Jeroen Blokland
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Au cours des 12 derniers mois, Nvidia a progressé de plus de 200 %. Et donc, les gourous autoproclamés crient de nouveau à la « bulle ». Mais qu’est-ce qu’une bulle au juste ? Qu’entendent ces gourous par le terme « bulle » ? Ils ne le précisent jamais.  

Selon moi, même si les Sept Magnifiques sont devenues vraiment prédominantes, une bulle ne peut jamais se limiter à une ou quelques actions seulement. Heureusement, certains s’emploient à définir ce qu’est précisément une bulle. 

Prenons par exemple William Goetzmann (2016), directeur de faculté à la Yale School of Management et chercheur au National Bureau of Economic Research (NBER). J’ai déjà cité son travail par le passé, mais je le remets en lumière afin d’offrir un contrepoids aux chasseurs de bulles.
 

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William Goetzmann définit une bulle comme une hausse spectaculaire, un boom, suivie d’une chute drastique, un « krach ». En termes numériques, un boom est une hausse des prix réels (!) de 100 % en l’espace d’un an, suivie d’un krach de 50 % ou davantage l’année suivante. En d’autres termes, tous les gains issus de l’envolée des prix sont annulés l’année précédente. Notons ici que l’on parle d’indices nationaux, et non d’actions individuelles ou de groupes d’actions spécifiques.

Les bulles sont extrêmement rares

Au total, William Goetzmann a analysé les rendements annuels de plus de 3000 actions. Sa première conclusion majeure est que les bulles sont extrêmement rares : 0,3 % de l’échantillon, selon sa définition. Il faut donc être très sûr qu’une bulle est effectivement en train de se former pour être dans le vrai. 

Vient ensuite sa deuxième conclusion majeure. Lorsqu’un marché boursier augmente de plus de 100 % en 12 mois, la probabilité d’une chute de 50 % ou davantage au cours des 12 mois suivants n’est que de 4 %. Les bulles n’éclatent donc que dans un cas sur 25.

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Mais ce n’est pas tout ! Pour étayer ses conclusions selon lesquelles l’existence de bulles est largement surestimée, il calcule également la probabilité qu’après une hausse de plus de 100 % au cours des 12 derniers mois, un marché boursier double à nouveau dans les 12 mois suivants. Et quelle est, selon vous, cette probabilité ? Elle est de 8 % ! La probabilité qu’un marché boursier double à nouveau après avoir déjà doublé est deux fois plus élevée que celle qu’il soit divisé par deux après avoir doublé.

Encore plus grave

Ce qui me dérange, c’est que les pessimistes patentés bénéficient presque toujours, et cela depuis des années, d’une tribune pour présenter leurs prévisions alarmistes. Il est rare qu’un « gourou de la bulle » soit discrédité pour s’être trompé pendant des années, alors que les statistiques ne jouent pas en faveur de ces mêmes gourous. 

William Goetzmann calcule également les probabilités sur une période de cinq ans après un boom. Il n’est évidemment pas surprenant de constater que si l’on allonge suffisamment la période considérée, les risques de bulles augmentent. Cependant, même dans ce cas, ils demeurent faibles. 

Dans 15 % des cas où le marché augmente de 100 % en un an, les prix chutent de moitié au cours des cinq années suivantes. En revanche, la probabilité qu’une nouvelle hausse de 100 % se produise est de 26 %. Si vous gagnez 100 % ou davantage en l’espace de 12 mois, vous avez donc une chance sur quatre de réaliser à nouveau un rendement de plus de 100 % au cours des cinq années suivantes.

Conclusion

Au vu de ces conclusions, une certaine prudence est de mise lorsqu’on évoque les bulles. Les bulles se produisent de manière sporadique seulement et bien que les médias se délectent des permabears prédisant la fin de tout, ces derniers se trompent très souvent. 

Bien sûr, les véritables bulles laissent une impression marquante. Lorsque les marchés chutent de 50 % ou davantage, un sentiment amer persiste encore longtemps, une situation dont les chasseurs de bulles peuvent se nourrir pendant des années. Mais c’est précisément dans ces moments-là qu’il est important de garder ces statistiques à l’esprit. Et aujourd’hui ? Même avec les Sept Magnifiques, nous ne sommes même pas proches d’un boom.

Source : Goetzmann, William N., Bubble Investing: Learning from History (January 11, 2016). Available at SSRN.

Jeroen Blokland est le fondateur et gérant du Blokland Smart Multi-Asset Fund et de  True Insights, une plateforme qui fournit des recherches indépendantes permettant de composer des portefeuilles multi-actifs diversifiés. Il était précédemment Head of multi-assets chez Robeco. Son graphique de la semaine est publié chaque semaine sur Investment Officer.

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