Le marché belge des fonds continue d’afficher d’excellentes performances. Les actifs commercialisés des fonds distribués publiquement s’élèvent à plus de 265 milliards d’euros en Belgique, dont environ 60 % d’argent frais et 40 % sous forme d’effet de marché. Les réglementations en matière de durabilité deviennent extrêmement importantes, et la directive MiFID 2.5 est également en cours de déploiement. Bruxelles reste un centre financier attractif, mais notre population, et surtout les jeunes, investit encore trop peu en bourse. De même, notre régulateur pourrait être un peu plus réactif.
C’est notamment ce qui ressort d’un entretien avec Marc Van de Gucht (photo), directeur général de la BEAMA, l’Association belge des asset managers. « Les actifs gérés augmentent pour la huitième année consécutive déjà. Bien entendu, c’est aussi dû au fait que nos professionnels suivent les marchés de près et gardent les coûts et les risques soigneusement sous contrôle, ce qui inspire la confiance. Pourtant, les flux entrants pourraient encore être plus élevés. Les Belges laissent encore trop d’argent sur leurs comptes d’épargne – plus de 300 milliards à ce jour.
Ils ne réalisent pas encore suffisamment à quel point l’inflation ronge leur pouvoir d’achat. Après 20 ans, avec un intérêt annuel de 0,2 % et un taux d’inflation moyen de 2 %, ce qui est une estimation très prudente, 1 000 euros sur un compte d’épargne deviennent 700 euros nets en termes de pouvoir d’achat. Si vous investissez ces mêmes 1 000 euros avec un rendement moyen de 5 % par an et 2 % d’inflation, soit un rendement net de 3 %, vous disposerez de 1 800 euros de pouvoir d’achat après ces vingt ans. Une énorme différence ! Chacun en est conscient, mais rares sont ceux qui font quelque chose pour y remédier. L’importance de l’éducation financière est donc cruciale. Dans un environnement de faibles taux d’intérêt, il n’y a pas d’autre solution que d’investir à long terme. Et les fonds s’y prêtent à merveille. »
La Belgique en tant que marché financier
Le Luxembourg est un centre financier connu et stable, mais Bruxelles ne doit pas être en reste, estime Van de Gucht. Elle possède tous les éléments nécessaires pour jouer un rôle de premier plan au sein de l’UE. « La promotion d’un centre financier doit cependant être un choix politique délibéré. Toutes les parties prenantes doivent y collaborer. Le régulateur belge est encore un peu plus sévère que les autres régulateurs européens sur certains points et, surtout depuis la crise financière, veut interpréter les règles de manière stricte. Cela fait perdre à la Belgique une partie de son attrait, car avec un marché européen libre, on cherche toujours le chemin de moindre résistance.
Lors du Brexit, il s’est ainsi avéré que de nombreux gestionnaires de fonds britanniques ont opté pour le Luxembourg ou Dublin plutôt que pour la Belgique en tant que nouveau siège social. Au Luxembourg, vous avez un régulateur qui réfléchit tout de même davantage avec le secteur. C’est peut-être un pays moins complexe, mais en Belgique, il faut beaucoup de temps pour qu’une directive européenne soit transposée dans la législation belge, et le superviseur observe parfois une interprétation très stricte des règles. Au Luxembourg, le législateur et le superviseur réagissent beaucoup plus rapidement. Ils sont également attentifs aux conséquences positives, et pas uniquement aux risques. »
Législation
Van de Gucht estime que la législation sur la durabilité est extrêmement importante pour le secteur. Le règlement SFDR en est un exemple typique. Cette législation au niveau européen peut canaliser l’argent vers des projets verts. « De très nombreuses directives techniques doivent encore être élaborées, mais en raison de l’obligation de transparence établie par la directive SFDR (les fameux articles 6, 8 et 9), les gestionnaires de fonds doivent déjà en faire mention dans leurs prospectus et sur leurs sites web. Un investisseur peut déjà savoir quelles sont les caractéristiques de durabilité d’un fonds, mais les détails techniques d’un verdissement des investissements restent encore à venir dans le secteur. Il ne faut pas oublier que les règles techniques n’entreront en vigueur que le 1er janvier 2023. »
Nous y travaillerons cette année, et l’ensemble du secteur s’y consacrera en 2022.
Un autre big bang qui s’abat sur les acteurs est l’exigence de la MiFID en matière de durabilité. En vertu de la MiFID, lorsque vous déterminez le profil d’investisseur d’un client, vous devrez également tenir compte de ses préférences en matière de durabilité. Il faudra demander au client s’il souhaite inclure des éléments de durabilité dans son portefeuille et, si oui, dans quelle mesure.
« Par conséquent, le gestionnaire doit être en mesure de proposer ces critères au client. Ce sera un exercice difficile. De même, un client ne connaît pas nécessairement toutes ces normes techniques et ne réalise pas que pour de très nombreuses entreprises dans lesquelles il investit, aucune donnée ESG n’est encore disponible, ce qui signifie qu’elles pourraient potentiellement être exclues de son investissement s’il accorde une préférence trop stricte à la durabilité. L’information de l’investisseur devient donc importante et les institutions financières les y aideront certainement », déclare Van de Gucht.
Projets
Pour la BEAMA en tant que représentant des asset managers, outre les thèmes mentionnés plus haut, Van de Gucht veut également se concentrer sur l’éducation financière. « Une campagne sera lancée à l’intention des jeunes afin de leur faire prendre conscience du fait qu’ils peuvent investir une partie de leur épargne à long terme. Nous voulons leur montrer le pouvoir des intérêts composés et leur démontrer qu’ils peuvent, s’ils le souhaitent, avoir un impact durable sur la société et l’environnement. C’est de l’éducation purement financière, car nous constatons qu’il y a encore de la place pour l’amélioration.
Nous voulons également continuer à rester attentifs à la digitalisation. Les gens veulent de plus en plus consulter leurs portefeuilles de titres sur leur PC et leur tablette. En Belgique, nous sommes à la pointe en matière de digitalisation, mais nous voulons aussi que les personnes plus âgées nous rejoignent dans ce processus. En outre, nous voulons susciter l’intérêt des jeunes pour l’épargne-pension. En Belgique, nous pouvons être fiers de nos fonds d’épargne-pension. 1,7 million de personnes ont souscrit une épargne-pension. Les jeunes sont encore un peu à la traîne, et nous voulons y travailler », déclare-t-il.
Enfin, la BEAMA veut également aider à encadrer les actifs moins liquides (par exemple, le private equity) et insister auprès du régulateur sur le fait qu’en tant que petite partie du portefeuille, ces actifs sont utiles à titre de diversification.