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Quel est le point commun entre le vin, le capital-investissement et l’immobilier ? Il s’agit d’investissements hautement illiquides et compliqués à acquérir directement pour un investisseur de détail – pour le capital-investissement et l’immobilier, en raison du prix d’entrée plus élevé, et pour le vin, en raison des nombreux frais associés. D’où la création de fonds permettant aux investisseurs particuliers d’y investir. Cependant, ces fonds peuvent parfois être coupables de « blanchiment de volatilité ».

Ces dernières années, les investissements alternatifs sont de plus en plus à la mode. Aux États-Unis, surtout, les fonds de pension ont embrassé cette tendance : leur participation moyenne dans cette classe d’actifs a augmenté , atteignant en moyenne 30 % de leur capital. Cette catégorie inclut le capital-investissement, l’immobilier et les actifs tangibles, comme l’art et le vin. Le principal problème de cette classe d’actifs est l’absence de prix (quotidiens) disponibles. Parfois, aucun prix n’est même disponible durant des années. 

Prenons l’exemple de l’immobilier. À quelle fréquence un immeuble est-il évalué et/ou vendu ? Rarement. Ou bien, comment peut-on valoriser avec précision une entreprise privée ? C’est bien sûr possible et relativement simple, mais quelle sera la valeur de cette entreprise quelques mois plus tard ? Utilisera-t-on la même valorisation ? Rien n’est moins sûr. Et pourtant, de nombreux gestionnaires de fonds ne prennent même pas la peine de procéder à une nouvelle valorisation. Résultat : la variation de prix est nulle.

Un avantage ? Plutôt un inconvénient

Comme on le voit, les investissements alternatifs présentent un problème majeur : l’absence de valorisations correctes (actualisées). Les fonds qui investissent dans ce type d’actifs ne présentent donc pratiquement aucune volatilité. En effet, sans variation de prix, pas de volatilité. Cette absence de volatilité représente un inconvénient de ces types de fonds ; or, elle est aujourd’hui décrite comme un avantage majeur. En effet, l’absence de volatilité peut être interprétée comme synonyme de moindre risque. C’est ce qu’on appelle le « blanchiment de volatilité », soit le fait de présenter délibérément un investissement risqué comme étant sans risque en ignorant l’absence de transactions.

Ainsi, l’absence de volatilité constitue un problème, et non une caractéristique positive. Pour citer l’économiste Cliff Asness, « it’s a bug, not a feature ». Afin d’aborder cette question sous un angle quantitatif, j’ai, dans mon article Volatility laundering : on the feasibility of wine investment funds, tenté de déterminer l’importance d’une valorisation correcte. La configuration était simple :

  • Chaque mois, un fonds sélectionne 50 vins parmi l’ensemble des lots disponibles aux enchères.
  • Le fonds conserve ces vins de 1 mois à 12 mois.
  • Je calcule le rendement en tenant compte des éléments suivants ::
  1. Les variations réelles des prix (ce que j’appelle le « rendement du blanchiment de volatilité »)
  2. Les variations potentielles des prix, qui tiennent compte de la probabilité de vente (que j’appelle le « rendement correct », puisqu’il tient compte de l’absence de transactions).
  • Je répète cette opération 10 000 fois sur une période de 240 mois. J’obtiens ainsi des millions de portefeuilles « synthétiques », autrement dit des portefeuilles qui auraient pu être constitués.

Les conclusions

  • ⦁    Sur une période d’un mois, aucun portefeuille rapportant le rendement erroné ne présente un risque supérieur à celui des portefeuilles rapportant le rendement correct. Les fonds peuvent aisément donner l’impression aux investisseurs que l’investissement est moins risqué.

Tableau 1 : « return » représente le rendement mensuel moyen des portefeuilles synthétiques. « Biased » fait référence au rendement erroné (où le blanchiment de volatilité est possible), et « Adjusted » correspond au rendement correct. « Diff. » désigne la différence entre les deux, avec le pourcentage du nombre de portefeuilles synthétiques pour lesquels le rendement erroné est supérieur au rendement correct. 

  • Sur une période d’un mois, l’alpha (rendement ajusté au risque) apparaît exceptionnellement élevé et positif : ainsi, un fonds peut obtenir un rendement significatif, au-delà du risque de marché, en rapportant les rendements erronés. En rapportant les rendements corrects, l’alpha devient négatif. En d’autres termes, les fonds paraissent plus performants si l’on considère le rendement erroné.
  • Même si j’augmente à 500 le nombre de vins que le fonds peut acquérir, le résultat est le même. Le risque des fonds ajustés – le rendement correct – reste plus élevé.

Les résultats sur une période d’un an sont similaires. Les fonds dédiés au vin peuvent présenter aux investisseurs un rendement moyen de 6,5 %. Cependant, le rendement réel est plus proche de -8,3 % par an. Par ailleurs, le risque réel est en moyenne supérieur de 2,5 % par an, et l’alpha inférieur de 15 %. Le blanchiment de volatilité constitue donc clairement un problème majeur, et non une caractéristique positive de ce type de fonds.

Gertjan Verdickt est professeur assistant de finance à la KU Leuven et chroniqueur pour Investment Officer.

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