Jan Vergote
Jan Vergote

Donald Trump veut rendre sa grandeur à l’Amérique, notamment en relocalisant la production dans son pays. Pour cela, il sort l’arme des droits de douane.

Le monde des affaires n’est pas très enthousiaste à l’égard de la politique du président américain. La mise en place de nouvelles chaînes d’approvisionnement prend du temps et coûte plus cher. De plus, les entreprises manquent de personnel qualifié. Dans le même temps, M. Trump démantèle les services gouvernementaux de support et sape la crédibilité de la banque centrale et du dollar. Pourtant, la Bourse atteint des sommets. Il est donc temps de faire un état des lieux.

Les droits de douane

Que nous indiquent les résultats de la Tax Foundation ? Sur la base des chiffres connus fin octobre,  le taux douanier moyen pondéré appliqué est de 18,2 %.  La moyenne effective est de 13,1 % (le chiffre le plus élevé depuis 1941).  Il s’agit donc de la plus forte augmentation des droits de douane depuis 1993 (0,54 % du PIB pour cette année). Au cours des dix prochaines années, les droits de douane rapporteront 2400 milliards de dollars, mais après déduction de l’impact économique négatif, ce montant tombera à 1800 milliards de dollars, en prenant l’hypothèse d’un impact négatif de 0,6 % sur la croissance américaine. Les recettes provenant des droits de douane permettent pour l’instant d’éviter une augmentation du déficit public. C’est la raison pour laquelle S&P Global a maintenu la notation des États-Unis, même si l’évolution à long terme reste préoccupante. La Cour suprême pourrait en outre déclarer ces revenus illégaux.

L’OBBBA apporte un soulagement temporaire

La référence de Donald Trump à l’OBBB, One Big Beautiful Bill Act, est un amalgame de réductions d’impôts ou d’éliminations de dépenses passées (2017 Tax Cuts, Repeal & Replace ou l’annulation d’Obamacare). Selon Goldmann Sachs, ces diverses impulsions d’investissement permettront aux entreprises du S&P 500 d’augmenter leurs flux de trésorerie de 5 % d’ici à 2026 et de stimuler les investissements dans l’innovation.

La Tax Foundation table sur une croissance supplémentaire à long terme de 0,6 % du PIB pour les équipements et les machines grâce à ces mesures. En réduisant le coût du capital des nouveaux investissements, M. Trump soutient les effets de relocalisation –  et les investissements dans l’IA. Cela place les États-Unis au troisième rang des meilleurs pays pour réduire le coût du capital grâce à des allègements fiscaux. Selon la Global Business Alliance, « ces investissements profitent à l’économie, financent la R&D et créent des emplois dans des professions mieux rémunérées. »

La suppression progressive de la réglementation matière d’IA, de cryptomonnaies et dans le secteur financier constitue un atout supplémentaire, malgré les risques pour la stabilité. Sans surprise, la Banque des règlements internationaux (BRI) écrit que toutes les incitations susmentionnées l’emportent à ce jour sur les effets négatifs des droits de douane.

La contribution de la productivité

Aujourd’hui, l’essor de l’intelligence artificielle maintient l’économie à flot. Nous voyons les conséquences dans les statistiques : les 10 premières entreprises du S&P 500 représentent 40 % de l’indice. Les entreprises technologiques lèvent désormais des sommes considérables par le biais d’émissions obligataires afin de financer la poursuite de leurs investissements. Une étude de la BCA a calculé qu’au cours du premier semestre de cette année, la production par heure travaillée dans les biens durables a augmenté de 4,9 % en glissement annuel, le chiffre le plus élevé depuis 20 ans (à l’exclusion des périodes de reprise post-récession). Cette augmentation s’est produite principalement dans le secteur du matériel de haute technologie (ordinateurs, équipements électriques et aérospatiale). Le Center For Quantitative Economic Research (Fed d’Atlanta) estime la croissance réelle pour le troisième trimestre à 4 % (elle était encore de 3,7 % en octobre). 

Le dollar reste fort

Aujourd’hui, le dollar s’échange environ 5 % plus bas qu’au début de l’année en termes pondérés en fonction des échanges commerciaux. Cet affaiblissement limité est en outre inégal selon les pays concernés. Par exemple, le renminbi chinois a chuté de 4 %, tandis que le peso mexicain a progressé de 5 %. Il ne s’agit là que de deux exemples, mais ils illustrent la difficulté pour les économistes de calculer l’impact des droits de douane sur la croissance et l’inflation.

Il n’est pas évident d’estimer l’impact des politiques de M. Trump sur le dollar. De très nombreux éléments sont à prendre en compte : parmi les facteurs susceptibles d’influencer le dollar à la baisse, on peut citer la détérioration de la croissance économique (notamment par son impact sur les taux d’intérêt et les sorties de capitaux), une nouvelle érosion de la confiance internationale ou simplement un retour à sa moyenne à long terme (le dollar se situe aujourd’hui à 20 % au-dessus de celle-ci).

Conclusion

Contrairement aux études précédentes, nous lisons aujourd’hui que l’impact des droits de douane de M. Trump a été supporté par les entreprises américaines et le consommateur final, des éléments qui transparaissent peu sur le marché boursier aujourd’hui. Les enquêtes montrent que les Américains moyens sont très préoccupés par les prix et l’inflation. Des cours boursiers élevés, de nombreuses questions sur les prêts privés, des licenciements en hausse… les obstacles sont donc nombreux.

La progression de l’inflation et le ralentissement de la croissance seront peut-être les principaux facteurs perturbateurs des prochains mois. Sommes-nous dans le calme avant la tempête, ou l’augmentation de la productivité apportera-t-elle un répit temporaire ? La prudence reste la mère de la porcelaine.

Jan Vergote est analyste et conseiller financier indépendant.

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