Les investisseurs sous-estiment le potentiel de croissance des entreprises exposées à des mégatendances telles que la transition énergétique et l’intelligence artificielle. Ceux qui comprennent tôt le potentiel de transformation et restent patiemment investis ont de fortes chances d’être récompensés par des rendements considérables une dizaine d’années plus tard.
C’est ce que déclare John MacDougall, gestionnaire du Long Term Global Growth Investment Fund et associé chez Baillie Gifford, lors d’un entretien avec Investment Officer. Malgré la hausse des taux d’intérêt, les actions de croissance, et en particulier les grandes entreprises technologiques, affichent des performances particulièrement élevées cette année. Les valorisations ont augmenté, alors que le risque de récession n’est pas encore écarté.
Pour John MacDougall, ce n’est cependant pas une raison de faire preuve de réserve ou prendre des bénéfices. « Nous ne cherchons ni à timer le marché ni à prédire l’économie, car cela ne nous permet pas d’apporter de la valeur ajoutée. Nous consacrons tout notre temps à identifier les meilleures actions de croissance pour les dix prochaines années. » Le fonds investit dans des actions de croissance au niveau mondial et détient un portefeuille concentré de 30 à 60 actions qu’il conserve en moyenne pendant huit à dix ans. Les positions les plus importantes sont Nvidia, Amazon, Tesla, PDD Holdings et ASML.
« Nous recherchons des entreprises capables de doubler leur chiffre d’affaires au cours des cinq prochaines années et de maintenir ensuite une croissance solide », explique John MacDougall. « Les mesures de valorisation telles que les ratios cours/bénéfice ne sont pas pertinentes pour nous. Nous essayons plutôt d’utiliser l’analyse de scénarios pour trouver des entreprises qui pourraient être cinq fois plus importantes dans dix ans qu’elles ne le sont aujourd’hui. Comme nous en avons suffisamment en portefeuille, le potentiel de hausse reste considérable malgré des valorisations parfois solides. Sur un horizon de dix ans, nous visons une multiplication de notre rendement par cinq. »
Entreprises de qualité
Baillie Gifford utilise cette stratégie pour ses différents fonds de croissance depuis 20 ans déjà. « Nous savons par expérience que les entreprises qui font la différence sur une période de dix ans semblent toujours extrêmement chères selon les critères de valorisation traditionnels. Des noms tels que Tesla, Amazon et Nvidia font partie de nos portefeuilles depuis très longtemps. Bien sûr, il peut arriver que nos analyses de scénarios ne soient pas exactes, mais si nous nous rapprochons un tant soit peu de notre objectif de multiplication du chiffre d’affaires par cinq en dix ans, le ratio cours/bénéfice de l’année en cours ou de l’année suivante n’a pas beaucoup d’importance. Les investisseurs sous-estiment constamment la puissance de la croissance exponentielle à long terme. Une des leçons les plus importantes que nos nouveaux collaborateurs apprennent dès le début, c’est qu’ils doivent ignorer tout bruit à court terme. »
L’environnement macroéconomique actuel, caractérisé par une inflation élevée et des consommateurs prudents, ne suscite aucune inquiétude pour les entreprises dans lesquelles le fonds investit. « Il s’agit sans exception d’entreprises de qualité à même de répercuter l’augmentation des coûts sur les clients, et donc de protéger leurs marges bénéficiaires ». Il cite l’exemple de Spotify et Netflix, qui ont considérablement augmenté leurs tarifs d’abonnement au cours des deux dernières années sans perdre de clients. Il estime également que les groupes de luxe tels que Kering et Hermès font eux aussi preuve d’un pouvoir de fixation des prix suffisant. « Nous observons le même pouvoir de fixation des prix dans le secteur des logiciels SaaS, où les applications logicielles via Internet sont devenues un maillon indispensable de l’infrastructure des entreprises. »
Révolution de l’IA
John MacDougall ne s’inquiète pas des perspectives économiques et estime que de nombreuses entreprises sont capables de maintenir leur croissance. Il s’agit d’entreprises qui s’inscrivent à l’avant-garde de la transformation de secteurs entiers, comme ce fut le cas d’Intel dans les années 70. « Tout le monde s’inquiétait alors de la forte inflation, mais le fabricant de puces américain a développé le premier microprocesseur et s’est ainsi trouvé à la pointe de la révolution des PC. Ceux qui avaient investi dans Intel au cours de cette décennie ont vu leur investissement multiplié par 20. »
Il identifie ces entreprises à croissance rapide notamment dans le secteur de l’énergie verte. « Il suffit de penser aux entreprises à l’avant-garde des nouvelles technologies environnementales permettant la transformation structurelle vers une économie à faible émission de carbone, ou aux entreprises qui tirent parti de l’intelligence artificielle. Dans dix ans, ces entreprises seront beaucoup plus importantes, indépendamment de tout ralentissement de la croissance économique à court terme. »
Le gestionnaire de fonds croit fermement à la révolution de l’IA. « Dans une certaine mesure, l’avènement de l’intelligence artificielle s’inscrit dans le prolongement des tendances existantes telles que la numérisation croissante, l’utilisation des données et l’augmentation de la puissance de calcul informatique. Environ un quart de notre portefeuille y est exposé, avec des acteurs tels que Nvidia, ASML et Amazon. Cependant, l’introduction récente d’outils d’IA générative comme ChatGPT marque une transition majeure vers une nouvelle manière d’utiliser la technologie, similaire à l’avènement du PC et du smartphone. »
Selon John MacDougall, de nombreuses entreprises utiliseront déjà ces outils à court terme, par exemple dans la communication avec leurs clients. Au cours de la phase suivante, de nouvelles entreprises proposant des solutions d’IA innovantes pour résoudre des problèmes ou des défis existants verront le jour. « Notre équipe dédiée aux entreprises privées est à la recherche de ce type de startups afin de pouvoir y investir à un stade précoce et de bénéficier d’une introduction en Bourse dans quelques années. »
Articles connexes sur Investment Officer
- L’équipe EM de Baillie Gifford mise désormais sur l’Inde, l’Amérique latine et l’Indonésie
- Baillie Gifford : en matière de capital-investissement, la prudence s’impose