Jeroen Blokland
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Dans notre société, la croissance est devenue une sorte de Saint Graal. À chaque campagne électorale, aussi irréaliste et imprévisible que cela puisse être, les politiciens promettent la croissance. Croissance économique, croissance de l’emploi, croissance à tout prix !

Chaque trimestre, les entreprises s’acharnent à réaliser encore plus de bénéfices, et si nos salaires n’augmentent pas pendant une année ou si l’évaluation du patron n’est pas supérieure à la moyenne, c’est le drame. L’absence de croissance est jugée inacceptable. Pourtant, tout porte à croire qu’en réalité, nous ne voulons absolument pas de croissance.

La quête de personnes aptes au travail 

En résumé, la croissance du PIB est déterminée par deux facteurs : l’augmentation de la population active et la productivité. Pour entrer directement dans le vif du sujet, le terme « augmentation » n’est pas tout à fait approprié.

Le graphique suivant présente une estimation du FMI de l’évolution de la croissance de la population active pour les cinq prochaines années, par rapport à la période 2019-2023. La progression de la population active est en diminution pour les cinq années à venir. Dans le cas de l’Allemagne, on parle même de déclin. La population totale de l’Allemagne est en baisse et sa population active se situe actuellement au même niveau qu’en 2016.

Il est intéressant de souligner que le FMI s’attend à une légère amélioration pour l’Italie, où la population est également en déclin. Cependant, tout optimisme à cet égard est infondé. La population active n’a cessé de diminuer depuis 2012 (!), de sorte que cette minuscule amélioration n’aura pas d’impact significatif.

Par conséquent, la main-d’œuvre n’est pas véritablement ce sur quoi nous pouvons compter. Ni aujourd’hui, ni demain. Il suffit de jeter un œil au surprenant graphique ci-dessous pour le comprendre. Plus de 30 % des femmes américaines et britanniques (et cela s’appliquerait à beaucoup d’autres pays) âgées de 34 ans n’ont aucun (!) enfant. Le fait que de nombreuses personnes dans la fin de la vingtaine et au début de la trentaine ne puissent même pas se permettre un logement décent n’est certainement pas étranger à cette situation.

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Les gens ne veulent pas travailler

Alors, il reste la croissance de la productivité. Encore une fois, un graphique en dit plus que mille mots. Voici le nombre annuel d’heures prestées par travailleur dans six grandes économies. Voyez-vous une tendance ? Les Pays-Bas n’en font pas partie, mais avec près de 50 % de la population active travaillant à temps partiel (les Pays-Bas sont les champions du monde du temps partiel), je sais à quoi ressemblerait la ligne. D’ailleurs, c’est The Economist qui utilise le terme de « paresseux », pas moi.

Oui, mais il y a l’intelligence artificielle…

Le progrès technologique représente une source significative de croissance, c’est indéniable. Cependant, il ne faut pas exagérer. Lorsqu’Internet a véritablement pris son essor, nous avons observé une forte accélération de la croissance de la productivité pendant quelques années, avant qu’elle ne recommence à fléchir. Et même si je crois beaucoup à l’intelligence artificielle, elle n’entraînera pas une croissance de la productivité structurellement plus élevée.

Depuis la Seconde Guerre mondiale, la croissance de la productivité aux États-Unis a en moyenne diminué très lentement au fil du temps. Et pourtant, il est courant là-bas d’avoir un second, un troisième, voire un quatrième emploi. Entend-on parler aux Pays-Bas de personnes cumulant plusieurs emplois ? Si, en tant que travailleur, l’ambition est de réduire progressivement son nombre d’heures de travail, cela se fait inévitablement au détriment de la productivité.

Ajustez vos attentes

Face à ces chiffres, il est légitime de se demander si la croissance doit encore être un objectif en soi. La croissance potentielle, déterminée par la croissance démographique et la productivité, se rapproche à grands pas du zéro dans de nombreux pays. Il apparaît peu judicieux de viser un objectif qui devient de plus en plus difficile à réaliser dans la pratique.

Cependant, cette réalité n’est pas celle que partagent la plupart des personnes, y compris les politiciens, à l’heure actuelle. Cela signifie qu’ils sont à la recherche d’un ingrédient magique permettant de générer de la croissance coûte que coûte. Vous l’avez probablement déjà deviné : dans la plupart des cas, il s’agit du recours à la dette. La dette permet de générer artificiellement de la croissance. Cependant, la marge de manœuvre est déjà largement épuisée. Puisque le critère de mesure est souvent la croissance réelle, recourir à une inflation plus élevée constitue également un stratagème pour créer de la croissance. Cependant, je doute que cela rende qui que ce soit réellement heureux. Peut-être serait-il alors préférable de réajuster nos attentes ? Mais voilà, qui ne rêve pas de « croissance » ?

Jeroen Blokland est le fondateur et gérant du Blokland Smart Multi-Asset Fund et de True Insights, une plateforme qui fournit des recherches indépendantes permettant de composer des portefeuilles multi-actifs diversifiés. Il était précédemment Head of multi-assets chez Robeco. Son graphique de la semaine est publié chaque semaine sur Investment Officer.

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