Une victoire à l’arrachée de Kamala Harris aux élections américaines pourrait engendrer des turbulences en Bourse. Donald Trump ne semble pas prêt à s’avouer vaincu, et sa résistance pourrait perturber le rebond en cours. Et ce ne serait pas la première fois.
Les maisons de fonds semblent parées à tous les scénarios possibles, sauf un : et si Donald Trump contestait son échec ? Selon certains investisseurs, le risque de corrections du marché est de plus en plus important, surtout si les résultats se révèlent aussi serrés que le laissent présager les sondages. Compte tenu des tentatives précédentes de Donald Trump, qui avait contesté son échec face au président Joe Biden en 2020, une victoire de justesse pourrait, cette année encore, susciter des controverses.
« Ce scénario est l’un des plus négligés, et il posera davantage de problèmes que la fois précédente », affirme Corné van Zeijl, stratège chez Cardano. Pour lui, une victoire modeste des démocrates rendra les investisseurs plus nerveux que le triomphe Donald Trump.
Donald Trump semble vouloir éviter coûte que coûte que Kamala Harris ne puisse mettre dans sa poche 270 grands électeurs. La décision pourrait alors être transférée aux mains de la Chambre des représentants, où une majorité républicaine le déclarerait potentiellement vainqueur. « Ils se préparent à tricher ! » écrivait encore fin septembre l’ancien président sur Truth Social, son propre réseau social.
Les marchés escomptent un balayage rouge
Depuis début octobre, les marchés financiers sont toujours plus convaincus que Donald Trump va non seulement remporter les élections présidentielles le 5 novembre, mais que la parti républicain s’emparera également des deux chambres du Congrès : un scénario qualifié de balayage rouge (red sweep).
Cet espoir qu’un nouveau gouvernement Trump aura ainsi le champ libre pour instaurer des mesures inflationnistes et axées sur la croissance – réductions d’impôt, augmentation des dépenses publiques, déréglementation… – a entraîné une hausse des actions américaines comme du dollar, mais aussi du taux des bons du Trésor américain.
Le prochain président aura besoin de 270 grands électeurs
Source : 270towin.com, sur la base des prévisions du consensus.
Les marchés pourraient cependant réagir plus violemment si les résultats ne débouchaient pas sur une victoire républicaine, ce que les sondages estiment plus plausible que ne semblent le penser les investisseurs.
« Chaque information qui déplaira à Donald Trump entraînera des recomptages », avertit Michael Purves, CEO de Tallbacken Capital Advisors. Il redoute une vague d’actions en justice si les incertitudes persistent.
Pour l’heure, les sondages du site Fivethirtyeight.com donnent à la vice-présidente Kamala Harris une avance d’environ un point de pourcentage dans le vote populaire, c’est-à-dire le nombre de suffrages exprimés au niveau national.
Le site de paris ElectionBettingOdds.com, qui recueille et présente les opportunités de pari sur les campagnes politiques américaines, estime au contraire que Donald Trump a 63 % de chances de l’emporter.
Des valeurs refuges pour des résultats incertains
« Pour les investisseurs, il ne s’agit pas tant des résultats électoraux en soi, mais plutôt des risques au lendemain des élections, alors qu’une grande partie de la population pourrait considérer les résultats comme non valides », précise Michael Purves. Un résultat particulièrement serré entraînera un contrôle intensif du comptage des voix et les voix tardives ou comptées manuellement, en particulier, seront véritablement scrutées.
« Pour les investisseurs, il ne s’agit pas tant des résultats électoraux en soi, mais plutôt des risques au lendemain des élections. »
Michael Purves, Tallbacken Capital Advisors
Dans une telle situation, les investisseurs chercheront refuge dans des actifs sûrs. Pour Michael Purves, c’est l’or qui offre la meilleure protection contre des incertitudes prolongées, en particulier maintenant que les États-Unis « commencent, de plus en plus, à ressembler à un marché émergent ». Les bons du Trésor américain restent également, pour de nombreux investisseurs, la valeur refuge par excellence.
Déjà vu
La situation actuelle n’est pas sans rappeler les élections de 2000. À l’époque, la longue incertitude quant au résultat de George W. Bush et d’Al Gore avait fortement fait reculer le marché boursier. Les partisans de campagne d’Al Gore avaient contesté les résultats en Floride, entraînant une longue bataille juridique et les élections les plus controversées de l’histoire américaine récente.
Du jour de l’élection au moment où Al Gore a jeté l’éponge, le S&P 500 a perdu 5 %. En novembre et décembre 2000, l’indice a baissé de 7,6 % au total.
Michael Purves s’attend à ce que les investisseurs perdent rapidement patience cette fois encore. « Ils deviendront nerveux au bout de quelques jours, et si la situation commence à prendre un tournant inquiétant, ils ne voudront conserver aucun actif à risque », met-il en garde.
Pour les investisseurs qui ont d’ores et déjà réalisé 30 % ou plus de bénéfices cette année, il peut être tentant de mettre ces bénéfices en sécurité si les incertitudes entourant les élections se prolongent, selon le CEO de Tallbacken Capital Advisors.
Un marché obligataire tendu
Une période de turbulences menace également les investisseurs obligataires. L’indice Move, équivalent obligataire du VIX, s’établit à 128 points, et les prix des options laissent présager une fluctuation d’environ 18 points de base pour le taux des bons du Trésor américain, sur différentes durations, tout de suite après les élections. Pour le reste du mois, on attend un mouvement quotidien moyen de 6 points de base.
Un nouveau pic de volatilité du marché obligataire
La victoire inattendue de Donald Trump sur Hillary Clinton en novembre 2016 avait à l’époque entraîné une fluctuation de 37 points de base du taux américain à dix ans, soit le mouvement le plus important en plus d’une décennie. Avant les élections de 2016 et 2020, l’indice Move avoisinait les 60 points, tandis qu’il atteint 128 aujourd’hui.
5 novembre : jour des élections
11 décembre : délai d’approbation des grands électeurs, par État
17 décembre : vote des grands électeurs, par État
20 décembre : fin du plan de financement temporaire du budget américain
25 décembre : Washington DC reçoit les voix des grands électeurs
2 janvier : rétablissement du plafond de la dette américaine
3 janvier : le 119e Congrès se réunit pour la première fois
6 janvier : le Congrès compte les voix des grands électeurs sous la supervision de la vice‑présidente
20 janvier : investiture du nouveau 47e président des États-Unis
Source : Archives nationales US, UBS.
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