Virginie Maisonneuve, CIO Equity bij Allianz Global Investors.
Virginie Maisonneuve, CIO Equity bij Allianz Global Investors.

Dans un monde dominé par l’IA et où les événements géopolitiques se succèdent bon train, Virginie Maisonneuve, CIO d’Allianz, embrasse le « darwinisme numérique ». Elle oriente ses stratégies d’investissement en fonction de l’innovation, de l’émergence de la Chine et de la lutte de l’Europe pour reconquérir son avantage concurrentiel. 

L’Europe est confrontée aux forces d’accélération du « darwinisme numérique » : seules les économies les plus rapides et flexibles peuvent prospérer. Les investisseurs et gestionnaires d’actifs prennent ainsi toujours plus conscience de la vulnérabilité du continent. La fuite des cerveaux persistante vers des hubs technologiques comme la Silicon Valley, combinée à la lente acceptation de l’intelligence artificielle (IA) par l’Europe, menace non seulement la compétitivité future du Vieux Continent, mais modifie également les opportunités d’investissement dans toutes sortes de secteurs.

Il est capital que les investisseurs comprennent bien le difficile équilibre géopolitique de l’Europe – en particulier ses relations avec la Chine et les États-Unis – afin de garder la maîtrise de la volatilité des marchés mondiaux. Virginie Maisonneuve, Chief Investment Officer Equity chez Allianz Global Investors, souligne que, si l’Europe a le potentiel de réussir, elle doit agir sans plus attendre pour conserver ses talents, combler le fossé de l’innovation et s’adapter aux transformations rapides du paysage mondial. 

La fuite des cerveaux, un risque existentiel

Les inquiétudes de Virginie Maisonneuve quant à la compétitivité européenne partent d’un problème bien connu : la fuite des cerveaux. « L’Europe dispose de talents, mais beaucoup d’entre eux s’en vont », affirme-t-elle. « Comment conserver toutes ces personnes intelligentes et toute cette innovation plutôt que les laisser partir pour la Silicon Valley ? » Cette question est, selon elle, d’une importance existentielle. L’Europe doit créer un environnement où l’innovation pourra prospérer localement et où l’échec sera considéré comme faisant partie du processus d’apprentissage et non comme une honte.

Virginie Maisonneuve a discuté de ce sujet avec Investment Officer à Francfort, au lendemain de la publication du très attendu rapport de Mario Draghi à Bruxelles sur la compétitivité européenne. Ce rapport identifie la fragmentation de l’industrie et les barrières réglementaires européennes comme les principaux obstacles à l’innovation. Mario Draghi y avertit également que, sans effort commun pour retenir les talents et stimuler l’innovation, l’Europe risque d’accuser un retard encore plus important par rapport à des concurrents mondiaux tels que les États-Unis et la Chine.

L’IA au cœur de la géopolitique

Le cœur de ces changements à l’échelle mondiale, c’est l’intelligence artificielle, un domaine dans lequel Virginie Maisonneuve voit tant d’immenses opportunités que de considérables risques. « L’IA joue un rôle central », assure-t-elle, en faisant référence à la situation géopolitique complexe. « C’est le darwinisme numérique qui est ici à l’œuvre. L’une des raisons pour lesquelles la Chine a progressé aussi rapidement dans le domaine de l’intelligence artificielle est que, pour former l’IA, on a besoin de données ; or, la Chine possède une base d’utilisateurs d’Internet quasi illimitée, la plus importante au monde. »

La capacité chinoise à former plus rapidement ses modèles d’IA grâce à un accès massif et illimité aux données a placé le pays à l’avant-poste de l’innovation mondiale en matière d’IA. Cette progression rapide a provoqué des tensions géopolitiques et poussé les pays occidentaux à imposer des sanctions et des restrictions commerciales en vue de ralentir l’essor technologique de la Chine. Virginie Maisonneuve observe que cette dynamique transforme les structures du pouvoir mondial, et l’IA constitue, à cet égard, un champ de bataille critique dans la course à la domination. 

