À pondération égale, les actions des Sept Magnifiques ont enregistré une hausse de plus de 20 % cette année, principalement grâce à Nvidia et Meta. Cependant, une entreprise sort du lot : Apple.
Bien sûr, Tesla a connu une chute encore plus marquée cette année, mais Tesla a toujours été un titre volatile et spéculatif. De plus, les résultats de Tesla s’expliquent largement, surtout maintenant que les Chinois ont de facto pris le contrôle du marché des véhicules électriques. Apple, en revanche, jusqu’à récemment l’action affichant la plus grande capitalisation boursière aux États-Unis, était perçue comme une valeur sûre et défensive. Cette réputation pourrait être la raison de son recul cette année. Après tout, qui voudrait d’une valeur défensive lorsque la croissance économique surprend positivement ?
L’année dernière, les Sept Magnifiques ont en partie endossé un rôle défensif en tant qu’alternative aux obligations d’État. Il s’agissait d’actions « de bon père de famille », vouées à une belle progression sur le long terme. Ces dernières années, un véritable drame s’est joué sur le marché obligataire. Avec la hausse des taux d’intérêt, les titres du Trésor américain à long terme – qui jusqu’alors faisaient figure de valeurs refuges – ont perdu plus de 50 % de leur valeur.
Après cette chute de moitié de leurs cours, de nombreux investisseurs sont devenus plus prudents à l’égard des obligations d’État. Car ces derniers ne sont, en soi, pas averses au risque… à condition qu’il ne soit pas synonyme de pertes financières. Anticipant une poursuite de la hausse des taux d’intérêt, ils se sont mis en quête de nouvelles valeurs refuges et se sont rapidement tournés vers les géants de la technologie, notamment des entreprises comme Apple et Microsoft. Malgré le risque de survalorisation, ces entreprises demeurent des investissements rentables sur le long terme.
Or, il semblerait qu’Apple ait perdu la confiance du marché. Cela pourrait être lié au fait que l’entreprise ne valorise pas suffisamment l’utilisation de l’intelligence artificielle, alors qu’elle est à la pointe en matière de brevets dans ce domaine. Apple est également plus sensible aux évolutions en Chine, et donc à la détérioration des relations sino-américaines.
Une grande partie du matériel d’Apple est fabriqué en Chine et ce pays constitue également un marché important pour Apple. De plus, la croissance d’Apple n’a pas été spectaculaire ces derniers temps. Les ventes d’iPhone ont diminué de 4 % par rapport à l’année précédente, ce qui, avec un ratio cours/bénéfice supérieur à 30, ne paraît pas attrayant.
De plus, Apple attire davantage que la moyenne l’attention des autorités de régulation de la concurrence, une situation courante pour les géants de la technologie. En général, les procédures judiciaires durent si longtemps que la technologie faisant l’objet du litige n’existe déjà plus lorsque le jugement est prononcé. Selon l’administration Biden, Apple abuse de sa position sur le marché en facturant des frais élevés aux entreprises désireuses d’accéder à sa plate-forme.
Pourtant, Apple n’a pas de monopole. À l’échelle mondiale, c’est Samsung qui domine le marché des téléphones mobiles. Aux États-Unis, Apple détient cependant une part de marché de 65 %. Reste à voir jusqu’où ira le procureur général avec la firme à la pomme. L’entreprise a toujours prôné la philosophie d’une intégration indissociable entre matériel et logiciel, ce qui, par définition, rend la concurrence difficile pour les fournisseurs tiers. Ce contrôle étroit sur les logiciels confère également à Apple un niveau de sécurité nettement supérieur à celui de ses concurrents.
Deux options s’offrent à Apple. La société peut conclure un accord et devra alors accorder à d’autres entreprises l’accès au réseau Apple, sans que ces entreprises ne doivent passer par l’Apple Store. Par le passé, Microsoft avait également conclu un accord avec le gouvernement concernant notamment l’utilisation des navigateurs, et n’en est sorti que plus fort.
L’autre alternative consiste à scinder l’entreprise et à cet égard, il existe des précédents célèbres. À son apogée, John D. Rockefeller contrôlait par exemple 90 % de la production pétrolière américaine. En 1910, en vertu de la loi antitrust Sherman, la société a été divisée en pas moins de 34 entreprises, dont Exxon Mobil, Chevron, Marathon et d’autres noms célèbres qui dominent l’industrie pétrolière depuis lors. C’est aussi à cette époque que Rockefeller s’est encore enrichi. Un autre exemple est la scission d’AT&T en 1982 en Ma Bell et sept baby Bells. Ici également, la valeur a augmenté, principalement parce que la téléphonie est devenue beaucoup plus chère après la scission.
Outre le gouvernement américain, l’Union européenne a également interpellé Apple. La société a en effet décidé d’arrêter l’utilisation des progressive web apps, qui permettent d’afficher un site web sous la forme d’une icône sur l’iPhone, évitant ainsi de passer par l’App Store. Apple affirme que cette mesure vise à se conformer à la législation sur les marchés numériques (DMA), mais en utilisant cette fonctionnalité, les utilisateurs évitent également de payer une commission de 30 % sur l’App Store.
L’App Store est une activité lucrative et en pleine croissance d’Apple. Là encore, la justice prend son temps et on peut se demander si une éventuelle condamnation aurait un impact significatif sur l’entreprise. Cependant, il est clair que de part et d’autre de l’Atlantique, les autorités ont d’autres entreprises de la Big Tech dans leur ligne de mire. Il est même question d’interdire TikTok, qui n’est rien de plus qu’un Instagram amélioré, avec le risque supplémentaire que si Donald Trump remporte les élections, d’autres entreprises de médias sociaux soient également visées, ne serait-ce que pour avantager sa propre plateforme.
Quant aux Sept Magnifiques, l’attention se déplace progressivement des facilitateurs vers les adoptants de l’IA, c’est-à-dire des entreprises qui utilisent l’intelligence artificielle pour réduire leurs coûts ou améliorer leurs services.
Alors qu’en temps normal, les entreprises ayant un effectif important n’attirent pas particulièrement les investisseurs, voilà qu’émerge un potentiel considérable d’économies, en particulier pour les tâches rébarbatives, répétitives et abrutissantes. Ces entreprises utilisent les outils d’IA fournis par les Sept Magnifiques.
Apple a déjà fait son choix : elle abandonne le développement de l’Apple Car pour se concentrer désormais sur les robots domestiques, prochain next big thing – et bien sûr, ces derniers sont alimentés par l’intelligence artificielle.
Han Dieperink est directeur de la stratégie d’investissement chez Auréus Vermogensbeheer. Il a auparavant été directeur des investissements chez Rabobank et Schretlen & Co.