Faire l’impasse sur les actions européennes et la quasi-totalité des obligations : voici la recette permettant d’éviter les revers du portefeuille l’an prochain, selon les grandes sociétés de fonds.
Spreads extrêmement faibles des obligations d’entreprises, creusement des déficits budgétaires, perspectives de croissance en berne et entraves au commerce international : le cru 2025 s’annonce peu réjouissant sur les marchés obligataires, selon les résultats d’une mini-enquête menée par Investment Officer auprès des grandes sociétés de gestion internationales, dans laquelle nous demandions notamment quelle catégorie de placement les investisseurs feraient mieux d’éviter en 2025. Deux grands segments se dégagent : les obligations sous toutes leurs formes et les actions européennes.
« Le problème » européen a déjà été largement débattu et cela ne joue pas en la faveur du Vieux Continent, suggère Altaf Kassam, responsable de la stratégie d’investissement pour la région EMOA chez State Street Global Advisors. Car chaque fois que l’on insiste sur les faiblesses d’un marché, la confiance diminue. Or, dans l’économie, les investissements sont toujours motivés par la confiance. Rien de bien étonnant, donc, à ce que l’Europe bénéficie de moins d’investissements (en particulier par rapport aux États-Unis) : cela s’explique notamment par les perspectives de croissance de la région, qui semblent se dégrader continuellement. La consommation atone et la demande intérieure décevante viennent encore assombrir le tableau.
Vincent Juvyns, stratège de marché chez J.P. Morgan Asset Management, souligne quant à lui la difficulté à mener des réformes (budgétaires, notamment). Ces dernières restent limitées car elles doivent s’accompagner d’investissements importants dans l’énergie et la défense. Par ailleurs, elles sont source d’agitation sur le plan social, comme en témoigne le cas français. Tous ces facteurs ont des répercussions profondes pour l’activité économique, inférieure aux attentes, et donc les anticipations bénéficiaires.
Déficits publics
Les perspectives des actions européennes sont donc loin d’être extraordinaires, et il en va de même pour les obligations européennes, emprunts souverains en tête. Roelof Salomons, responsable de la stratégie d’investissement chez BlackRock Nederland, estime qu’il serait exagéré de rester totalement à l’écart des obligations, mais constate que la normalisation des taux « n’est pas encore achevée » et qu’il convient donc de faire preuve d’une certaine prudence. Columbia Threadneedle, par le truchement de son CIO William Davies, adopte une position plus tranchée : selon lui, il faut éviter la dette souveraine, et pas seulement européenne. « Les déficits publics n’inquiètent guère jusqu’à ce qu’ils deviennent inquiétants, et c’est désormais le cas », affirme-t-il. En effet, un déficit budgétaire de 5 à 6 %, tel que celui qu’affichent les États-Unis, le Royaume-Uni, le Japon et de nombreux autres pays européens, sont peut-être acceptables lorsque les taux sont bas, mais qu’en est-il si ces derniers repartent à la hausse ? « La capacité à financer les déficits devient alors problématique. Lorsque les opérateurs réalisent cela, tous les marchés sont ébranlés. »
Outre les emprunts d’État des pays développés, d’autres catégories sont boudées par les sociétés de fonds dans leurs perspectives pour 2025. Chez Aegon Asset Management, Jacob Vijverberg affirme avoir une opinion « moins positive » de la dette des marchés émergents. Les spreads sont faibles, mais les économies émergentes vont beaucoup souffrir si les restrictions du commerce international se durcissent. Le ralentissement de la croissance chinoise n’aide pas non plus. Pour Goldman Sachs Asset Management, les évolutions hasardeuses dans l’empire du Milieu justifient aussi d’ « éviter » les actions des marchés émergents.
Des spreads minuscules
Enfin, de nombreuses sociétés de gestion estiment « qu’il vaut mieux rester à l’écart » des obligations d’entreprises américaines, surtout dans la catégorie investment grade. L’argument le plus avancé est celui des spreads minuscules : la prime de risque ne compense plus de manière adéquate le risque effectif toujours associé aux emprunts des entreprises. Chris Teschmacher (Legal & General Investment Management) précise que les spreads n’avaient jamais été aussi faibles depuis 25 ans, malgré la multiplication de signes pointant vers une hausse du risque de défaillance, surtout. Pour autant, il ne recommande pas d’investir dans le haut rendement, un avis que rejoint Triodos Investment Management : « l’année 2025 devrait être agitée et très incertaine », affirment ses stratèges Joeri de Wilde et Maritza Cabezas.