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À la recherche de financements, un nombre croissant d’entreprises familiales se tournent vers le family office d’une autre famille d’entrepreneurs. « Le lien se crée souvent plus rapidement qu’avec le capital-investissement », explique Anneleen Michiels, experte à l’université d’Hasselt.
Longtemps, la discrétion a été le maître-mot des véhicules d’investissement des familles d’entrepreneurs : pour vivre heureux, vivons cachés. Mais cette tendance a fortement évolué au cours des cinq à dix dernières années, estime Anneleen Michiels, chargée de cours en Finance & Family Business à l’université de Hasselt. « Les family offices gagnent en visibilité et, par conséquent, reçoivent plus d’opportunités d’investir dans d’autres entreprises familiales », observe-t-elle.
Cela explique le vif succès de la Masterclass Adviseur Familievermogens (Conseiller en patrimoine familial) qui a débuté au début du mois à Hasselt et auquel participent 25 professionnels. La quatrième édition de cette masterclass a rapidement affiché complet, attirant des participants de toute la Flandre, et même quelques-uns des Pays-Bas.
Le programme aborde notamment la politique d’investissement des familles d’entrepreneurs et la transmission du patrimoine à la génération suivante. Un module est également consacré à la médiation des conflits. « Car c’est bien sûr là toute la différence entre une entreprise familiale et une entreprise à l’actionnariat dispersé : il y a beaucoup d’émotions en jeu », explique Anneleen Michiels.
Des personnalités renommées, comme Herman Daems (ancien de Gimv et BNP Paribas Fortis) ou Frank Vranken (CIO d’Edmond de Rothschild) partagent leur expertise lors de la masterclass. « Les participants viennent d’horizons divers, et sont par exemple banquier privé, avocat ou entrepreneur familial. Ce qui est intéressant, c’est qu’ils peuvent aussi beaucoup apprendre les uns des autres grâce à leurs spécialisations respectives », explique Anneleen Michiels.
Famille cherche famille
Les services de conseil spécialisés dans les family offices tournent à plein régime en raison d’un double phénomène. D’une part, de nombreuses entreprises familiales réfléchissent à la transmission à la génération suivante, ce qui conduit souvent à la vente de l’entreprise. Le capital issu de cette cession ainsi que les autres actifs de la famille – tels que l’art ou l’immobilier – doivent alors être gérés par un family office. D’autre part, de nombreuses petites et moyennes entreprises ont besoin d’une injection de capital supplémentaire, mais ne souhaitent ni lever ces capitaux en Bourse, ni alourdir leur endettement bancaire.
« Les PME familiales en quête de financement se demandent de plus en plus souvent s’il n’existerait pas un family office prêt à investir dans leur entreprise. De préférence, il s’agirait d’une famille qu’elles connaissent ou avec laquelle elles partagent des valeurs communes. Elles ressentent alors un lien plus fort qu’avec un acteur du capital-investissement, par exemple », explique Anneleen Michiels, qui s’apprête à publier son livre Geld & Generaties, un ouvrage consacré aux défis et dynamiques des familles d’entrepreneurs.
« Outre les valeurs, une autre différence majeure avec le capital-investissement réside dans l’horizon d’investissement. De nombreux family offices adoptent une approche à long terme et n’ont même pas de date de sortie en tête, alors que le capital-investissement travaille traditionnellement sur une période d’environ six ans. Les familles ne sont tout simplement pas soumises à la même pression financière que les acteurs du capital-investissement. »
Opportunités manquées
La mise en relation entre les familles d’entrepreneurs en quête de financement et celles disposant d’un capital disponible s’est nettement fluidifiée, mais une amélioration est encore possible, analyse Anneleen Michiels.
« Les family offices les plus connus reçoivent spontanément de nombreuses propositions. Mais à côté de cela, certains ont été créés justement pour rester sous le radar. Cette discrétion a ses avantages, mais elle présente aussi un inconvénient : ils passent à côté d’opportunités intéressantes, faute d’être repérés. »
« Un signe révélateur de l’évolution des mentalités en peu de temps : il y a dix ans, une recherche Google sur « family office » donnait à peine quelques résultats en Belgique. Aujourd’hui, ils sont bien plus visibles, que ce soit en ligne ou par le biais d’interviews dans les médias. »
Anneleen Michiels souligne cependant que toutes les familles ne disposent pas des ressources nécessaires pour constituer une équipe d’investissement permanente, à l’instar de Marc Coucke avec Alychlo, du nom de ses filles Alysée et Chloé.
Deux alternatives s’offrent alors à elles : elles peuvent rejoindre un multi-family office. « Cela les rapproche alors davantage de l’univers des gestionnaires de patrimoine traditionnels. » Ou bien un family office peut faire appel à des experts indépendants, en fonction des classes d’actifs dans lesquelles il investit. « Le succès de notre masterclass démontre en tout cas la forte demande en family and wealth advising », conclut Anneleen Michiels.