Han Dieperink
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L’histoire se répète parfois de manière surprenante. Dans les années 1980, Ronald Reagan était connu pour sa fermeté à l’égard de l’Union soviétique, une stratégie qui a finalement contribué à la fin de la guerre froide. Aujourd’hui, nous voyons Donald Trump opter lui aussi pour la confrontation, mais sur le champ de bataille économique.

Ronald Reagan appelait l’Union soviétique l’« empire du mal » et lança son ambitieux programme de guerre des étoiles (Star Wars) pour faire pression sur les Russes. Pour sa part, Donald Trump a toujours dénoncé les pratiques commerciales déloyales, et imposé de lourdes taxes à l’importation à une grande partie du monde.

Une ouverture diplomatique

La position ferme de M. Trump semble générer une ouverture inattendue. Un nombre croissant de pays ont en effet fait une contre-proposition surprenante : la suppression totale des tarifs d’importation réciproques. Le Vietnam a été l’un des premiers pays à proposer de réduire les droits de douane à zéro. M. Trump a déjà évoqué sa conversation très productive avec le secrétaire général du parti communiste vietnamien, To Lam.

Taïwan a rejoint le mouvement. Faisant référence à l’accord de libre-échange entre les États-Unis, le Canada et le Mexique, le président Lai Ching-te a déclaré que les négociations tarifaires pourraient commencer avec des droits de douane nuls entre Taïwan et les États-Unis. Taïwan promet même des investissements supplémentaires aux États-Unis, celui de 100 milliards de dollars annoncé par TSMC n’étant apparemment qu’un début.

Mais ça bouge aussi dans les rangs de M. Trump. Elon Musk s’est prononcé en faveur de la création d’une zone de libre-échange entre les États-Unis et l’Europe. Il espère que l’on convienne du fait que, dans un monde idéal, tant l’Europe que les États-Unis devraient passer à des droits de douane nuls, constituant ainsi une véritable zone de libre-échange.

De la guerre commerciale au libre-échange mondial ?

De tels développements donnent à M. Trump une occasion unique de passer à la postérité. Alors que Ronald Reagan avait d’abord intensifié la course aux armements nucléaires avant d’entrer dans l’histoire comme un artisan de la paix, Donald Trump peut maintenant passer sans effort d’une guerre commerciale à la promotion du libre-échange mondial.

Bien sûr, cela implique un revirement complet de sa part. Cela fait en effet plus de 40 ans qu’il proclame que les droits de douane protégeront l’économie américaine. Sa rhétorique est souvent axée sur la protection des emplois américains et le rétablissement de l’industrie nationale. Les conseillers commerciaux de M. Trump, comme Peter Navarro et le secrétaire au commerce Howard Lutnick, semblent pour le moment déterminés à poursuivre l’application des droits de douane. M. Lutnick a même catégoriquement exclu de retarder ces mesures.

Mais ceux qui connaissent Donald Trump savent que, la plupart du temps, il peut changer sans problème de position lorsque cela l’arrange. Il pourrait faire passer sa pirouette pour une brillante stratégie de négociation : d’abord menacer de tarifs douaniers, puis, lorsque d’autres pays capitulent en proposant des tarifs nuls, présenter cela comme une victoire spectaculaire.

La réaction négative des marchés financiers à l’annonce des droits de douane accroît la pression sur M. Trump pour qu’il trouve une issue de secours. Si les indicateurs économiques se détériorent, M. Trump pourrait bien décider qu’une volte-face en faveur du libre-échange devient une option plus attrayante.
L’ironie est que M. Trump, peut-être sans le vouloir, pourrait conduire le monde vers une libéralisation économique encore plus poussée que celle à laquelle sont parvenus ses prédécesseurs. La confrontation commerciale de M. Trump pourrait déboucher sur une nouvelle ère d’intégration économique mondiale.

Le Canada et le Mexique ont déjà été quelque peu épargnés par les droits de douane les plus élevés, ce qui laisse penser que M. Trump pourrait être sélectif dans son approche. Cela ouvre la voie à des négociations différenciées avec des pays spécifiques ou des blocs commerciaux, qui pourraient finalement déboucher sur un réseau complexe d’accords de libre-échange bilatéraux.

Une possible issue de secours

À l’instar de Ronald Reagan, lançant face à la porte de Brandebourg en 1987 : « Abattez ce mur ! », Donald Trump pourrait créer des conditions de concurrence équitables en abattant toutes les barrières tarifaires. Ce serait une façon élégante de s’extirper de sa critique irrationnelle des pratiques commerciales déloyales, non pas en recourant au protectionnisme, mais en appliquant une réciprocité totale.

Cela lui permettrait de sauver la face, tout en évitant une crise économique mondiale. Il pourrait prétendre que ses menaces tarifaires ont abouti exactement à ce qu’il voulait : des conditions commerciales plus équitables pour l’Amérique, sans les inconvénients d’une guerre commerciale.

Ronald Reagan a déjà prouvé par le passé qu’un faucon pouvait se faire colombe, sans renoncer en rien à ses principes. Reste à savoir si Donald Trump, dont le pragmatisme et l’instinct de conservation sont bien connus, peut faire de même en matière de commerce international. Va-t-il saisir la chance d’entrer dans l’histoire comme le président qui a réalisé le libre-échange mondial, plutôt que comme celui qui a déclenché une guerre commerciale ?

Han Dieperink est directeur de la stratégie d’investissement chez Auréus Vermogensbeheer. Il a auparavant été directeur des investissements chez Rabobank et Schretlen & Co.

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