Stephan Desplancke
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Depuis des siècles, l’or est un élément important du système monétaire. Entre les années 1970 et la fin des années 1990, de nombreuses banques centrales ont vendu leurs réserves d’or. Toutefois, au cours des 20 dernières années, les achats d’or ont de nouveau augmenté, en raison de l’importance accordée à la stabilité financière, à l’inflation et à la diversification. Toutefois, si l’histoire se répète et que les banques centrales vendent à nouveau de l’or en raison de l’augmentation des dépenses publiques, le cours du métal jaune sera sous pression à l’avenir.

L’or est depuis longtemps synonyme de luxe, mais aussi de richesse durable et de stabilité inébranlable. Tout au long de l’histoire, ce métal brillant a servi de réserve de valeur fiable, de protection contre l’inflation et de refuge en cas de crise économique. À toutes les époques, des royaumes anciens aux économies modernes, l’éclat intemporel de l’or a rassuré les investisseurs et le peuple, qui y voyait un symbole inébranlable de prospérité et de sécurité en période d’incertitude.

La frénésie d’achat des banques centrales

Ces dernières années, l’or dans le système financier mondial joue un rôle de plus en plus prépondérant dans le système financier mondial. Les banques centrales achètent à nouveau de grandes quantités de ce métal précieux, en raison à la fois de la montée des tensions géopolitiques, de la volatilité économique et du désir de sécurité financière.

La décision des banques centrales d’acheter de l’or n’est pas entièrement nouvelle. Pendant des siècles, l’or a été un élément important du système monétaire, mais son importance a diminué après l’effondrement du système de Bretton Woods dans les années 1970. Après l’ère de l’étalon-or, de nombreuses banques centrales ont vendu leurs réserves d’or et le métal précieux a été largement relégué au rang de matière première.

Cependant, depuis deux dernières décennies, les banques centrales du monde entier achètent de plus en plus d’or. Cette hausse peut être attribuée à plusieurs facteurs, notamment :

  1. Les tensions géopolitiques : avec la guerre en Ukraine, les tensions entre l’Occident et la Russie et les inquiétudes croissantes concernant l’influence de la Chine, de nombreuses banques centrales ont recherché la sécurité offerte par l’or.
  2. La diversification des réserves : les pays souhaitent diversifier leurs réserves de change afin d’atténuer les risques liés à la dépendance à l’égard du dollar américain.
  3. La couverture contre l’inflation : l’or est une option intéressante pour les banques centrales qui cherchent à protéger leurs économies.
  4. La stabilité financière : avec l’essor des monnaies électroniques, l’instabilité de certaines institutions financières et l’augmentation des niveaux d’endettement dans le monde, de nombreuses banques centrales cherchent à se diversifier dans des actifs tangibles tels que l’or, qui n’est pas soumis aux mêmes risques que les monnaies fiduciaires.

Depuis 2020, les banques centrales ont manifesté un intérêt constant et croissant pour l’or. En 2024, elles ont ajouté 1045 tonnes nettes d’or à leurs réserves ; l’an dernier, les achats ont dépassé les 1000 tonnes pour la troisième année de suite. Les principaux acheteurs ont été les banques centrales de Pologne et d’Inde. D’autres marchés émergents tels que la Turquie, la Hongrie et la Serbie ont également augmenté leurs réserves d’or. La Banque populaire de Chine a quant à elle ajouté 44 tonnes à ses réserves.

Pour les marchés émergents, l’or est un moyen de réduire la dépendance à l’égard du dollar américain et d’atténuer les risques d’un système financier dominé par l’Occident.

Réserves d’or belges

Dans le même temps, certains pays réévaluent leurs réserves d’or. C’est le cas de la Belgique, qui a récemment émis l’idée de vendre une partie de ses réserves pour financer ses dépenses de défense.

La Belgique ne possède pas les plus grandes réserves d’or d’Europe, avec environ 227 tonnes d’or dans les coffres de la banque centrale. Cette réserve représente environ 20 milliards d’euros. Où est cet or ? On estime que moins de 10 % de l’or est stocké en Belgique.

Les principales ventes d’or de la Belgique ont eu lieu entre 1989 et 1998. Durant cette période, la Belgique, comme beaucoup d’autres pays, considérait l’or comme moins essentiel à son système monétaire. Ces ventes s’inscrivent dans une tendance plus large observée dans les années 1980 et 1990, lorsque les banques centrales ont tenté de réduire leurs réserves aurifères au profit d’obligations d’État et de devises étrangères.
La Belgique a vendu environ 1000 tonnes de ses réserves d’or, ce qui équivaut à près de 100 milliards de dollars aux prix actuels. En 2005, notre pays a cédé une petite partie de ses réserves pour combler un déficit budgétaire. Les banques centrales d’Europe ont été les vendeurs d’or les plus actifs des années 1980 au début des années 2000, sous l’impulsion de l’accord de Washington sur l’or (CBGA) et de l’abandon des monnaies adossées à l’or.

Vingt ans plus tard, la Belgique envisage à nouveau de vendre une partie de ses réserves d’or. Cette décision a été largement motivée par l’augmentation des dépenses de défense de notre pays, dans le sillage des préoccupations croissantes en matière de sécurité internationale.

Tentées de vendre

Les banques centrales sont-elles à nouveau tentées de vendre de l’or ? Au cours des trois dernières décennies, la Bundesbank allemande a largement conservé ses réserves d’or et a rapatrié une grande partie de l’or stocké à l’étranger. Une grande partie de l’or allemand était stockée à New York, Londres et Paris pendant la guerre froide, mais depuis 2013, l’Allemagne a lancé une initiative visant à ramener d’importantes quantités d’or à Francfort.

Si le gouvernement et la banque centrale italiens n’ont pas la réputation d’être les acteurs financiers les plus disciplinés, ils n’ont pas non plus vendu une part importante de leurs réserves d’or au cours des 50 dernières années, et les dirigeants politiques ont régulièrement souligné la valeur de l’or en tant que mécanisme de défense en cas de difficultés économiques.

Les principaux vendeurs européens au cours de cette période ont été le Royaume-Uni avec 400 tonnes, les Pays-Bas avec 1100 tonnes, la Suisse avec 1300 tonnes et la Belgique.

L’histoire va-t-elle se répéter ? Selon le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, un gouvernement ne peut pas obliger une banque centrale à vendre de l’or. Par contre, une banque centrale peut très bien prendre elle-même cette initiative. En 2019 cependant, la BCE a déclaré dans un avis sur les réserves d’or de l’Italie qu’un transfert d’or de la banque centrale vers l’État serait contraire au droit européen.
Si d’autres pays suivent l’exemple de la Belgique et vendent une partie de leurs réserves d’or, le prix de l’or pourrait être mis sous pression.

Après avoir travaillé 15 ans chez Blackrock, Stephan Desplancke a fondé Toward Wealth Management. Il écrit également des chroniques pour Investment Officer.

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