Il n’y a rien de plus volatile que les marchés financiers. Un moment, les marchés actions se heurtent à une nouvelle vague de relèvement des taux par les banques centrales, et celui d’après, nous attendons de voir si ces mêmes banques centrales doivent agir pour prévenir une nouvelle crise bancaire.
Jusqu’à cette semaine, la faillite de la Silicon Valley Bank (et de Signature Bank) était pourtant très éloignée des préoccupations européennes. Notamment parce que le Trésor américain, la Deposit Insurance Corporation (FDIC) et la Réserve fédérale ont rapidement mis en place un programme de secours, le Bank Term Funding Program, qui permet aux banques de déposer une série de différents instruments (obligataires) à leur valeur nominale auprès de la Fed en échange de liquidités. Cela permet de briser la spirale négative de la baisse des dépôts bancaires conduisant à des ventes forcées d’obligations, qui ont fortement chuté (sur papier) en raison de la forte hausse des taux d’intérêt.
En théorie, cet instrument de liquidité devrait être efficace puisqu’il supprime un problème, à savoir que les pertes sur papier deviennent des pertes réalisées au bilan. Cela réduit également l’impact de l’autre problème qui a causé la faillite de la Silicon Valley Bank (la baisse des dépôts). La Silicon Valley Bank présentait d’ailleurs également un risque de concentration important, mais laissons cela de côté pour l’instant.
Crise de confiance
Ce sur quoi la Réserve fédérale a moins d’influence directe, c’est la ‘confiance’. Et c’est la raison pour laquelle la volatilité s’étend maintenant à l’Europe. Credit Suisse est sous le feu des critiques depuis des mois en raison d’un modèle d’entreprise défectueux et d’une réorganisation qui n’arrive pas vraiment à décoller. Alors que tous les investisseurs sont attentifs à l’évolution de la situation aux États-Unis, cela tombe mal lorsque votre plus gros investisseur, Saudi National Bank, déclare qu’il ne veut plus dépenser d’argent. Même s’il a une bonne raison de le faire, la réglementation.
Le fonctionnement du secteur bancaire est largement déterminé par la combinaison de la confiance et de l’incertitude. Lorsque cette dernière devient le facteur décisif, la confiance disparaît et même un programme de liquidités d’urgence comme le Bank Term Funding Programme ne change pas grand-chose. Le manque de confiance entraîne une chute considérable des cours, ce qui met rapidement à mal les ratios de fonds propres des banques. Bien que les causes des problèmes de la Silicon Valley Bank et de Credit Suisse soient différentes, elles ont en commun une fuite de la confiance des investisseurs motivée par l’incertitude. Pour Credit Suisse, la situation est beaucoup plus inquiétante, car il s’agit d’une ‘Global Systemically Important Bank’ (banque d’importance systémique mondiale). En même temps, on pourrait s’attendre à ce qu’une telle banque dispose de plus de réserves, car la réglementation est beaucoup plus stricte que pour les banques régionales américaines, par exemple. Mais oui, toujours cette confiance…
Scylla et Charybde
Dans le dernier podcast d’Investment Officer, j’indique que je m’attends à ce que la BCE comme la Réserve fédérale doivent procéder à un relèvement des taux d’intérêt. Au vu des derniers chiffres de l’inflation aux États-Unis, je constate que la situation n’a pas changé. Je suis toujours étonné de voir les investisseurs chercher frénétiquement le chiffre qui s’est avéré plus bas que prévu ou l’indicateur (je le vois aussi) qui indique un effondrement de l’inflation plus tard dans l’année.
Mais ce que ces investisseurs oublient, c’est qu’après tous ces revers, la Réserve fédérale et la BCE ne peuvent pas relâcher la pédale de frein tant qu’elles ne sont pas suffisamment convaincues que l’inflation est vraiment sur la bonne voie pour atteindre son objectif. Je tiens une petite liste des mesures de l’inflation que Powell et ses collègues considèrent comme les plus importantes, complétées par quelques indicateurs d’inflation qui donnent une bonne image de la tendance sous-jacente. Il y en a sept au total. Pour les sept (!) indicateurs, la hausse des prix annualisée sur trois mois a augmenté au cours des deux derniers mois, avec une moyenne de 5,0 %. Il est tout simplement trop tôt pour être convaincu de la réalisation de l’objectif d’inflation.
Cependant, je suis maintenant moins convaincu que la Fed et la BCE relèveront les taux lors de la prochaine réunion sur les taux d’intérêt. Les craintes d’une propagation de la crise bancaire à l’Europe augmentent la probabilité d’une intervention. Les banques centrales sont, par définition, extrêmement vigilantes en ce qui concerne la stabilité du secteur financier. En revanche, si la Fed arrête, cela risque d’être perçu comme un signe de panique. Vous comprendrez qu’à l’heure actuelle, je vois peu de chemins menant à une hausse des marchés boursiers.
Jeroen Blokland est le fondateur de True Insights, une plateforme qui fournit des recherches indépendantes permettant de composer des portefeuilles multi-actifs diversifiés. Blokland était précédemment Head of multi-assets chez Robeco. Son graphique de la semaine est publié chaque jeudi sur Investment Officer.