ». Certaines personnes ont effectivement décliné l’invitation, mais pour la dirigeante, « chacun prend sa propre décision, mais cela ne nous empêche pas de continuer à avancer ensemble. »
Cette initiative « renforce la cohésion. Au départ, il s’agit surtout d’apprendre à se connaître, avec des discussions principalement axées sur le leadership et la gestion des collaborateurs. Mais aujourd’hui, nous nous challengeons davantage mutuellement : comment fonctionne votre activité, quelles initiatives sont en cours ? Puis-je éventuellement vous aider ? Cela favorise la collaboration, non seulement sur le plan commercial, mais aussi dans les rôles de soutien. »
Le private banking met la collaboration avant tout au service de l’amélioration de l’expérience client. « Il s’agit d’un effort constant, on n’a jamais terminé », déclare Wendy Winkelhuijzen. « Nous estimons faire du bon travail, et nos clients le confirment – nos scores de satisfaction client continuent de progresser. Mais en même temps, nous cherchons sans cesse à mieux comprendre nos clients et à offrir un service optimal aux nouveaux segments de clientèle déjà évoqués. »
IA
Ces efforts reposent, d’une part, sur l’automatisation des processus back-office, et de l’autre sur une approche aussi personnalisée que possible. L’intelligence artificielle peut jouer un rôle clé sur ces deux aspects. « Nous avons par exemple développé un outil d’IA qui aide le private banker à préparer ses entretiens avec les clients. L’application analyse l’ensemble des notes de conversation pertinentes et en extrait les points essentiels. Le banker n’a ainsi plus besoin de passer lui-même toutes ses notes en revue. »
Selon Wendy Winkelhuijzen, la technologie permet donc non seulement de maintenir une approche personnalisée, mais aussi de la renforcer, un aspect essentiel face aux différences parfois considérables entre les clients. Elle en a d’ailleurs fait le constat ces dernières semaines, lors de sa « tournée » des agences néerlandaises de Van Lanschot Kempen. « Les clients limbourgeois, par exemple, apprécient particulièrement que nous leur parlions dans leur propre dialecte. Mais les écarts sont également marqués selon les secteurs d’activité : un entrepreneur brabançon actif dans l’industrie manufacturière n’aura pas les mêmes attentes qu’un entrepreneur amstellodamois opérant dans les services aux entreprises. »
Une nouvelle catégorie de clients est maintenant venue s’ajouter : les jeunes. Mais il faut veiller à ne surtout pas les considérer comme un groupe homogène, prévient Wendy Winkelhuijzen. « Que recherche cette nouvelle génération ? Quel type d’accompagnement attend-elle, quelles sont ses préférences en matière d’investissement, quels sujets souhaite-t-elle aborder ? Les réponses peuvent être très différentes de ce que l’on imagine, et les écarts sont parfois très importants. L’essentiel est donc de poser beaucoup de questions, un art dans lequel nous comptons encore nous perfectionner. »