« Nous avons connu les moments les plus propices. La politique procyclique et keynésienne de Donald Trump sera source de problèmes en 2019. »
Ce sont les propos qu’a tenu le stratège en chef de KBL European Private Bankers, Frank Vranken, dans un entretien avec Investment Officer. Frank Vranken travaille depuis le bureau bruxellois de Puilaetco Dewaay, la banque privée la plus ancienne au sein du groupe luxembourgeois qui, avec une gestion de portefeuille de près de 15 milliards, occupe la seconde place des sociétés de gestion d’actifs.
Une poire pour la soif ?
Aujourd’hui, en termes d’actions, le groupe adopte encore une position neutre, avec pour seule surpondération le Japon. Mais Frank Vranken envisage l’avenir, surtout pour les États-Unis, sous un jour bien moins radieux.
« Depuis le pic du mois de septembre, les marchés boursiers ont chuté de près de 5 %. Rien de surprenant à cela. La traditionnelle poire pour la soif semble un concept étrange aux yeux du président américain Donal Trump ; il a complètement laissé aller les finances publiques à la dérive. Comme les dépenses ne sont pas en phase avec les réductions d’impôt, il a fait face à un déficit budgétaire de près de 5,5 % du PIB. Si l’on ajoute à cela le déficit sur la balance des opérations courantes, on en arrive à près de 7 à 8 %. S’il ne s’agissait pas des États-Unis, nous parlerions de désastre. »
En raison de la tension commerciale entre les États-Unis et la Chine et du doute qui s’installe chez les investisseurs sur le fait de savoir si la FED va poursuivre sa politique de taux actuelle, 2019 et 2020 promettent selon le stratège « des temps captivants ». C’est surtout l’évolution de la croissance chinoise que les investisseurs doivent garder en ligne de mire, insiste-t-il.
« Un taux d’imposition de 25 % sur les produits d’exportation chinois est susceptible de faire chuter la croissance chinoise d’un point de pourcentage complet. La question est de savoir si le pays est en mesure de stimuler la demande intérieure et c’est un défi de taille. Pour couronner le tout, les tensions commerciales commencent à consumer la confiance des producteurs. À terme, cela va inéluctablement se solder par une baisse des investissements. »
Une victoire perverse
Il est frappant de constater que les États-Unis semblent encore rester les grands vainqueurs sur la scène internationale. La politique de Donald Trump semble encore apporter provisoirement de l’eau au moulin des investisseurs. Mais, prévient Frank Vranken, celui qui reste fixé sur la seule politique du président américain, néglige des signaux importants du marché.
« Le fait que les États-Unis dépendent moins des exportations, a pour effet suffisamment pervers qu’ils semblent remporter le titre de meneur du moment. En outre, les bourses américaines bénéficient encore d’une quantité affolante d’achat d’actions. Mais cette situation ne durera pas éternellement. Si l’on ajoute la tension inflationniste à la hausse, on peut très certainement s’attendre à ce que 2019 soit une année charnière. »
« La question n’est pas de savoir si j’ai raison mais quand j’aurai raison », ajoute encore Frank Vranken. « En tant que stratège, il ne faut jamais vouloir obtenir gain de cause trop tôt. Exception faite du Japon, le momentum reste encore du côté des États-Unis. À présent, il suffit d’attendre les premiers grands avertissements sur profit. Nous allons encore vivre des moments palpitants mais pour l’heure, le scénario le plus vraisemblable est que nous allons progressivement réduire nos positions, petit à petit. »