Fixer des priorités claires

Au rang des points faibles de l’Europe, Virginie Maisonneuve cite non seulement la rétention des talents et l’IA, mais aussi la fragmentation du continent, qui fait aussi obstacle à son progrès. « Nous avons besoin d’un leader en mesure d’unir tout le monde et de demander : ‘Quelles sont les 5 priorités principales ?’. » Les préoccupations trop dispersées de l’Europe, avec ses nombreux portefeuilles et ses initiatives fragmentées, brident, selon elle, toute progression significative à l’échelle mondiale.

Le rapport de Mario Draghi souligne également ce problème et fait observer que l’Europe, en dépit de fondations solides telles qu’un système éducatif exceptionnel, des ambitions en matière de prospérité et un engagement vis-à-vis de ses objectifs climatiques, a du mal à convertir ces points forts en industries compétitives. Pour Mario Draghi comme pour Virginie Maisonneuve, l’Europe doit conjuguer ses efforts, rationaliser sa politique industrielle et cibler des secteurs susceptibles de stimuler la croissance future, comme l’IA, la biotechnologie et les technologies propres.

Des rapports complexes avec la Chine

Virginie Maisonneuve, qui suit la Chine de près depuis des décennies, voit également, pour l’Europe, une opportunité unique de resserrer les liens avec elle, en particulier à présent que les tensions entre les États-Unis et la Chine s’intensifient. « L’Europe a là une chance unique d’engager un partenariat avec la Chine, car je pense que cette dernière se sent trahie par les États-Unis », explique-t-elle. Elle rappelle que la Chine demeure un partenaire crucial pour relever les défis du monde, comme le changement climatique.

La progression de la Chine en matière de véhicules électriques et de technologies liées aux énergies renouvelables peut jeter les bases d’une collaboration plus étroite avec l’Europe, malgré les droits de douane et les soucis géopolitiques qui compliquent leurs relations. Le rapport de Mario Draghi reconnaît que l’Europe doit se montrer prudente en naviguant dans cette dynamique complexe afin de profiter des innovations chinoises tout en protégeant ses propres industries de la concurrence.

Investir au sein d’un paysage mondial volatil

C’est avec cette dynamique géopolitique à l’esprit que Virginie Maisonneuve souligne l’importance de comprendre la façon dont les événements mondiaux influencent les décisions d’investissement. Allianz Global Investors, comme elle le fait observer, intègre l’IA dans toutes ses stratégies d’investissement, des actions aux fonds thématiques. « La géopolitique est certes importante. Les marchés veulent de la stabilité et de la prévisibilité, et la géopolitique provoque des chocs dans le système », précise-t-elle. Elle avertit cependant que, si les chocs sur les marchés peuvent parfois offrir des opportunités d’achat, ils peuvent aussi entraîner des changements structurels sur le long terme.

Son évocation du « darwinisme numérique », dans le contexte des progrès de la Chine en matière d’IA, rappelle que les investisseurs doivent prêter une attention particulière à ces changements structurels qui influencent tout, des chaînes logistiques à l’évaluation des actifs. Virginie Maisonneuve souligne également l’importance d’une réflexion à long terme pour les investissements thématiques, et évoque des opportunités dans des secteurs comme le changement climatique, la technologie et les actions des petites capitalisations.

De l’optimisme

L’enjeu est de taille pour l’Europe. Compte tenu des tensions géopolitiques croissantes, de la rapidité des progrès technologiques et de la concurrence de la Chine et des États-Unis, le message de Virginie Maisonneuve est clair : l’Europe doit agir dès maintenant, ou courir le risque d’être à la traîne. Conserver ses talents, embrasser l’innovation et s’adapter au « darwinisme numérique » sont autant de priorités cruciales. Malgré ces défis, cependant, Virginie Maisonneuve reste positive et garde l’espoir que des efforts communs et une innovation animée par l’IA permettront à l’Europe de prospérer au sein de ce paysage mondial transformé.

« J’ai bon espoir que les dirigeants finiront par unir leurs forces », conclut-elle avec optimisme. 

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