À l’heure où nous écrivons ces lignes, les attentes du marché indiquent qu’il y a environ 40 % de chances que la Réserve fédérale procède à une nouvelle hausse des taux d’intérêt. C’est remarquable si l’on considère qu’il y a quinze jours à peine, cette probabilité était pratiquement nulle. En effet, il y a actuellement une faible probabilité que les taux d’intérêt soient à nouveau relevés à deux reprises, selon les marchés.
Dans l’intervalle, de nombreux membres de la Fed ont exprimé leur point de vue sur la politique à mener. Un nouveau concept a été introduit dans le processus : celui de «sauter» toute hausse future des taux d’intérêt. La Fed gagne ainsi du temps pour évaluer l’effet des hausses de taux d’intérêt déjà effectuées, qui représentent collectivement une augmentation de 5 points de pourcentage.
Malgré le nouveau terme à la mode «skipping», je pense que la Réserve fédérale ne procédera pas à de nouvelles hausses des taux d’intérêt. Ma principale raison est la détérioration de la dynamique macroéconomique. L’indice ISM manufacturier est déjà inférieur à 50, le marché du logement est en suspens et l‹ «excès d’épargne» des consommateurs est moins exubérant qu’auparavant.
En outre, un affaiblissement du marché du travail américain est en cours. Historiquement, le chômage n’augmente qu’après la fin du cycle de resserrement. Il est plus que probable que ce schéma se répète à nouveau, conduisant inévitablement à une baisse des dépenses de consommation et à l’approche d’une récession.
Risque lié aux dépôts
Un troisième facteur d’intérêt est la crise bancaire régionale américaine. Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres qui montre à quel point les économies basées sur l’endettement sont proches du taux d’intérêt maximum qu’elles peuvent supporter. Les spreads des obligations italiennes en sont un autre exemple. De nouvelles hausses des taux d’intérêt à court terme pourraient entraîner une accélération des sorties de dépôts bancaires et créer de nouvelles banques de la Première République. On peut s’attendre à ce que les banques régionales soient extrêmement prudentes dans l’octroi de nouveaux prêts et ne veuillent pas laisser leur ratio prêt/valeur augmenter. Cette perspective n’est pas de bon augure pour les propriétaires de biens commerciaux qui ont besoin de se refinancer et qui constatent que leurs biens se sont considérablement dépréciés.
Par ailleurs, il se peut que nous nous préparions à un nouveau test des taux d’intérêt ailleurs, maintenant que l’inflation au Royaume-Uni a été plus élevée que prévu. Vous vous souvenez ? En septembre et octobre de l’année dernière, lorsque les rendements à deux ans se sont rapprochés de 5 %, le secteur britannique des pensions a failli faire faillite et la Banque d’Angleterre a dû suspendre une grande partie du resserrement qu’elle entendait opérer pour juguler l’inflation. Je n’exclus pas la possibilité que nous assistions à nouveau à un événement de ce type, marquant la fin du resserrement des banques centrales.
Jeroen Blokland est le fondateur de True Insights, une plateforme qui fournit des recherches indépendantes pour construire des portefeuilles multi-actifs diversifiés. M. Blokland était jusqu’à présent responsable de la gestion multi-actifs chez Robeco. Son graphique de la semaine paraît tous les jeudis sur Investment Officer.