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Presque toujours, les actions sont mises en avant comme la classe d’actifs par excellence pour les investisseurs. Selon les partisans des actions, le rendement offert compense toujours le risque pris. Cependant, Hendrik Bessembinder a examiné attentivement les performances des actions américaines et posé une question simple : quel est le pourcentage d’actions dont le rendement est supérieur à celui d’une obligation d’État américaine à court terme entre 1926 et 2016 ? Les conclusions de ce document sont pour le moins surprenantes.

Sur base mensuelle, moins de la moitié de toutes les actions américaines peuvent afficher une meilleure performance que le T-Bill américain (bon du Trésor à court terme). Sur 3 millions d’observations, seules 47,9 % de toutes les actions individuelles peuvent battre le taux d’intérêt sans risque, ce qui est beaucoup moins que ce à quoi on pourrait s’attendre si l’on en croit les analystes boursiers.

Sur base annuelle, le pourcentage augmente légèrement pour atteindre 51,6 %, mais se situe toujours autour de 50 %. Il ne s’agit donc pas non plus d’une preuve solide en faveur des actions individuelles. Ce qui, du moins pour moi, parle en défaveur du stock picking. 

Les investisseurs déclarent alors que « les actions sont quelque chose qu’il faut acheter à long terme ». Pourtant, si nous considérons une période de 10 ans, le pourcentage d’actions pouvant battre le taux sans risque tombe à 49,5 %. Par conséquent (comme pour la période mensuelle), nous aboutissons à des chiffres médiocres. Moins de la moitié des actions (individuelles) peuvent battre le rendement d’une simple obligation d’État. Ainsi, au niveau des actions, vous n’êtes pas rémunéré pour la prise de risques.

Si vous faites du stock picking et sélectionnez une action qui se voit par la suite retirée de la cote, les chances de battre un T-Bill (américain) diminuent considérablement. Sur l’ensemble de la période de l’étude, 6,80 % seulement de toutes les actions américaines individuelles (qui ont été retirées de la cote ultérieurement) peuvent battre les obligations d’État en termes de rendement. De très mauvais résultats, si vous voulez mon avis.
Cela signifie-t-il la fin des investissements en actions ? Bien sûr que non. La diversification est l’arme secrète. Bessembinder a également étudié cet aspect : 

Pour les portefeuilles de cinq actions :

  • Sur base annuelle : 64,33 % ont un rendement positif et 59,98 % battent le T-Bill.
  • Sur 10 ans : 83,60 % ont un rendement positif et 72,77 % battent le T-Bill.

Pour les portefeuilles de 25 actions :

  • Sur base annuelle : 70 % ont un rendement positif et 64,94 % battent le T-Bill.
  • Sur 10 ans : 95,96 % ont un rendement positif et 86,86 % battent le T-Bill.

Pour les portefeuilles de 50 actions :

  • Sur base annuelle : 71,21 % ont un rendement positif et 66,19 % battent le T-Bill.
  • Sur 10 ans : 98,38 % ont un rendement positif et 90,70 % battent le T-Bill.

Lorsque j’examine ces chiffres, j’en arrive à la même conclusion que ci-dessus : le stock picking est une activité qui, en moyenne, ne donne pas de très bons résultats. Moins il y a d’actions dans un portefeuille, moins il y a de chances que (I) vous affichiez un résultat positif (une différence de 16 % pour le pourcentage de portefeuilles, sur une période de 10 ans) et que (II) vous puissiez battre le taux d’intérêt sans risque.

Je suis donc heureux de soutenir le rôle de la diversification par le biais de cette chronique. Bien que chacun en reconnaisse l’utilité, les recherches d’Hendrik Bessembinder offrent quelques pistes intéressantes. La diversification - selon ses travaux - ne consiste pas tant à réduire le risque qu’à augmenter les chances d’obtenir des valeurs aberrantes positives dans le portefeuille. Entre 1926 et 2016, 10 % de la création totale de valeur sur le marché boursier américain venait de seulement cinq actions : Exxon Mobil, Apple, Microsoft, GE et IBM. Les belles performances du marché boursier proviennent donc d’un nombre très limité d’actions. Autrement dit, la diversification augmente les chances d’avoir une de ces actions en portefeuille : il ne s’agit donc pas seulement de réduire le risque, mais aussi d’augmenter le rendement.

Les États-Unis sont-ils une exception ? Certainement pas. Entre 1990 et 2018, seulement 55 % de toutes les actions belges ont pu battre le taux sans risque belge (sur base mensuelle). Tous les autres chiffres de notre pays sont également en ligne avec ceux de leurs équivalents américains. Ce qui change complètement la donne, c’est la création de valeur : plus de 30 % de la création de valeur totale à la bourse de Bruxelles provient d’une seule entreprise, AB Inbev. Si l’on prend les cinq actions qui ont créé le plus de valeur (entre 1990 et 2018), à savoir AB Inbev, KBC, Colruyt, GBL et UCB, cela correspond à plus de 50 % de la valeur créée sur notre marché boursier. La diversification ne consiste donc pas seulement à réduire le risque, mais aussi à augmenter les chances d’avoir un de ces champions en portefeuille. C’est, du moins à mon avis, la grande leçon à tirer des travaux de Bessembinder. La diversification a deux rôles importants à jouer dans la construction d’un portefeuille : le risque et le rendement. Dans Corporate Finance 101, c’est principalement le rôle du risque qui est mis en avant, ce qui ne semble constituer qu’un côté de la médaille.

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