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Dans le paysage mondial des investissements, le marché boursier européen est de plus en plus perçu comme un secteur éclipsé, ignoré et mal aimé.

Lors de la présentation des perspectives d’Amundi, Vincent Mortier, Group Chief Investment Officer, a affirmé sans ambages que l’Europe, à l’instar de la Chine, [était] devenue une sorte de cas d’investissement oublié, mal-aimé : « Nous constatons peu d’intérêt de la part des investisseurs non européens ou établis dans la zone euro ».

À Francfort, Vincenzo Vedda, Global CIO chez DWS, partageait le même constat un peu plus tôt dans la matinée : « Avec ce qui se passe aux États-Unis, la quasi-totalité des capitaux mondiaux semblent aspirés vers les États-Unis. Compte tenu de toutes les incertitudes, il n’est pas judicieux de surpondérer les actions européennes actuellement. »

Malgré cette perte d’attractivité, les deux gestionnaires d’actifs restent prudents avant de tirer un trait définitif sur l’Europe. Amundi met en avant deux catalyseurs potentiels en 2025, tandis que DWS souligne l’importance d’un redressement économique planétaire.

Un reset budgétaire en Allemagne ?

Le premier événement majeur à surveiller sera la tenue des élections fédérales allemandes, prévue en février, suivie de la formation d’un éventuel nouveau gouvernement en avril.

« L’Allemagne pourrait revoir son agenda de croissance, s’accorder sur des dépenses supplémentaires et assouplir son cadre budgétaire. Cela pourrait changer la donne, car l’Allemagne est actuellement en stagnation », a déclaré Vincent Mortier lors de la présentation des perspectives d’investissement  d’Amundi pour 2025.

Une réorientation de la politique budgétaire allemande pourrait non seulement transformer l’économie nationale, mais aussi renforcer l’attractivité de l’Europe aux yeux des investisseurs. « Si l’Allemagne change de cap, cela pourrait avoir un effet considérable pour l’Europe dans son ensemble », a ajouté le CIO du groupe.

Le second catalyseur potentiel est la paix en Ukraine. Bien que celle-ci n’est pas attendue demain, son impact pourrait être considérable. « Nous n’y sommes pas encore, mais il serait prématuré d’abandonner l’Europe maintenant », observe Vincent Mortier, en faisant référence aux obligations d’État européennes.

La force stabilisatrice des obligations

Face aux turbulences sur les marchés des actions, le marché obligataire européen offre une certaine stabilité. Vincent Mortier, célèbre pour le cri Bonds are back lancé en 2022, a souligné l’attrait des taux d’intérêt réels positifs. « Pendant des années, les taux d’intérêt réels ont été très négatifs – une forme de taxation de l’épargne. Mais cela a changé », affirme-t-il. « Même les obligations les plus sûres couvrent désormais plus que l’inflation. L’argumentaire en faveur des titres à revenu fixe est de nouveau intact : facile à vendre, donc. »

Vincent Mortier observe une forte demande intérieure pour les obligations en Europe : « Les Italiens achètent des BTP, les Espagnols des Bonos et les Français des OAT, mais il y a aussi une demande transfrontalière. » Il avertit cependant ces investisseurs qu’il serait irréaliste d’espérer des rendements très élevés. Pour cela, il faudrait se tourner vers les actions ou d’autres classes d’actifs.

Le rôle des obligations évolue également au sein des portefeuilles. Monica Defend, responsable de la recherche chez Amundi, note : « L’année prochaine, les obligations, y compris libellées en euros et périphériques, resteront importantes, non seulement pour leur rendement, mais également comme outils de diversification. Leur fonction au sein de l’allocation d’actifs est en train de changer. »

Actions : cyclicité et décote

Malgré une décote significative par rapport au S&P 500, les marchés actions européens peinent encore à susciter l’intérêt. « L’Europe affiche une décote de 45 % par rapport au S&P », estime Vincenzo Vedda, qui y voit une « opportunité majeure ».

Pour que les actions européennes retrouvent leur dynamisme, une économie mondiale plus vigoureuse est essentielle. « Les investisseurs mondiaux ne s’intéresseront à l’Europe que s’ils anticipent une reprise cyclique mondiale. Les indices européens étant intrinsèquement plus cycliques, un contexte économique mondial plus favorable est nécessaire pour attirer une base d’investisseurs plus large. »

Cette cyclicité découle de la prédominance de secteurs tels que l’industrie manufacturière ou encore les matières premières dans les indices européens, des domaines qui prospèrent lors des phases d’expansion économique mondiale. Vincenzo Vedda note également que le cycle baissier, inhabituellement long mais peu marqué, des indices des directeurs d’achat (PMI) en Europe touche à sa fin, ce qui pourrait apporter un certain soulagement. « Les actions ont généralement tendance à réagir positivement lorsque ces indices repartent à la hausse », déclare-t-il.

Banques européennes : une lueur d’espoir ?

Vincenzo Vedda voit dans les banques européennes un excellent candidat pour dissiper les craintes du marché concernant de potentielles baisses importantes des bénéfices. DWS anticipe une croissance modérée et une hausse des rendements pour les actionnaires en 2025. « Nous prévoyons un retour accru de capital de la part des banques européennes l’année prochaine, sous la forme de dividendes et de rachats d’actions. Lorsque les indicateurs avancés s’améliorent, les banques se portent généralement bien. Le rapport risque/récompense est ici particulièrement attractif. »

Malgré une prudence persistante à l’égard des marchés européens, l’espoir d’une reprise est présent. « Il faut un regain de confiance dans le marché mondial pour que les investisseurs s’engagent pleinement sur le marché », déclare Vincenzo Vedda, ajoutant que le second semestre 2025 pourrait enfin marquer le retour tant attendu du momentum économique.

D’ici là, le statut d’« oubliée » de l’Europe pourrait encore perdurer encore quelque temps.

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