Han Dieperink
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L’investissement est un jeu d’erreurs ; celui qui en commet le moins gagne. À cet égard, l’investissement a plus de points communs avec le football qu’on ne pourrait le penser à première vue. C’est aussi ce qui fait que Johan Cruijff est très bien placé pour partager avec les investisseurs son génie et sa sagesse, tant sur le terrain qu’en dehors.

Du fait de la volatilité sans précédent du mois dernier, même les plus petites erreurs ont eu un impact majeur sur les rendements. De plus, c’est précisément dans les moments où la volatilité est élevée que de nombreuses erreurs sont commises. C’est aussi parce que notre cerveau, par ailleurs rationnel, se transforme en tourbillon émotionnel. Les gens n’ont rien contre le risque, tant que ça ne leur coûte rien. Malheureusement, en période de stress, l’horizon d’investissement à long terme est réduit à moins d’une semaine.

La plus grande erreur que les investisseurs continuent de commettre est de vendre lorsque les cours baissent. Lorsqu’il y a des soldes chez De Bijenkorf, tout le monde veut acheter, mais lorsque les actions voient leur cours baisser de 15 %, les gens réagissent instinctivement en vendant pour sauver ce qui peut l’être. La science démontre que cet instinct  consistant à acheter au plus haut et à vendre au plus bas fait systématiquement obtenir à l’investisseur des résultats inférieurs à ceux de l’indice de marché.

L’investissement indiciel semble désormais résoudre ce problème, mais ces derniers se retrouvent purement et simplement entraînés dans la vague des ventes.

Aujourd’hui, les investisseurs sont également encouragés à agir en fonction des lois et des réglementations. Si un portefeuille plonge de 10 % ou plus, une alerte doit être émise. Un tel avertissement est toujours interprété comme un message indiquant qu’il faut faire quelque chose, alors que la meilleure décision à prendre est souvent de ne rien faire.

Ce qui n’aide pas non plus à éviter les erreurs, c’est que les meilleurs et les pires jours sur le marché boursier sont étonnamment rapprochés. Les jours de plus forte hausse se produisent pendant ou juste après des périodes de forte volatilité et de marchés baissiers. Cette tendance se retrouve dans le monde entier. Environ 70 % des meilleures séances boursières tombent dans les deux semaines qui suivent l’une des pires journées.

Ceux qui quittent le marché après une mauvaise journée manquent souvent les journées de reprise les plus fortes. Manquer les dix meilleures journées en dix ans peut réduire de moitié le rendement total. Vendre dans la panique en période de volatilité revient cher.

Ceux qui font quand même le choix de sortir sont confrontés à l’incertitude de savoir quand ils pourront reprendre des positions. Les personnes qui ont attendu le creux de la vague ont probablement perdu plus d’argent que toutes les corrections réunies, ne serait-ce que parce que le marché boursier a rebondi après chaque correction. Personne ne sait à quel moment le marché sera au plus bas.

Attendre le prix d’entrée idéal signifie non seulement manquer les journées de reprise les plus fortes, mais aussi courir le risque que le marché soit beaucoup plus élevé au moment où l’investisseur s’expose de nouveau. C’est aussi parce qu’il est facile d’oublier ce qui est vraiment important. La valeur des entreprises n’est pas déterminée par la volatilité du marché, mais par leur capacité d’innovation, leur rentabilité et leur compétitivité.

Chaque correction porte en elle les germes de l’essor suivant. La correction réduit les valorisations, surtout si la capacité bénéficiaire sous-jacente reste intacte. Il en résulte un meilleur rapport qualité-prix. Les entreprises deviennent moins chères par rapport à leur potentiel de bénéfices, ce qui garantit des rendements futurs plus élevés. En outre, les investissements spéculatifs sont souvent perdants en cas de correction. Les entreprises dont les fondamentaux sont faibles ou dont l’endettement est élevé sont alors sous pression, ce qui laisse la place à des entreprises plus solides.

Il en va de même pour l’utilisation excessive de l’effet de levier par les investisseurs. Le marché est en phase d’assainissement, ou comme le dit Warren Buffett : l’argent retourne à ses propriétaires légitimes. Une correction est aussi souvent une réaction à des cours boursiers qui se sont trop détachés des fondamentaux. Elle permet de remédier à cet excès d’optimisme et de revenir à des attentes réalistes. En outre, chaque marché haussier doit franchir le « mur de la peur ». Ce mur constitue souvent une base solide sur laquelle le nouveau cycle de hausse peut se développer.

Enfin, une correction déclenche des réponses politiques. Les chutes importantes entraînent souvent des mesures de soutien de la part des banques centrales et des gouvernements. Les baisses de taux d’intérêt, les mesures de relance et les injections de liquidités alimentent le marché haussier.

Les corrections font partie du marché haussier, et les actions qui ont le plus progressé sont souvent celles qui chutent le plus. Toutefois, il est rare que le leadership du marché change au cours d’un marché haussier. Il y a trois mois, les actions américaines, en particulier celles des grandes entreprises technologiques, étaient portées aux nues, alors qu’elles sont aujourd’hui vilipendées. Il y a même des investisseurs qui ne veulent plus investir aux États-Unis.

Pour les investisseurs à contre-courant, il s’agit là de signaux particulièrement attrayants pour investir dans les actions américaines. Les taux d’intérêt américains actuels ne laissent présager aucune crise financière et le dollar est revenu à son niveau d’avant l’élection présidentielle. Pourtant, de nombreuses conclusions erronées sont tirées pour le long terme sur la base de la volatilité récente. Ce n’est pas nouveau, après chaque grande correction, le système est injustement remis en question. 

Comme dirait le footballeur Johan Cruijff, connu pour ses propos sibyllins, vous le verrez quand vous comprendrez.

Han Dieperink est directeur de la stratégie d’investissement chez Auréus Vermogensbeheer. Il a auparavant été directeur des investissements chez Rabobank et Schretlen & Co.

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