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Les fonds de continuation sont sous le feu des critiques pour leur enrichissement personnel présumé et leurs évaluations exagérées. Cependant, les spécialistes du capital-investissement voient les choses de manière plus nuancée.

Conçus à l’origine comme un outil de niche permettant de prolonger la période de détention des investissements, les fonds de continuation font désormais partie intégrante de la panoplie des partenaires généraux (GP) dans le domaine du capital-investissement. Cependant, les critiques à l’égard de ces fonds se multiplient. L’investisseur milliardaire égyptien Nassef Sawiris les a récemment qualifiés de « plus grande escroquerie de tous les temps », tandis que d’autres les ont comparés à des « systèmes de Ponzi ». Le cœur de l’accusation : les GP se vendent des actifs à eux-mêmes à des prix gonflés pour éviter l’épreuve du marché libre.

Cependant, le jugement des conseillers professionnels opérant entre les commanditaires (participants aux fonds, LP) et les GP n’est pas aussi tranché. Costas Constantinou, associé chez Oaklins Netherlands, et Romain Bégramian, directeur général de GP-Score, une société qui évalue la création de valeur opérationnelle des fonds de capital-investissement, sont deux experts qui analysent régulièrement de telles transactions. Ils reconnaissent qu’il existe des risques, mais rejettent les condamnations générales, jugées trop simplistes.

Pas nécessairement mauvais

« Les fonds de continuation ne sont pas intrinsèquement mauvais », explique M. Constantinou, qui dirige l’équipe de conseil en évaluation d’Oaklins, à Investment Officer. « Mais ils exigent un haut degré de transparence et d’honnêteté, ce qui n’est pas toujours le cas. »

Alors que le secteur du capital-investissement arrive à maturité et que les levées de fonds deviennent plus laborieuses, les fonds de continuation sont de plus en plus utilisés pour transférer des actifs obsolètes. Cette structure permet aux GP de créer des liquidités tout en continuant à détenir les entreprises qui, selon eux, ont encore un potentiel de croissance. Les détracteurs de ces accords estiment qu’ils créent des incitations perverses, en particulier lorsqu’il n’y a pas d’acheteur véritablement indépendant pour fixer le prix.

« La valorisation est toujours une fourchette », selon M. Constantinou. « Vous pouvez vous retrouver avec 70 ou 100, et les deux peuvent être techniquement défendables. Mais lorsque vous rachetez d’anciens LP et que vous attirez de nouveaux investisseurs, ce prix a des implications importantes. Vous devez être en mesure de l’étayer très solidement. »

Selon M. Constantinou, il est arrivé qu’Oaklins perde une mission d’attestation d’équité parce que l’équipe avait trop creusé. « Si quelque chose ne va pas, nous n’hésitons pas à le dire. Mais cela ne plaît pas à tout le monde. »

Le TRI ne dit pas le pourquoi du comment

Alors que M. Constantinou se concentre sur l’équité du prix, Romain Begramian examine si l’histoire opérationnelle du GP tient la route. Son agence, GP-Score, ne tient pas compte de paramètres tels que le taux de rendement interne (TRI) ou les multiples de rendement. Elle vérifie plutôt dans quelle mesure le GP met effectivement en œuvre sa stratégie de création de valeur.

Du point de vue du LP, ce n’est pas seulement le prix qui pose problème, mais surtout l’opacité. « La plupart des LP n’ont ni le temps ni les ressources nécessaires pour analyser en profondeur le pouvoir opérationnel de chaque GP », selon M. Bégramian.

« Le TRI ne vous dit pas le pourquoi du comment », dit-il. « Nous évaluons les gestionnaires en fonction de leurs plans de création de valeur, de leur exécution et de leur suivi. Nous demandons des plans post-acquisition, des tableaux de bord internes et des preuves solides. Nous parlons même aux sociétés du portefeuille. La plupart des affirmations des GP ne sont tout simplement pas documentées. »

Selon M. Bégramian, les fonds de continuation catalysent une discussion nécessaire sur la responsabilité. « Ils obligent les GP à expliquer la valeur qu’ils ont créée et ce qu’ils prévoient de faire ensuite. C’est à ce moment-là que les gestionnaires faibles sont exposés. »

La supervision en Europe reste à la traîne

Les deux experts s’accordent à dire que le rapport de force entre les GP et les LP est faussé. Les GP fixent souvent les conditions, commandent des attestations d’équité et fournissent les informations sur lesquelles les LP doivent fonder leur jugement.

« C’est un problème majeur si le même conseiller qui vérifie les comptes ou fournit des conseils fiscaux rédige également l’attestation d’équité », prévient M. Constantinou. « Vous avez alors la pression pour rester indulgent. Dans un monde idéal, c’est le comité d’investissement ou le conseil de surveillance qui donne l’ordre, et non le GP lui-même. »

Cependant, la supervision reste divisée. Au Royaume-Uni, la Financial Conduct Authority a exprimé des inquiétudes plus larges concernant les pratiques de valorisation des actifs illiquides. La SEC américaine est allée plus loin et a introduit des règles obligeant les GP à obtenir des attestations d’équité dans les opérations de continuation et à mieux faire ressortir les conflits d’intérêts.

En Europe continentale, cependant, le contrôle reste limité. « L’Europe ne réagit généralement que lorsqu’il y a un scandale dans la presse », déclare M. Constantinou.

S’autocontrôler

La croissance du marché des fonds de continuation s’accompagne de la nécessité d’établir des normes claires. M. Bégramian plaide en faveur d’un système de notation à l’échelle du secteur qui permettrait aux LP de comparer objectivement les gestionnaires. M. Constantinou demande des procédures plus strictes en matière d’attestations d’équité.

« Ce type d’accord peut fonctionner », explique M. Constantinou, « mais l’intégrité du processus doit alors être rigoureusement respectée. Lorsque vous vendez une entreprise d’un fonds à un autre au sein de votre propre gestion, vous devez vous assurer que vous ne transmettez pas simplement le problème. »

Le message des deux spécialistes est clair : le problème ne réside pas dans la construction des fonds de continuation eux-mêmes, mais dans l’absence de contrôle crédible et indépendant au sein d’un système dans lequel les GP sont trop souvent autorisés à s’autocontrôler.

« Vous pouvez tromper les investisseurs une fois, voire deux », conclut M. Constantinou, « mais si le prix s’avère insoutenable et que la société sous-jacente n’est pas performante, cela se remarque. Et la prochaine fois, ils ne vous donneront pas de chèque. S’il s’agissait vraiment d’un système de Ponzi, les investisseurs ne seraient certainement pas aussi enthousiastes. »

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