
Blackrock a consacré « plusieurs années » à la création d’un ETP européen sur le bitcoin. En ce mardi 25 mars, la société de fonds a lancé ce produit sur les places boursières néerlandaise, allemande et française.
Manuela Sperandeo, responsable du calendrier d’innovation produit pour l’activité indicielle de BlackRock en Europe, indique lors d’un entretien avec Investment Officer que cet Exchange Traded Product (ETP) ne constitue qu’une étape dans un « parcours de plusieurs années » que Blackrock a engagé dans le domaine des actifs numériques. « Ce parcours va bien au-delà de ce seul produit. »
L’ETP sur le bitcoin se compose d’une série d’Exchange Traded Notes (ETN), entièrement adossées à des bitcoins détenus via Coinbase. Le produit est émis par un véhicule spécial (SPV) domicilié en Suisse, dont le prospectus a été approuvé par l’autorité de régulation allemande.
Blackrock a consacré plusieurs années à une intégration optimale de sa propre technologie avec celle de Coinbase, le plus grand dépositaire de bitcoins au niveau mondial. « Il ne s’agit pas seulement des volumes que Coinbase permet de traiter grâce à des processus établis, que nous considérons comme garants de sécurité pour les clients institutionnels, mais aussi de l’intégration de leur technologie avec nos systèmes de gestion des risques et de gestion de portefeuille », précise Manuela Sperandeo.
Un an après l’Amérique
Ce nouvel ETP arrive plus d’un an après le lancement de l’ETF américain sur le bitcoin de Blackrock, qui pèse actuellement près de 50 milliards de dollars. Interrogée sur ce décalage de calendrier en Europe, Manuela Sperandeo souligne notamment les contraintes réglementaires européennes : les règles UCITS interdisent les ETF adossés à des bitcoins physiques.
Nous voulions nous assurer que l’infrastructure locale soit en mesure d’étayer ce lancement, afin que nous-mêmes comme nos clients puissions distribuer ce produit au client final. Dans certains pays, ce produit est classé retail-informed, ce qui signifie que les distributeurs doivent fournir énormément d’informations à leurs clients. »
Jusqu’à la fin de l’année 2025, les investisseurs dans le produit bénéficieront d’une réduction de 10 points de base, ce qui ramènera le total des frais sur encours à 15 points de base au lieu de 25 pour la première année. Interrogée sur la raison de cette réduction, Manuela Sperandeo répond que les frais de gestion constituent toujours un sujet important, régulièrement soulevé par les investisseurs. « Je suis donc convaincue que cette exonération partielle de frais sera très remarquée, ce qui est d’autant plus important pour un produit associé à une classe d’actifs émergente. »
Qui le proposera ?
En janvier, Blackrock avait déjà fait allusion dans un rapport à l’arrivée prochaine de ce produit, sans toutefois être en mesure de répondre à des questions complémentaires concernant l’ETP. Selon une enquête menée à l’époque par Investment Officer, plusieurs propriétaires d’actifs étaient informés des préparatifs en cours chez BlackRock. Les banques interrogées indiquaient en février ne pas envisager, à ce stade, d’ajouter le produit à leur offre, tout en affirmant « suivre les développements avec intérêt ». Rabobank, en particulier, faisait part de sa prudence à l’égard des notes, soulignant qu’il s’agissait de produits dérivés présentant leurs propres expositions, frais et risques.
« C’est exactement la discussion que nous avons eue avec certains clients à propos de l’instrument note », répond aujourd’hui Manuela Sperandeo à ce propos. « Je tiens cependant à préciser que, comme vous l’avez-vous-même souligné, il ne pouvait pas s’agir d’un instrument UCITS. Nous avons donc dû suivre une autre approche. »
Concernant plus spécifiquement les produits dérivés, elle souligne que l’instrument confère un droit, mais que l’exposition à la classe d’actifs sous-jacente n’est pas obtenue par le biais de produits dérivés – comme c’est le cas avec une banque. « La meilleure manière de comprendre cette structure est de la comparer à une Exchange Traded Commodity (ETC), comme pour l’or. Chaque note donne droit à une certaine quantité de bitcoins ou d’or. Nous publierons sur notre site web ce que recouvre précisément ce droit, et le distributeur fera de même. S’agissant de la classification retail informed, il reviendra au distributeur d’évaluer la tolérance au risque et l’expérience de chaque client. »
Marché concurrentiel
Le marché européen des ETP sur les cryptomonnaies est concurrentiel, avec, selon Bloomberg, plus de 160 produits répliquant le cours du bitcoin, de l’ether ou d’autres tokens. D’après l’agence de presse, ce marché représenterait un volume de 17,3 milliards de dollars.
À propos des perspectives à long terme pour l’ETP sur le bitcoin de Blackrock, Manuela Sperandeo rappelle à nouveau la différence de structure entre la variante européenne et son homologue américaine, ainsi que les éventuelles limitations en matière de distribution transfrontalière. « Cela dit, nous n’aurions pas investi autant si nous n’avions pas perçu une demande claire de la part des investisseurs en bitcoin et, plus important encore, des investisseurs en ETP. Nous observons un soutien croissant des plateformes numériques à l’égard des ETP, ce qui se traduit par une offre de plus en plus fréquente d’ETP crypto, en complément des investissements directs dans les cryptomonnaies. À mes yeux, le paysage évolue donc très rapidement en ce qui concerne l’adoption par les investisseurs. J’ai hâte de voir ce que demain nous réserve. »
Une enquête menée récemment auprès de gestionnaires d’actifs à la demande de Blackrock avait déjà révélé un intérêt marqué pour les ETP sur le bitcoin. « Nos contacts quotidiens avec nos partenaires de distribution le confirment également », indique Manuela Sperandeo. « De plus, on compte en Europe plus de 25 millions d’investisseurs en cryptomonnaies, et aux Pays-Bas, 40 % des investisseurs particuliers détiennent des cryptomonnaies. Cela illustre clairement le niveau d’adoption de cette classe d’actifs par les investisseurs finaux. »