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Les taux d’intérêt à long terme se trouvent actuellement à des niveaux très bas, ce qui n’est pas une grande surprise. Le rendement d’une obligation d’État américaine à 10 ans est passé de 10,1 % en 1980 à 2,4 % en 2017. À titre de comparaison, le rendement des dividendes du S&P 500 n’a baissé que de 3,7 % sur cette période.

La raison, par contre, est étonnante : 100 % de la baisse des taux d’intérêt à long terme s’est produite sur une période de trois jours autour d’une réunion du Federal Open Market Committee (FOMC), le principal organe de politique monétaire aux États-Unis, qui se réunit au moins huit fois par an. Il n’est pas surprenant que cette réunion ait un impact sur les cours des obligations, mais la raison pour laquelle d’autres facteurs tels que la démographie, les mesures d’austérité ou les nouvelles concernant la ‘stagnation séculaire’ y aient contribué pour 0 % est par contre mystérieuse. 

C’est ce que montre la figure 1. On ne constate aucun changement dans les rendements obligataires les jours sans réunion du FOMC, voir ligne orange. Tout l’effet est généré par la réunion des banquiers centraux, voir ligne bleue.

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Figure 1 : La ligne bleue montre la baisse réalisée par les obligations d’État américaines à dix ans, la ligne orange indique le changement hypothétique des obligations d’État américaines à dix ans si on ignore les trois jours autour des réunions du FOMC. La figure montre aussi bien les réunions planifiées que non planifiées. (Source : Hillenbrand, 2020, Secular Decline in Long-Term Yields around FOMC Meetings)

Quel est l’effet sur les actions ? En moyenne, l’indice du marché augmente de 10,3 points de base au cours des trois jours autour de la réunion du FOMC. Pourquoi ? Une baisse des taux d’intérêt (sans risque) garantit que les flux de trésorerie futurs valent plus aujourd’hui, ce qui entraîne une hausse du marché. L’effet FOMC correspond aussi parfaitement à l’évolution des valorisations des actions, dont la plupart sont également réalisées durant la même période de trois jours. Si nous considérons cet effet sur une période de quarante ans, nous constatons que plus de la moitié de l’excédent de rendement est gagné durant les trois jours autour de la réunion (figure 2). Cela signifie qu’il y a peu de changements dans les primes de risque, mais que le rendement est réalisé en raison d’un changement dans les attentes (par exemple, attentes concernant les futurs taux d’intérêt ou l’inflation). Les investisseurs semblent à chaque fois surpris par les mesures que la banque centrale américaine compte prendre pour soutenir le marché boursier, le ‘Fed put’.

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Figure 2 : Le rendement cumulé d’une stratégie FOMC, selon laquelle nous n’investissons que dans les trois jours autour de la réunion du FOMC, aussi bien pour les actions que les obligations d’État américaines à dix ans. (Source : Hillenbrand, Secular Decline in Long-Term Yields around FOMC Meetings)

Au niveau des styles de portefeuille spécifiques, le faible rendement des investissements de valeur est particulièrement frappant : il chute en moyenne de 3,6 points de base lorsque le FOMC tient sa réunion. Comment expliquer cela ? Une baisse des taux d’intérêt a principalement un effet sur les actions générant des flux de trésorerie plus loin dans le futur (également appelées actions de croissance). Ces actions augmentent plus fortement que les actions à duration plus courte (actions de valeur). La baisse systématique des taux d’intérêt peut donc expliquer les mauvaises performances de ces dernières années pour l’investissement de valeur. 

Pouvons-nous résoudre l’énigme du FOMC ? En partie. Les investisseurs ne voient pas d’augmentation de la prime de risque, mais commencent à actualiser leurs attentes. Pour les investisseurs, et plus précisément ceux qui détiennent un portefeuille 60/40, c’était un bon signe. Ils gagnent à la fois grâce à leurs positions en obligations et en actions. Quant à savoir si c’est une bonne chose pour le marché boursier, je laisse la question ouverte. Ce qui est par contre certain, c’est que les rendements futurs des actions bénéficieront beaucoup moins de l’impulsion (désinflationniste) que nous avons connue au cours des 40 dernières années. La chance que les investisseurs continuent de croire au put que la banque centrale américaine place sous le système va sans doute également diminuer. Les investisseurs feraient donc bien de revoir leurs attentes à la baisse en matière de rendement pour les prochaines années.

Gertjan Verdickt a obtenu un doctorat en économie et est professeur auprès Monash University à Melbourne. 

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