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La transition numérique contraint les banques à fermer des agences et à redéfinir les missions de leur réseau. Le rôle des agences change, mais elles restent la pierre angulaire du modèle commercial.

« Il ne se passe pas une semaine sans que je sois confronté à la question de l’avenir des réseaux physiques. Les exploitants d’agences se demandent notamment si un rachat supplémentaire ou des investissements importants ont encore du sens », explique Albert Verlinden, administrateur délégué de BZB-Fedafin, l’association professionnelle des intermédiaires financiers indépendants. Les établissements financiers ont fortement coupé dans leurs réseaux ces dernières années en Belgique, et la tendance se poursuit. 

En début d’année, BNP Paribas Fortis a annoncé que le nombre d’agences serait réduit à 411 d’ici fin 2021, contre 678 aujourd’hui – 40 % de moins. ING Belgique a pour sa part réduit de moitié son réseau entre octobre 2016 et fin 2018, de 1225 à 654 agences. Les autres banques ne sont pas en reste : selon Fedelfin, il y avait 5126 agences bancaires en Belgique fin 2018, contre 7744 en 2010 et 12 571 en 2000.

Ces coupes concernent les agences bancaires statutaires plutôt que les franchises. « Les agences indépendantes connaissent actuellement un mouvement de consolidation. Celles qui ne comptent qu’un seul collaborateur semblent condamnées. Pour offrir une réelle valeur ajoutée au client, les économies d’échelle et l’expertise sont essentielles », affirme Albert Verlinden. 

La révolution numérique
 

Si le grand public considère que l’amputation du réseau d’agences vise surtout à réduire les coûts, les acteurs sectoriels avancent une explication un peu différente. « L’exercice visait initialement à faire des économies, mais les banques ne peuvent plus ignorer l’évolution du comportement de leurs clients, qui préfèrent effectuer leurs opérations bancaires en ligne. Moins d’agences sont donc nécessaires », explique Marc De Ceuster, professeur à l’université d’Anvers et ancien administrateur de KBC

Et les banques confirment. Chez BNP Paribas Fortis, Hilde Junius explique que les clients sont passés à la vitesse supérieure en 2018 : en décembre, la banque comptait plus de deux millions de clients actifs sur le plan numérique. Un million de contacts en moyenne sont établis chaque jour avec les clients par les canaux numériques. En décembre 2018, les ventes directes effectuées via les applications ou sites bancaires et le centre d’appels représentaient 40 % des ventes aux particuliers. La banque est donc bien partie pour atteindre son objectif de 50 % en 2020. Pour les clients professionnels, ce pourcentage était de 22 %.
 
ING constate aussi un changement radical du comportement et des attentes de ses clients, comme le confirme Joëlle Neeb : « Les clients délaissent les agences au profit des plateformes numériques. Le nombre d’utilisateurs actifs de notre application SmartBanking a augmenté de 36 % en 2018, pour atteindre plus de 1 million d’utilisateurs, un record. » 

D’autres chiffres montrent que les clients se rendent en moyenne une à deux fois par an dans une agence, mais réalisent 250 connexions aux applications bancaires sur la même période. Conserver des agences inutiles coûte cher. En outre, le passage au numérique exige de lourds investissements informatiques, alors que les recettes sont sous pression en raison des taux bas persistants.

Un système bancaire ouvert

Pour la plupart des banques, le numérique est une chance et non une menace. BNP Paribas Fortis estime que la nouvelle directive sur les services de paiement (PSD2), qui prône la standardisation du marché des paiements et son ouverture à des acteurs tiers, « ouvre la porte à l’innovation, ce qui nous permet, en tant qu’établissement financier, de proposer de nouveaux services. » 

Le secteur financier évolue donc vers un modèle ouvert, où banques et autres acteurs travaillent main dans la main pour créer des écosystèmes et proposer des services intégrés. Mais cet accent sur le numérique ne signe pas pour autant l’arrêt de mort de l’agence bancaire. Pour Hilde Junius, « les agences restent la pierre angulaire du modèle commercial. 97 % de nos clients particuliers et professionnels habitent ou travaillent à 10 à 15 minutes de l’une de nos agences. Nous remplissons ainsi notre rôle social au sens large en ancrant nos activités dans la communauté locale et en encourageant l’e-inclusion. » 

Le rôle et le fonctionnement de l’agence locale évoluent toutefois. La plupart des banques incitent leurs clients à réaliser les opérations simples par les canaux numériques. Les agences mettent plutôt l’accent sur le conseil sur des thèmes complexes. « Nous voulons rencontrer et conseiller nos clients aux moments les plus importants de leur vie : premier emploi, achat d’un logement ou décès. » 

Le rôle de la réglementation

Mais la réglementation ne laisse pas toujours suffisamment de marge aux banques pour jouer ce rôle de conseil. En Belgique, les spécialistes de la planification financière sont soumis à des règles strictes : ils ne peuvent proposer aucun service ni conseil d’investissement ni recevoir de fonds des clients. Les agents immobiliers ou les établissements proposant des services bancaires ou d’investissement ne peuvent recevoir d’agrément. Seuls cinq établissements sont donc agréés pour la planification financière indépendante sur le territoire belge – à la différence des Pays-Bas, où il s’agit d’une activité très répandue. Et depuis l’entrée en vigueur de la directive Mifid II, donner des conseils en investissement n’est pas une sinécure non plus. « Des restrictions strictes s’appliquent à ceux qui veulent faire l’inventaire d’une fortune ou donner des conseils en investissement. Les banques, souvent le premier point de contact du public, sont pénalisées. Le consommateur est très protégé, mais cela limite aussi ses possibilités d’obtenir des conseils détaillés », explique Marc De Ceuster. 

Pour ING Belgique, Mifid pose un cadre strict : un conseil d’investissement ne peut être donné que lorsque le profil Mifid du client est établi, sur la base de ses connaissances et de son appétit pour le risque. Le conseil donné doit aussi être documenté. Les clients reçoivent donc ce conseil plutôt en agence. 

Les clients de la banque privée d’ING (à partir d’un patrimoine de 500 000 euros) peuvent aussi recevoir des conseils par voie téléphonique, puisque la conversation est enregistrée. Les conseillers se déplacent aussi souvent à leur domicile. « En tenant compte de Mifid et des besoins des clients, nous étudions aussi d’autres canaux pour donner des conseils d’investissement, mais n’avons pas encore déployé d’offre structurée », explique Joëlle Neeb.

Connaissances financières

Malgré ces limitations, Albert Verlinden estime que les agences bancaires et les intermédiaires financiers joueront un rôle essentiel demain aussi. « De nombreuses études pointent vers les lacunes financières de la population : la plupart des Belges ne sont pas capables de comparer des produits financiers ou de comprendre les conditions générales d’un produit d’assurances. Le conseiller financier joue un rôle crucial aux moments clés de la vie. Une application ne peut s’y substituer. »

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