Je ne sais pas exactement combien de fois Kuroda, le gouverneur de la Banque du Japon, a déclaré lors de sa conférence de presse suivant la décision d’ajuster le contrôle de la courbe des taux qu’il ne s’agissait pas d’un resserrement de la politique, mais c’était en tout cas beaucoup. En partie probablement parce que cet ajustement s’avère particulièrement pratique au cas où on voudrait ultérieurement sortir de la politique monétaire extrêmement accommodante.
Le taux d’intérêt à 10 ans du Japon peut désormais évoluer autour de 0 % dans une fourchette de 50 points de base au lieu de 25. Et au cas où vous vous demanderiez encore si le contrôle de la courbe des taux maintient les taux d’intérêt artificiellement bas, dans les 24 heures qui ont suivi l’annonce de la Banque du Japon, le taux avait bondi à 0,47 %. En d’autres termes, proche du nouveau plafond.
Mais ce n’est pas tout. La Banque du Japon applique la politique de contrôle de la courbe des taux aux obligations d’État japonaises et non aux produits dérivés, comme le marché swap. Le taux swap à 10 ans a donc plus de marge pour refléter les attentes du marché. Ce taux swap était déjà nettement plus élevé que les taux d’intérêt des obligations d’État et ce, même après l’annonce de Kuroda. Le taux swap à 10 ans s’est établi hier à près de 0,80 %, ce qui indique une fois de plus que la pression haussière sur les taux d’intérêt japonais reste forte.
À la recherche d’un nouveau catalyseur
Depuis des mois, les marchés jouent au tir à la corde avec les banques centrales, avec le pivot comme point de discussion. Cependant, après la dernière série d’annonces de politique monétaire, y compris celle de la Banque du Japon, le rêve du pivot peut provisoirement être mis de côté. Les banques centrales ne savent tout simplement pas quel degré de resserrement est nécessaire et, après s’être désespérément positionnées behind the curve, sont maintenant déterminées à regagner leur crédibilité. C’est également vrai pour la BCE, où Lagarde indique clairement et sans ambiguïté souhaiter poursuivre les relèvements de taux de 50 points de base. À cela s’ajoute en outre le resserrement quantitatif. En d’autres termes, Lagarde veut être le Powell 2.0.
Par conséquent, les marchés doivent maintenant chercher un nouveau catalyseur pour retrouver le chemin de la hausse. Mais actuellement, ces catalyseurs se font rares. La croissance mondiale est en baisse, les attentes en matière de bénéfices sont trop élevées, et en Chine, l’immunité collective doit encore augmenter de manière significative avant que l’économie ne puisse réellement s’ouvrir. Restent comme candidats : la baisse des prix de l’énergie et la fin de la guerre en Ukraine. Il est probable que cela vienne finalement à nouveau des banques centrales, mais ce ne sera que bien plus tard en 2023. Pas la meilleure perspective pour aborder l’année 2023…
Jeroen Blokland est le fondateur de True Insights, une plateforme qui fournit des recherches indépendantes permettant de composer des portefeuilles multi-actifs diversifiés. Blokland était précédemment Head of multi-assets chez Robeco. Son graphique de la semaine est publié chaque jeudi sur Investment Officer.