Le marché obligataire est dans le marasme. La valeur de la dette mondiale à rendement négatif est passée à plus de 16 000 milliards de dollars, soit le niveau le plus élevé depuis six mois. Pourtant, tous les investisseurs obligataires ne sont pas préoccupés par les rendements négatifs.
La semaine dernière, le taux d’intérêt japonais à dix ans est passé sous le seuil de 0 % pour la première fois depuis décembre. En Europe, le taux d’intérêt allemand à dix ans est tombé à moins 0,51 %, son plus bas niveau depuis début février. Le taux d’intérêt allemand à 30 ans est également passé sous le seuil de 0 % la semaine dernière, ce qui signifie que toute les dettes allemandes, qui servent de référence pour les obligations de l’ensemble de la zone euro, se négocient à des rendements négatifs. Chris Iggo, Chief Investment Officer de Core Investments chez AXA Investment Managers, déclare lors d’un entretien accordé à Investment Officer que les rendements négatifs ne constituent pas nécessairement un problème explicite pour les investisseurs obligataires. Pour lui, il s’agit uniquement d’un ‘problème comptable’.
Pour les compagnies d’assurance, il y aura toujours une demande d’obligations, explique-t-il. « Nous recherchons des investissements qui correspondent au profil d’engagement. Les obligations, y compris les obligations à rendement négatif, sont l’instrument d’investissement qui correspond le mieux à ces engagements. » « En tant qu’assureur, vous avez notamment des engagements dans le domaine des polices d’assurance-vie. Il est courant d’investir dans des actifs ayant une échéance similaire afin de compenser ces engagements. Une compagnie d’assurance doit maintenir sa solvabilité à un niveau élevé. Nous acceptons le fait que certaines obligations d’État aient des rendements légèrement négatifs. »
Une demande élevée malgré des rendements négatifs
Actuellement, la Réserve fédérale détient plus de bons du Trésor que jamais auparavant. Les achats combinés d’obligations d’État par la Fed et les grandes banques commerciales nationales ont totalisé près de 900 milliards de dollars jusqu’à présent cette année. Ce chiffre est supérieur à l’émission nette du Département du Trésor américain. La BCE détient également 40 % de l’encours du marché des obligations d’État européennes. Le pourcentage d’obligations librement négociables a donc été considérablement réduit. « Les mesures de relance fiscale et la création de crédit aux États-Unis ont entraîné une augmentation massive des dépôts des banques. Les ménages ont reçu des chèques, qui ont ensuite été déposés dans des banques commerciales.
À partir de ces passifs accrus, les banques accordent normalement des prêts et achètent des actifs dans le secteur privé. Mais l’afflux d’argent est devenu si important qu’elles ne peuvent plus accorder suffisamment de prêts. Les banques commerciales doivent donc placer une grande partie de leurs bilans dans des ‘actifs sûrs’, autrement dit des obligations d’État. « Il y a une forte demande, et cette demande n’a plus rien à voir avec le fait que les rendements soient au bon niveau au non. Les rendements négatifs sont une ‘considération secondaire’, nous y voyons de l’argent qui est mis au travail. »
Taux d’intérêt bas à long terme
Iggo n’exclut pas que les taux d’intérêt restent bas pendant les 15 prochaines années. Si les taux d’intérêt augmentent, la hausse restera limitée, affirme-t-il. « La hausse des taux d’intérêt est en effet problématique pour le secteur privé. Un gouvernement peut se financer facilement, mais pour les particuliers, c’est plus difficile. »
Comme les dettes sont contractées sur la base d’un taux d’intérêt variable, le coût de la dette augmente avec la hausse des taux d’intérêt, ce qui a un impact sur la situation économique d’une entreprise ou d’un ménage. Selon Iggo, les banques centrales en sont bien conscientes. « Si on pense à la dernière fois que nous avons vu les taux d’intérêt augmenter, soit en 2017/2018 aux États-Unis, nous avions atteint un pic de 3 %. Si nous passons de zéro à 3 %, c’est vraiment significatif. Cela ne deviendra vraiment problématique que si ces taux d’intérêt atteignent les niveaux que nous avons connus dans les années 80 et 90, mais cela ne se produira pas. »
La BCE est l’exception
Pour Iggo, contrairement à la banque centrale américaine et à la Banque d’Angleterre, la BCE reste très vague concernant l’avenir de sa politique de rachat. La Banque d’Angleterre a indiqué que le programme de rachat sera réduit si les taux d’intérêt augmentent. La BCE n’a pas donné d›‘orientation à long terme’, ajoute Iggo.
« Le PEPP (Pandemic Emergency Purchase Programme, Programme d’achat d’urgence face à la pandémie) prend fin en mars, mais il n’est pas certain que l’assouplissement quantitatif sera poursuivi. S’ils voulaient le faire par le biais de l’APP (Asset Purchase Programme, programme d’achat d’actifs), ils seraient confrontés à une transition réglementaire compliquée. Jusqu’à présent, la politique monétaire a été la réponse aux problèmes économiques de l’euro. Une autre option consiste à modifier les règles fiscales, mais des pays comme les Pays-Bas, l’Allemagne et la Finlande s’opposent fermement à l’abandon du pacte de stabilité et de croissance ainsi qu’à la poursuite de la hausse des déficits publics. Un important stimulant fiscal serait créé si tous les pays de la zone euro pouvaient augmenter leur déficit budgétaire d’un demi pourcent. Les obligations d’État sont là pour