L’inflation américaine est retombée à 2,4 %, se rapprochant ainsi de l’objectif fixé par la Réserve fédérale. En Europe, l’inflation des principales économies est même déjà bien en deçà de l’objectif de 2 % visé par la Banque d’Angleterre et la BCE, comme c’était le cas avant la pandémie.
Les banquiers centraux ont donc largement ouvert la voie à une série significative de baisses des taux d’intérêt. Pourtant, la situation sous-jacente diffère radicalement de celle qui prévalait avant que la plus forte vague d’inflation de ces 40 dernières années ne vienne mettre fin à la politique ultra-accommodante des banques centrales.
Divergence
L’un des graphiques les plus frappants démontrant que le monde a changé depuis la pandémie est présenté ci-dessous. Il illustre les anticipations moyennes et médianes en matière d’inflation pour les cinq à dix prochaines années, telles qu’issues d’une enquête réalisée auprès des consommateurs américains par l’Université du Michigan. Prenez le temps d’observer la différence entre ces deux statistiques.
Source : Blokland Smart Multi-asset fund.
En règle générale, le niveau d’inflation moyen attendu est légèrement supérieur à la médiane. En d’autres termes, la répartition des anticipations est légèrement étirée vers la droite, ce qui indique qu’un plus grand nombre de répondants s’attendent à un niveau d’inflation relativement élevé plutôt qu’à un niveau très bas. Cela n’a rien d’étonnant, car les écarts par rapport à la politique de la Réserve fédérale se sont historiquement concentrés principalement du côté des anticipations élevées, et les banquiers centraux redoutent par-dessus tout la déflation.
Craintes d’inflation
Cependant, l’écart actuel entre la moyenne et la médiane des anticipations en matière d’inflation est sans précédent. Si la médiane, à 3 %, peut paraître légèrement élevée par rapport aux 25 dernières années, la moyenne atteint quant à elle 7,1 %, un niveau inédit depuis les célèbres pics d’inflation des années 1980.
Cela signifie que la distribution a été complètement décalée vers la droite en raison de l’augmentation du nombre de répondants anticipant des niveaux d’inflation exceptionnellement élevés. Une partie des personnes interrogées semblent avoir été tellement marquées par l’inflation réelle de ces dernières années qu’elles s’attendent à une récurrence de tels pics au cours des cinq à dix prochaines années.
Changement de comportement
Il me semble évident que ces personnes adoptent désormais un comportement (d’investissement) différent de celui d’avant 2020, lorsque leurs anticipations étaient moins extrêmes. Je doute qu’elles soient encore enclines à investir dans des obligations.
Cela confirme également que les banques centrales sont parfaitement disposées à assouplir leur politique monétaire à un stade précoce, ce qui alimente sans aucun doute les craintes inflationnistes chez les consommateurs américains.
Changements à venir
Il est fort peu probable que nous retournions à ‘The Way We Were’, la célèbre chanson de Barbra Streisand tirée du film du même nom, qui m’est venue à l’esprit en rédigeant cette chronique et qui en est devenue le titre.
Ces dernières années ont vu l’émergence de plusieurs évolutions structurelles qui ont profondément modifié le comportement des investisseurs, dont le risque d’une inflation plus élevée et plus volatile. Les déficits budgétaires explosent, et la seule réponse semble être un vague plan à long terme promouvant l’innovation, proposé par monsieur ‘Quoi qu’il en coûte’ et financé par des déficits encore plus colossaux. De plus, face à la précipitation actuelle à abaisser les taux d’intérêt, de nouveaux revirements soudains des banques centrales me semblent devenir la norme.
C’est une recette éprouvée pour l’inflation. Peut-être pas aujourd’hui ni même dans les prochaines années, mais certainement quelque part à l’horizon.
‘Can it be that it was all so simple then?
Or has time rewritten every line?’
(Barbra Streisand - The Way We Were)
Dans sa newsletter The Market Routine, Jeroen Blokland analyse des graphiques actuels qui reflètent certains aspects frappants macro-économiques et des marchés financiers. Il gère également un fonds.