Les actions chinoises ont suscité un intérêt croissant, notamment chez les investisseurs ciblant les marchés émergents. Toutefois, des doutes pointent de plus en plus sur la pertinence d’un investissement dans l’empire du Milieu, ce qui a bridé l’avancée des actions chinoises ; la prudence semble désormais de mise. Des produits excluant spécifiquement le pays apparaissent même sur le marché, et certains gérants actifs optent délibérément pour une forte sous-pondération de la Chine dans leur portefeuille.
Depuis une vingtaine d’années, les investisseurs, et surtout ceux ciblant les marchés émergents, s’intéressent de plus en plus à la Chine. La pondération des actions de l’empire du Milieu dans le MSCI Emerging Markets, quasi nulle il y a vingt ans, a bondi à près de 20 % il y a dix ans, pour atteindre près de 30 % aujourd’hui. Pour les investisseurs dans les marchés émergents, il est donc de plus en plus difficile de faire l’impasse sur la Chine.
Prudence
Si les fonds de la catégorie Morningstar des actions des marchés émergents ont en moyenne une allocation à la Chine équivalente à celle du MSCI Emerging Markets, une certaine prudence semble de plus en plus s’imposer. Nombre d’investisseurs optent ainsi pour une forte sous-exposition aux titres chinois. D’autre part, certains fonds investissent dans les marchés émergents, mais excluent explicitement la Chine ; ces fonds, tant actifs que passifs, ont pour caractéristique commune d’être assez récents : leur lancement remonte à 2022 ou 2023. Citons par exemple, parmi les fonds indiciels, l’ETF iShares MSCI EM ex China, l’ETF Lyxor MSCI Emerging Markets Ex China ou, en ce qui concerne les fonds à gestion active, les fonds Comgest Growth EM ex China, Fidelity Sustainable EM Ex China et Invesco Emerging Markets Ex China.
Cette attitude circonspecte s’explique par un grand nombre de facteurs. Le premier, et sans doute l’un des plus importants, est que la Chine en a fini avec la belle trajectoire de croissance de jadis ; son ralentissement conjoncturel s’est véritablement confirmé depuis la pandémie. En effet, après l’assouplissement des restrictions sanitaires, le pays a connu un redressement poussif. Parallèlement, il subit actuellement les conséquences d’une stratégie économique qui reposait traditionnellement sur l’immobilier, un fort endettement local et des entreprises publiques peu efficaces. Or, les grands promoteurs immobiliers tels que Country Garden et Evergrande se sont retrouvés plongés dans la tourmente. Les tensions géopolitiques jouent également un rôle, et notamment la position toujours controversée de Taïwan et la volonté de Pékin d’accroître son influence dans la mer de Chine méridionale (dont même le nom est contesté).
Sous-performance
Tous ces facteurs ont voilé l’enthousiasme des investisseurs, et donc bridé les performances des actions chinoises. Depuis trois ans, le MSCI China reste chaque année dans l’ombre du MSCI Emerging Markets, avec une perte supérieure à 10 %. En 2021, l’indice phare de la Bourse chinoise a ainsi perdu 15,78 %, alors que l’indice des marchés émergents progressait de près de 5 %. L’année qui a suivi a encore été un mauvais cru pour les marchés d’actions, aux quatre coins du monde. Les actions chinoises ont abandonné près de 17 % en moyenne, tandis que les actions des marchés émergents cédaient près de 15 %. Cette année aussi, la déception était au rendez-vous : entre début janvier et fin novembre, les titres chinois ont cédé 11 %, tandis que les marchés émergents parvenaient à s’inscrire légèrement dans le vert, avec une avancée de 3 %.
Le top 5
Le top 5 de cette semaine reprend les cinq fonds de la catégorie Morningstar des actions des marchés émergents les moins exposés aux actions chinoises. Seuls ont été sélectionnés les fonds dont les données de portefeuille disponibles chez Morningstar ne sont pas antérieures à trois mois. Les fonds dont le mandat exclut les actions chinoises n’ont pas été pris en compte.
La deuxième place revient au fonds Stewart Investors Global Emerging Markets Sustainability, dont la catégorie sans frais de distribution est assortie d’une notation Morningstar Medalist Rating Silver. Il est géré par Jack Nelson et Sujaya Desai. Très expérimenté, le premier était le gérant principal du fonds jusqu’à mai 2023, date à laquelle Sujaya Desai a repris la barre. Sa moindre expérience n’a pas affecté notre conviction, puisque Jack Nelson est resté impliqué dans le fonds. Le soutien sur lequel il peut compter de la part des 13 membres de l’équipe dont il fait partie contribue aussi à la notation positive du fonds. Le processus bottom-up vise à identifier les entreprises de qualité, capables de générer une croissance durable et prévisible grâce à leur pouvoir de fixation des prix et à leur notoriété. L’Asie est légèrement surpondérée, avec une part de 53 % contre 49 % dans le MSCI Emerging Markets, mais les actions chinoises n’occupent qu’une place marginale en portefeuille : ensemble, les neuf positions (les plus importantes étant Hangzhou Robam Appliances, Yifeng Pharmacy Chain et Shenzhen Inovance Technology) pèsent moins de 8 %. Les gérants sont bien plus optimistes vis-à-vis de l’Inde, qui représente 43 % de l’allocation ; le sous-continent est donc largement surpondéré, puisqu’il n’occupe qu’une part de 15 % dans l’indice de référence. HDFC Bank, Mahindra & Mahindra et Tube Investments of India sont les trois plus importantes positions du portefeuille, et aussi celles enregistrant la meilleure performance.
Ronald van Genderen est Senior Manager Research Analyst chez Morningstar. Morningstar analyse et évalue les fonds d’investissement sur la base d’études quantitatives et qualitatives. Partenaire d’Investment Officer, Morningstar propose chaque semaine un classement des cinq meilleurs fonds ou prestataires d’un secteur ou thème donné.