
Pour Donald Trump, l’affaire était dans le sac. Un copier-coller des accords du Plaza lui permettant, ainsi qu’à l’accord de Mar-a-Lago, d’entrer dans les livres d’histoire et d’assurer l’hégémonie du dollar américain. Mais tout cela n’est encore qu’un rêve pour Donald Trump.
S’il avait comme unique objectif d’affaiblir le dollar, il a gagné sur toute la ligne. Depuis le début officiel de son second mandat, le 20 janvier, le dollar américain, pondéré par les échanges commerciaux, a chuté de 7 %. En 1985, le dollar avait certes baissé de manière similaire… mais la comparaison s’arrête là.
On ne distingue en effet pas la moindre trace d’une action concertée visant à affaiblir le dollar, tout en confirmant son hégémonie et son statut de monnaie de réserve mondiale. Bien au contraire.
L’affaiblissement du dollar se fait dans la confusion, et résulte entièrement des déclarations de Donald Trump et des réactions que celles-ci déclenchent dans les autres pays. La corrélation entre les actions d’escalade et de désescalade, d’une part, et le cours du dollar, de l’autre, est presque égale à 1. Le fait que l’or, tout particulièrement les jours d’escalade, mais en fait tout au long de cette période, augmente parfois de plusieurs points de pourcentage, souligne cette corrélation du chaos.
Prime d’hégémonie
Je ne comprends pas non plus très bien que Donald Trump se batte comme un forcené pour l’hégémonie du dollar, tout en comptant sur le fait que les autres pays laissent, gentiment et de manière coordonnée, leur propre monnaie s’apprécier, pour entériner ce bel accord de Mar-a-Lago.
En tant que monnaie de réserve mondiale, le dollar est presque toujours (trop) cher. C’est un phénomène comparable à celui que l’on observe pour les grandes entreprises technologiques américaines. Sans opposition ferme de l’Europe, par exemple, elles ont pu s’imposer sur tous les marchés, qu’il s’agisse des sacs Louis Vuitton, de l’immobilier à Amsterdam, Londres ou New York, ou encore du marché financier lié au dollar lui-même.
Mieux encore, le dollar américain et les titres du Trésor américain bénéficient d’un traitement très favorable dans les réglementations financières internationales. Aussi surprenant que cela puisse paraître, posséder des actifs américains est perçu par les régulateurs comme un signe de solidité financière.
Si vous menacez des pays de leur infliger de sévères « punitions » simplement parce qu’ils envisagent de s’éloigner du dollar, et que vous mettez tout en œuvre pour maintenir cette hégémonie, vous ne devriez pas vous étonner si la valeur du dollar reste (excessivement) élevée. Il en va d’autant plus ainsi que l’Occident et ses décideurs politiques ne semblent pas avoir la moindre idée de ce qui est en train de se produire.
Si on lit ou écoute les opinions des décideurs politiques traditionnels, des banquiers centraux, des économistes et des « experts », ceux-ci concluent systématiquement que nous en revenons simplement à ce qui a toujours existé. Ils pensent aussi de même à propos des taux d’intérêt, en baisse depuis 40 ans.
Débâcle
Pendant ce temps, les politiques incohérentes de Donald Trump suscitent des situations dramatiques. Les cours des actions connaissaient déjà une forte baisse, tout comme le dollar, tandis que les taux d’intérêt américains partaient au contraire à la hausse, en raison d’un risque renouvelé d’inflation. Mais les répercussions se font désormais sentir dans le monde entier.
Le 2 mai, le dollar taïwanais s’est apprécié de 3 % par rapport au dollar américain : la plus forte hausse en une journée depuis 40 ans. Hong Kong, de son côté, doit vendre massivement des dollars de Hong Kong pour maintenir son arrimage au dollar américain.
Depuis la fin du mois d’avril, la volatilité sur les marchés des changes a augmenté de 25 % et les banques centrales ne savent pas comment réagir à la tempête des droits de douane. De manière frappante, elles optent souvent pour des baisses de taux d’intérêt, par mesure de sécurité, alors que l’inflation demeure trop élevée. Selon moi, cela confirme le fait que nous sommes confrontés à une combinaison de domination budgétaire et de répression financière, dans le cadre de laquelle l’objectif initial des banques centrales, à savoir la protection contre l’inflation, devient secondaire.
Quoi qu’il en soit, si Donald Trump, avec sa fameuse idée de Mar-a-Lago, pensait forcer les pays à accepter une baisse coordonnée du dollar et un rééquilibrage du commerce mondial, sans trop de tensions géopolitiques et autres dommages collatéraux, j’aurais tendance à dire que ses 100 premiers jours au pouvoir sont un peu moins géniaux qu’il ne le trouve lui-même.
Dans sa newsletter The Market Routine, Jeroen Blokland analyse des graphiques actuels qui reflètent certains aspects frappants macro-économiques et des marchés financiers. Il gère également le fonds Blokland Smart Multi-Asset, qui investit en actions, or et bitcoin.