Depuis un an, les investisseurs liquident des milliards d’actifs placés dans des fonds immobiliers européens. Les investisseurs allemands se montrent particulièrement actifs dans la vente de leurs positions immobilières.
Selon les données fournies par Morningstar Direct, le total des actifs des fonds immobiliers européens ouverts a chuté de plus de 10 % en 2023, tombant à 180 milliards d’euros. Les investisseurs ont retiré en moyenne 660 millions d’euros par mois de ces fonds, ce chiffre s’élevant à plus de 1,1 milliard d’euros pour le dernier trimestre.
Les taux d’intérêt élevés et les incertitudes liées au refinancement de la dette jouent un rôle crucial dans la diminution de l’intérêt pour les fonds immobiliers. Face à une augmentation des demandes de rachat, de nombreux fonds ouverts pourraient actuellement se voir obligés de vendre certains de leurs investissements.
Les flux vers les fonds immobiliers européens sont négatifs depuis un an déjà.
Bien qu’il existe des différences évidentes entre les différentes catégories d’immobilier, les REIT (Real Estate Investment Trust) sont souvent considérés comme des alternatives aux obligations en raison de leurs distributions périodiques. La hausse des rendements obligataires peut également contribuer à la baisse de l’intérêt pour les REIT, estime Thomas De Fauw, analyste chez Morningstar, qui précise toutefois que certains investisseurs immobiliers européens cotés en Bourse ont récemment suscité l’intérêt d’investisseurs institutionnels en quête de davantage de liquidité et de diversification.
Allemagne
Selon les données fournies par Barkow Consulting, cabinet allemand de conseil en gestion, les investisseurs allemands ont retiré collectivement plus de 750 millions d’euros de fonds immobiliers au cours des cinq derniers mois de l’année 2023.
Les investisseurs pourraient bien avoir anticipé le scénario actuel depuis quelque temps déjà, après les pertes sur des portefeuilles immobiliers subies par des groupes allemands spécialisés dans la finance immobilière, tels que Deutsche Pfandbriefbank AG, Vonovia SE et Deutsche Bank AG, qui se retrouvent par conséquent en difficulté. Les banques allemandes – et françaises – sont celles qui accordent le plus de prêts immobiliers commerciaux au sein de l’Union européenne, ce qui les rend particulièrement vulnérables dans ce secteur.
D’ici à 2026, la différence entre les prêts arrivant à échéance et le financement disponible pour les remplacer se traduira par un déficit de 38 milliards de dollars, estime le gestionnaire d’actifs AEW. Les fonds spéculatifs pessimistes vis-à-vis du marché allemand ont parié à hauteur de 5,7 milliards d’euros contre des entreprises allemandes, Qube Research & Technologies Ltd détenant la plus grande position courte, notamment contre Deutsche Bank AG et Vonovia SE.
Selon Florian Heider, responsable de la recherche sur les marchés financiers à la BCE, l’immobilier commercial et le manque de croissance économique constitueront à l’avenir des sujets de préoccupation pour les banques allemandes, même si le système financier a réussi à surmonter plusieurs périodes de turbulences ces dernières années. « La grande question est de savoir si elles ont géré les risques de manière adéquate et constitué des réserves de capital suffisantes pour couvrir les pertes », a-t-il déclaré.
Mark Branson, le président de la BaFin, l’autorité fédérale de supervision bancaire allemande, exprime une position plus tranchée, qualifiant l’immobilier commercial de « risque numéro un » pour le système financier du pays.
Allocation institutionnelle
L’allocation actuelle moyenne dans l’immobilier à l’échelle mondiale, pondérée par les actifs sous gestion, s’établit à 10,6 % pour les investisseurs institutionnels, soit légèrement au-dessus de l’allocation moyenne cible de 10,4 %. Il est intéressant de noter que cette surallocation est principalement le fait des investisseurs européens. En Europe, l’écart entre l’allocation cible moyenne et l’allocation actuelle est supérieur à 65 points de base, révèle une étude de l’INREV, l’Association européenne des investisseurs dans des véhicules immobiliers non cotés.
Selon l’enquête, menée auprès de 90 investisseurs mondiaux gérant collectivement 830 milliards d’euros, les investisseurs ne sont pas devenus plus prudents à l’égard de l’immobilier, mais plus sélectifs dans leur manière de structurer leur exposition. Ainsi, 84 % des investisseurs dans l’immobilier européen envisagent d’augmenter leur allocation à la dette immobilière non cotée dans les deux années à venir. Plus d’un tiers des personnes interrogées indiquent vouloir réduire leur exposition aux fonds de fonds, aux REIT et à l’immobilier direct.