En 2018, la directive Mifid II va largement dominer l’agenda des conseillers financiers. C’est ce qu’explique Albert Verlinden, président de la BZB, la fédération professionnelle qui défend les intérêts des conseillers financiers, à Investment Officer. ‘La nouvelle réglementation a bien plus de répercussions que la plupart des gens ne se l’imaginent aujourd’hui.’
Une charge administrative plus lourde, des exigences de formation plus sévères, et un client toujours plus alerte, voilà de quoi mettre le feu aux poudres au sein de la profession de conseiller financier. La procédure n’a jamais atteint une telle lourdeur et il va en résulter une bataille de consolidation, prédit Verlinden. ‘Le secteur continue de se rétracter. Les bureaux unipersonnels n’existent quasi plus… Nous évoluons vers de plus petites structures de minimum 3 à 5 personnes par bureau, ou des bureaux de plus grande taille de 10 à 20 personnes.’
Médiation de collaboration pour les agents
Au niveau local, ces fusions relèvent plutôt du défi. Des agents dans un premier temps concurrents, se verront contraints de collaborer. Cela requiert une faculté d’adaptation suffisante, pense Verlinden. ‘À l’heure actuelle, le commettant encourage fortement ces fusions locales, mais la question reste de savoir si ce sera encore une grande réussite dans quelques années, car que se passe-t-il en cas de heurts entre eux ? En ce moment, nous mettons sur pied un service de médiation dans le but d’intercéder dans les discussions entre les agents.’
Le secteur prend lentement conscience que la directive Mifid II va plus loin que les fusions. D’après Verlinden, le problème réside dans le fait que le cadre réglementaire européen ne tient pas compte des différences locales.
‘En Belgique, les banques ont la liberté de compléter à leur discrétion les documents relatifs à la directive Mifid II. Ce n’est pas clair pour le consommateur final, car un client de différentes banques reçoit donc des questionnaires différents. Sans oublier qu’il doit chaque fois fournir les mêmes informations. Cette défaillance ne mène pas à plus de transparence et d’harmonisation pour le consommateur final. Au contraire.’
Le monde à l’envers
À l’instar d’une kyrielle de ses confrères au sein du secteur, Verlinden craint par ailleurs que dans certains cas, la directive ne produise l’effet inverse que celui qu’elle vise : une meilleure protection du client. ‘Si vous rendez visite à un avocat, on ne vous demande tout de même pas de connaître le code pénal belge par cœur ? Non, c’est précisément l’avocat qui vous conseille ! Pourquoi cette règle s’applique-t-elle alors aux conseils financiers ? Si le client n’a pas la connaissance requise d’un produit, nous ne pouvons pas lui proposer, ni lui donner un avis en la matière.’
Les consommateurs dépourvus de connaissances dans le domaine risquent justement de manœuvrer en bourse de leur propre chef, parce qu’ils n’évaluent pas pleinement la valeur des conseils, estime Verlinden. L’activité « Execution only » (NDT : activité d’exécution en l’absence de mandat de conseil) n’est pas visée par les règles Mifid. Ces consommateurs ne sont donc absolument plus protégés.’
Selon le président du BZB, ce sont surtout les jeunes et les petits capitaux qui feront l’économie des frais d’un conseiller, alors qu’ils auraient précisément tout intérêt à bénéficier d’un avis professionnel. ‘Faire prospérer un capital naissant relève de l’expertise clé du conseiller. Le conseiller vise d’ailleurs une relation à long terme avec son client et ne peut pas faire de bêtises. Aujourd’hui, le petit investisseur ne s’adressera à un conseiller que lorsqu’il aura pour ainsi dire d’abord gaspillé la moitié de son capital en bourse. C’est le monde à l’envers.’