Koen van Mierlo, Bluemetric
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Dans le sillage de l’essor du marché du capital-investissement, les Collateralized Loan Obligations (CLO) connaissent une forte progression. Bien que les CLO investissent indirectement dans la dette senior d’entreprises similaires, elles offrent un profil risque-rendement potentiellement distinct de celui du capital-investissement. Néanmoins, la mise en œuvre pratique de cette classe d’actifs pose plusieurs défis.

Ce n’est un secret pour personne : la surperformance historique du capital-investissement est en grande partie alimentée par le financement par emprunt, ou effet de levier. Selon la période considérée, l’effet de levier représente entre 60 % (avant 2000) et 40 % (depuis 2008) du rendement total de cette classe d’actifs. Un aspect moins étudié concerne les parties disposées à fournir cette dette.

Aujourd’hui, les transactions de capital-investissement de grande envergure sont majoritairement financées par des prêts à effet de levier largement syndiqués auprès de multiples investisseurs. Ces prêts se caractérisent par (i) une position senior dans la structure du capital, (ii) un taux d’intérêt variable, (iii) une cote de crédit relativement basse et (iv) leur négociabilité sur le marché secondaire. Aux États-Unis, la taille du marché des prêts à effet de levier dépasse 1400 milliard de dollars, dont environ 65 % sont liés à des transactions de capital-investissement. À titre de comparaison, la valeur intrinsèque nette de l’ensemble des fonds de buyout aux États-Unis s’élevait à environ 1800 milliards de dollars à la fin de l’année dernière.

Fournisseur officiel de financement par emprunt

Mais qui sont, en fin de compte, les investisseurs dans les prêts à effet de levier ? Les principaux acteurs de ce marché sont les CLO, qui rachètent pas moins de 70 % de ces prêts. Les CLO sont des entités gérées activement, créées pour constituer des portefeuilles de prêts largement diversifiés. Elles sont ensuite financées par l’émission de capitaux propres (environ 10 %) et de multiples tranches de dettes (environ 90 %), lesquelles sont remboursées selon leur priorité dans la structure du capital. Ainsi, une CLO redistribue le risque entre ses financeurs en fonction de leur tolérance au risque.

Les investissements en capitaux propres (equity) de la CLO supportent les pertes de crédit initiales, mais offrent également un potentiel de rendement attractif (environ 12 % par an depuis 2003). Cependant, le CLO equity représente une part relativement limitée des portefeuilles d’investissement illiquides, comparativement à des classes d’actifs plus en vue telles que le capital-investissement.
 

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Source : Cordell, Roberts & Schwert (2023), CLO Performance, The Journal of Finance.

Profil de rendement complémentaire

Les raisons couramment avancées pour ne pas investir dans les CLO sont leur plus grande complexité et la confusion avec les tristement célèbres Collateralized Debt Obligations (CDO), associées à la crise financière de 2008. Bien que leurs acronymes soient proches, elles diffèrent totalement en termes d’exposition financière. De plus, certains investisseurs craignent que les CLO n’entraînent une double exposition aux entreprises détenues par des gestionnaires de capital-investissement.

Cependant, bien qu’il existe une certaine superposition entre les entreprises sous-jacentes, le profil risque-rendement du CLO equity est en réalité complémentaire à celui du capital-investissement, ce qui en fait un ajout précieux au portefeuille. Ces avantages en termes de diversification s’expliquent par plusieurs éléments : 

  • Position senior dans la structure du capital. Les prêts à effet de levier bénéficient du premier rang en cas de faillite, ce qui rend les pertes de crédit définitives relativement limitées (le taux de recouvrement historique est supérieur à 70 %). En revanche, les investisseurs en capital-investissement perdent généralement leur mise en cas de faillite.
    ⦁  Flux de trésorerie contractuels. Les paiements de coupons des prêts à effet de levier génèrent des revenus dans la plupart des conditions de marché. Par exemple, en 2022, lorsque les actions cotées et les obligations ont chuté (respectivement de -13,3 % et -10,5 % en euros), le CLO equity a généré un rendement moyen de 11,8 %.
    ⦁    Gestion active. Les gestionnaires de CLO sont généralement autorisés à réinvestir les remboursements (anticipés) du principal dans de nouveaux prêts. Cela leur permet d’acheter des prêts décotés en période de volatilité du marché (comme lors de la crise financière et de la pandémie de Covid-19). En revanche, le capital-investissement fait face à des vents contraires durant ces périodes.
    ⦁    Impact du marché des taux d’intérêt. Étant donné que les prêts à effet de levier et les tranches de dette des CLO sont assortis de taux d’intérêt variables, le rendement du CLO equity est relativement résistant aux hausses de taux d’intérêt. En revanche, les investisseurs en capital-investissement voient leur rendement diminuer en raison de l’augmentation des coûts d’emprunt supportés par leurs entreprises.
    Les facteurs susmentionnés signifient que les investissements en capital-investissement et en CLO equity peuvent présenter des profils de rendement complémentaires. En fonction de l’année de création, l’inclusion de ces deux catégories d’actifs présente un avantage évident en termes de diversification, car elle permet de stabiliser les rendements d’un portefeuille illiquide (voir graphique ci-dessous). De plus, les CLO offrent dès l’investissement des distributions anticipées et plus stables, qui peuvent être utilisées pour financer d’autres besoins de trésorerie.

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Source : Preqin, Bank of America. L’IRR (TRI, Taux de Rentabilité Interne) présenté correspond à l’observation médiane basée sur les rendements réalisés et non réalisés. Aucune CLO n’a été émise en 2009, d’où l’absence de données de rendement pour cette année. Remarque : la baisse des rendements des CLO entre 2013 et 2018 s’explique en grande partie par l’exposition accrue au marché de l’énergie et par la réduction des opportunités d’arbitrage en raison du resserrement des spreads de crédit.

Nouvelle catégorie, nouveaux défis

En somme, les CLO représentent un acteur important, bien que moins connu, dans le financement des transactions de capital-investissement. La structure de capital des CLO offre des rendements potentiellement plus élevés aux investisseurs ayant une plus grande tolérance au risque et un horizon d’investissement à long terme. Ainsi, les investissements en actions plus risqués en CLO equity peuvent être complémentaires au capital-investissement tant en termes de profil de rendement que de flux de trésorerie.

En résumé, les CLO constituent une classe d’actifs intéressante à intégrer dans un portefeuille. Cependant, obtenir une exposition à cette classe d’actifs nécessite un certain effort. Le marché propose un large éventail de structures de fonds, gérées par divers gestionnaires ayant des profils de risque, styles d’investissement, incitations économiques et structures de coûts fondamentalement différents. Enfin, les investisseurs doivent définir une politique d’allocation adéquate pour mettre en œuvre le niveau d’exposition souhaité.

Koen van Mierlo est Head of Analysis chez Bluemetric et membre du panel d’experts d’Investment Officer.

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