Depuis près de dix ans, les petites capitalisations sont à la traîne du marché dans son ensemble. Avec la sous-performance de cette année, la prime aux petites capitalisations, décrite pour la première fois par Ralf Banz en 1981, a bel et bien disparu. Les petites capitalisations présentent un risque accru sans offrir de rendement supplémentaire.
À la fin de l’année dernière, je soutenais qu’il n’y aurait pas de rebond pour les petites capitalisations cette année non plus. À l’issue des quatre premiers mois de 2024, elles accusent un retard de pas moins de 5 %. Du fait de leurs faibles valorisations et du redressement de l’économie mondiale, les petites capitalisations sont à nouveau abondamment conseillées, mais voici dix raisons de ne pas y investir pour le moment :
1. 1. Le capital-investissement a transformé l’univers des petites capitalisations
Les entreprises prometteuses à croissance rapide ne sont plus introduites en Bourse, mais sont désormais financées par le capital-investissement. Si une cotation offrait autrefois des avantages, aujourd’hui, elle présente surtout des inconvénients. Les règles de cotation sont beaucoup plus strictes, à tel point que la direction d’une entreprise cotée peut se retrouver en prison en cas de contrôle insuffisant. La cotation est coûteuse en raison des nombreuses règles, y compris les obligations étendues en matière de reporting. De plus, les processus de changement ne sont pas faciles à mettre en œuvre en raison des intérêts de toutes les parties prenantes. En revanche, avec le capital-investissement, la mise en œuvre d’un processus de changement ne pose aucun problème pour l’actionnaire (propriétaire).
2. Les petites capitalisations ne figurent pas dans la plupart des investissements indiciels
Bien sûr, il existe des indices incluant des petites capitalisations, mais ces dernières sont peu ou pas représentées dans les indices les plus couramment utilisés. Chez MSCI, les investisseurs doivent vraiment se tourner vers l’Investable Market Index (IMI) pour intégrer des petites capitalisations, mais pour les promoteurs d’ETF, la faible liquidité de ces dernières représente un véritable casse-tête, surtout s’ils cherchent à réaliser un ETF à réplication intégrale. En revanche, les Sept Magnifiques sont incluses dans tous les indices, d’où leur hausse de 25 % cette année, contre seulement 5 % pour les petites capitalisations mondiales.
3. Certaines petites capitalisations étaient auparavant des grandes capitalisations
Le cours de ces dernières ayant implosé, elles ont vu leur capitalisation rétrécir. Généralement, cela signifie qu’elles ne génèrent pas suffisamment de flux de trésorerie pour satisfaire les pourvoyeurs de capitaux. Grâce aux taux d’intérêt extrêmement bas, beaucoup de ces entreprises ont pu survivre jusqu’à présent. Elles peuvent encore tenir le coup un certain temps, car elles se sont financées sur une période relativement longue. Cependant, dès qu’elles doivent payer des intérêts conformes au marché, elles sont menacées. Il s’agit d’entreprises dans lesquelles les détenteurs d’obligations ont généralement le dernier mot, les actions n’étant rien de plus qu’une option sur une issue favorable.
4. Les petites capitalisations ne font généralement pas partie d’un oligopole, et encore moins d’un monopole
Elles opèrent sur un marché libre – pour autant que ce terme ait encore du sens. Dans un oligopole, et a fortiori dans un monopole, les petites capitalisations sont rapidement désavantagées. Ces dernières années, le nombre d’oligopoles et de monopoles a fortement augmenté, en partie à cause d’innovations disruptives, mais aussi parce que cette évolution semble particulièrement difficile à contrer.
5.Les informations sur les petites capitalisations manquent
En raison de diverses réglementations, notamment la directive MiFID II, il n’est plus rentable, pour de nombreuses institutions financières, de faire appel à des analystes pour suivre les petites capitalisations de manière détaillée. Autrefois, les institutions financières généraient des revenus principalement grâce aux fusions et acquisitions d’entreprises, mais les règles étant devenues plus strictes, le suivi des petites capitalisations n’entre plus dans le modèle de revenus des institutions financières. Il en résulte une valorisation plus faible, due à un manque d’information et une moindre visibilité.
6. La dette des petites capitalisations est en grande partie financée de manière variable
Cela s’explique par le fait qu’elles n’ont pas, ou peu, accès aux marchés des capitaux. Les grandes capitalisations, en revanche, y ont accès et bénéficient donc de taux d’intérêt plus bas, et sont également moins sensibles aux fluctuations des taux d’intérêt. Il est certain qu’après la récente hausse brutale des taux d’intérêt, de nombreuses petites capitalisations doivent faire une pause dans leur financement.
7. Les petites capitalisations sont souvent la cible de fusions
Les fusions et acquisitions sont en principe bénéfiques pour les petites capitalisations, mais la prime autrefois évidente a désormais disparu. De nombreuses grandes entreprises technologiques et des investisseurs en capital-investissement acquièrent des petites capitalisations prometteuses dès les premiers stades, sans devoir payer une forte prime.
8. La qualité de la direction des petites capitalisations laisse souvent à désirer
De même, il existe souvent une grande différence entre la qualité de la gestion des petites capitalisations et celle des grandes capitalisations, ce qui peut rapidement poser problème pour une entreprise opérant à l’échelle mondiale. En raison du manque de connaissances internes, il est souvent nécessaire de faire appel à des spécialistes externes coûteux, ce qui réduit également les rendements. Dans le secteur du capital-investissement, en revanche, la rémunération est conçue pour attirer les meilleurs talents.
9. Les petites capitalisations souffrent d’un retard d’information
De plus en plus souvent, les informations utiles sont placées derrière des paywalls. Si les grandes entreprises peuvent facilement se permettre ces informations, celles-ci restent souvent hors de portée pour de nombreuses petites entreprises. En plus du défi que représente l’acquisition de ces informations, la quantité d’informations et leur interprétation posent également problème, ce qui limite les possibilités en matière de recherche et développement.
10. Sur le marché, les petites capitalisations sont perçues comme plus risquées que les grandes
Il s’agit d’investissements moins stables, ce qui peut notamment inciter les investisseurs institutionnels à se désengager. Ces titres deviennent ensuite le « jouet » des investisseurs particuliers, ce qui n’améliore pas la situation. Le ralentissement économique ou les innovations disruptives affectent également les petites capitalisations beaucoup plus durement que les grandes, qui disposent souvent de réserves plus importantes et, en tout état de cause, d’un accès plus aisé au capital.
Conclusion
Bien entendu, cela ne signifie pas qu’il est impossible d’imaginer un scénario dans lequel les petites capitalisations peuvent battre le marché boursier, mais le paysage est aujourd’hui différent de ce qu’il était autrefois pour l’investisseur en petites capitalisations. De plus, tous ces facteurs se renforcent mutuellement. Bien que les petites capitalisations soient longtemps restées à la traîne du marché et que leurs valorisations se soient nettement détériorées, il n’y a pas suffisamment d’arguments justifiant pleinement un investissement dans les petites capitalisations à l’heure actuelle.
Han Dieperink iest directeur de la stratégie d’investissement chez Auréus Vermogensbeheer. Il a auparavant été directeur des investissements chez Rabobank et Schretlen & Co.