Sur les réseaux sociaux, on voit souvent apparaître un beau graphique boursier avec beaucoup de lignes, de traits, … afin de prédire la tendance des cours des actions. Les termes utilisés à cet égard frappent également l’imagination : ‘formation épaule-tête-épaule’, ‘chandelier’ ou ‘nuage Ichimoku’. En finance, on parle d’analyse technique.
Graphiques
Dans le cadre de l’analyse technique, les investisseurs examinent les graphiques de cours précédents (contrairement au monde universitaire qui se penche sur les différences de cours antérieures). En utilisant les lignes et les traits du graphique, ils tentent de tirer profit des différentes tendances. Une étude récente (réalisée par Jonathan Brogaard et Abalfazl Zareei) étudie ce phénomène de manière plus approfondie.
En utilisant le machine learning, ils recherchent, pour les États-Unis, des signaux techniques permettant de prédire le marché boursier. Ils étudient la rentabilité des signaux de 1975 à 2014. L’objectif de l’article est le suivant : les investisseurs disposent de cinq années de données pour entraîner leur modèle, de cinq années pour choisir les meilleurs signaux, puis ils investissent avec ces signaux pendant un an. De par sa conception, cette comparaison n’est pas équitable. En effet, en particulier avant les années 2000, les investisseurs ne pouvaient pas utiliser le machine learning.
Figure 1 : Rendement moyen ajusté au risque sur une période de cinq an
Les investisseurs ont-ils obtenu de bons résultats ? Très bons jusqu’en 2004. Le rendement moyen ajusté au risque se situe, par année, entre 5 % (1995-1999) et 19 % (1980-1984). Après 2004, il est compris entre 0 % (2010-2014) et -5 % (2005-2009). Pour moi, cela a deux implications importantes :
- Les marchés sont devenus plus efficaces. Attention, je n’ai pas dit que les marchés étaient pleinement efficaces, mais que la première forme d’efficacité du marché - à savoir que les informations sur les cours du passé peuvent avoir une incidence sur le futur - a été satisfaite. Le marché peut encore mal interpréter les informations publiques, mais nous avons bien franchi une étape importante en ce qui concerne les graphiques des cours.
- L’analyse technique ne fonctionne pas (plus). Comme indiqué plus haut, nous examinons dans le graphique les signaux techniques les plus performants. Le fait que même les signaux les plus performants, pour lesquels nous utilisons au moins 10 ans de données (dont 5 ans d’entraînement à un modèle spécifique), obtiennent un rendement qui n’est pas différent de 0 % montre que l’époque est révolue. J’assimile donc l’analyse technique à de la magie financière. Il y a trop de choix (par exemple la longueur du graphique) qui peuvent influencer le résultat et qui n’ont rien à voir avec le risque ou le rendement.
Il est important de mentionner qu’aucun frais de transaction n’a été pris en compte. Le rendement réel est donc inférieur à ce qu’indique le graphique. Un rendement ajusté au risque de 20 % avant ces frais reste évidemment impressionnant, mais le rendement de 0 % autour de la crise financière est alors un peu trop optimiste. Ce rendement sera bien inférieur à 0 %. Par conséquent, les efforts ne valent pas la peine. Laissez donc la magie à Harry Potter et tenez-la à l’écart des marchés financiers.
Gertjan Verdickt est professeur d’économie financière et expert en connaissances chez Investment Officer.