Han Dieperink
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De nombreux acteurs financiers se demandent comment inclure au mieux le bitcoin dans un portefeuille d’investissement. Alors que la monnaie numérique est en passe d’être acceptée par le grand public, les investisseurs se heurtent à des difficultés d’ordre pratique : acheter des cryptomonnaies directement ou par le biais d’instruments financiers traditionnels ?

La réponse est plus complexe qu’il n’y paraît et le choix a des implications considérables pour vos rendements et votre profil de risque.

La voie directe : l’exposition pure au bitcoin

Le moyen le plus évident est bien sûr d’acheter du bitcoin directement via une Bourse de cryptomonnaies. Cette approche offre une exposition pure : si le bitcoin augmente de 10 %, votre investissement augmente de 10 %. Pas de frais de gestion, pas de primes, pas d’intermédiaires. Pour les investisseurs individuels, cette voie est aujourd’hui plus accessible que jamais. Des plateformes comme Bitvavo, Coinbase ou Kraken rendent l’achat de bitcoins relativement facile. De plus, vous pouvez déterminer exactement combien vous souhaitez investir, de quelques euros à des bitcoins entiers.

Mais cette approche présente aussi des inconvénients. Vous devez vous charger vous-même du stockage en toute sécurité (custody), ce qui nécessite des connaissances techniques. Si vous perdez les clés privées, vos bitcoins disparaissent définitivement. En outre, les cryptomonnaies ne sont souvent pas compatibles avec les comptes d’investissement existants, ce qui rend difficile leur intégration dans un portefeuille traditionnel.

La voie de l’ETF : l’accès institutionnel

Les ETF en bitcoin, tels que le populaire IBIT de Blackrock, offrent une solution attrayante à ces problèmes. Ils sont négociés sur des Bourses communes, s’intègrent dans n’importe quel compte de courtage et éliminent les problèmes de stockage. Les frais sont limités, généralement de l’ordre de 0,25 % par an, et le cours suit presque exactement le cours du bitcoin.

Pour les investisseurs institutionnels et les fonds de pension, les ETF sont souvent le seul moyen pratique de s’exposer au bitcoin. Ils répondent aux exigences légales et s’intègrent dans les cadres de conformité existants. Il n’est donc pas étonnant que les ETF en bitcoins aient attiré des milliards de dollars depuis leur lancement. L’inconvénient ? Vous ne possédez pas de bitcoins réels, mais seulement une créance sur les actifs sous-jacents. Dans des conditions de marché extrêmes, cette différence peut devenir pertinente. En outre, les ETF ne sont pas encore disponibles dans toutes les juridictions.

La voie du proxy : levier ou piège ?

C’est là qu’interviennent des sociétés comme Metaplanet (Japon) et MicroStrategy (États-Unis). Ces « proxys Bitcoin » offrent une troisième voie : investir indirectement par l’intermédiaire de sociétés qui ont des bitcoins dans leur bilan. Sur le papier, cela semble attrayant. Pourquoi se contenter d’une exposition au bitcoin à 1 pour 1 alors qu’on peut obtenir davantage ?

Les chiffres sont en effet spectaculaires. Metaplanet, qui n’était qu’une chaîne hôtelière en difficulté de 13 millions de dollars, est aujourd’hui une holding bitcoin d’une valeur de 5,5 milliards de dollars. La société possède 8888 bitcoins (933 millions de dollars), mais sa capitalisation boursière est cinq fois supérieure. MicroStrategy a surpassé le bitcoin lui-même pendant des années, notamment grâce à des structures de financement astucieuses.

Mais voilà le hic : cette surperformance a un prix. En tant qu’investisseur dans Metaplanet, vous payez effectivement 596 154 dollars par bitcoin, alors que le prix du marché est d’environ 109 000 dollars. Cela représente une prime de 447 %. Chez Microstrategy, la prime est un peu plus modeste, à 174 100 dollars par bitcoin (contre 109 000 dollars au prix du marché), mais elle reste substantielle.

Les mécanismes de la prime

Pourquoi les investisseurs paient-ils une prime aussi élevée ? En partie par ignorance de la valeur nette d’inventaire (VNI) réelle, en partie à cause de l’attente d’une nouvelle surperformance. En fait, ces sociétés ont une caractéristique unique : elles peuvent transformer la volatilité de leurs bitcoins en financement bon marché. Microstrategy, par exemple, a réussi à lever 3 milliards de dollars par le biais d’obligations convertibles à un taux d’intérêt de 0 %.

Les investisseurs acceptent ce faible taux d’intérêt parce qu’ils bénéficient de la forte volatilité de l’action grâce aux options incorporées dans le titre convertible. La société utilise ce capital bon marché pour acheter des bitcoins aux prix du marché, tandis que les nouveaux actionnaires paient indirectement beaucoup plus. Ces sociétés se sortent du bourbier par leurs propres moyens. En outre, plus il y a de bitcoins, plus il y a de volatilité, ce qui crée de meilleures conditions de financement pour acheter encore plus de bitcoins. Tant que ce cycle reste intact, ces sociétés peuvent surperformer le bitcoin.

Risques de l’approche par proxy

Pour les gestionnaires de portefeuille, cette stratégie comporte toutefois des risques importants. Chez Metaplanet, tous les bénéfices disparaissent dès que le bitcoin chute de 15 %, en raison du coût moyen élevé de 91 343 dollars par bitcoin. En cas de krach, ces sociétés pourraient devoir vendre leurs bitcoins à des prix défavorables pour rembourser leurs dettes. Microstrategy a des milliards d’obligations convertibles en circulation, tout en générant un flux de trésorerie faible.

Avec la généralisation des ETF en bitcoin, la justification des primes extrêmes disparaît. Pourquoi payer une prime de 447 % alors que vous pouvez acheter des bitcoins au prix du marché par l’intermédiaire d’un ETF ?

Conclusion : une exposition sur mesure

Il n’existe pas de réponse universelle à la question de savoir quelle est la meilleure façon d’intégrer le bitcoin dans un portefeuille. Chaque voie présente des avantages et des inconvénients qui doivent être évalués en fonction de la situation personnelle, de la tolérance au risque et des objectifs d’investissement. Une chose est claire : ceux qui souhaitent être exposés au bitcoin doivent bien comprendre les différentes options qui s’offrent à eux. Les profits spectaculaires de sociétés comme Metaplanet sont tentants, mais les risques sous-jacents sont importants. Pour la plupart des investisseurs, l’achat direct de bitcoins ou les ETF offrent un meilleur équilibre entre le rendement et le risque.

Le bitcoin fait désormais partie des options d’investissement courantes. Cela reste un actif qui ne vaut que ce que le fou est prêt à payer pour l’acquérir. À cet égard, le bitcoin est tout à fait comparable à l’or. Curieusement, une telle comparaison avec l’or suscite l’acceptation plutôt que l’aversion.

Han Dieperink est directeur de la stratégie d’investissement chez Auréus Vermogensbeheer. Il a auparavant été directeur des investissements chez Rabobank et Schretlen & Co.

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