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Le capital-investissement belge a parcouru un long chemin ces quinze dernières années. Il est indispensable de garder un feeling avec les entreprises dans lesquelles on investit. On assiste à l’émergence d’une nouvelle génération d’investisseurs, qui attachent de l’importance à la technologie. La diversification reste cependant impérative.

C’est ce qui ressort d’un entretien avec Buysse & Partners, qui fait figure d’exception dans l’univers du capital-investissement. Ils investissent dans quatre domaines différents : les sociétés de croissance ancrées en Belgique, l’immobilier emblématique et résidentiel et, afin de diversifier les risques, l’Amérique latine. Ils n’utilisent pas non plus de structure de fonds dans leurs activités de capital-investissement. Ils abordent également le capital-investissement en s’impliquant fortement dans les opérations, avec le management des entreprises de leur portefeuille. Frank Buysse, Managing Partner (photo), explique comment ils procèdent, et pourquoi ils effectuent ces choix.

Dans quels domaines ciblés investissez-vous ?

Buysse : « Notre focalisation première était l’investissement dans des entreprises belges. Nous visons ici les PME, autrement dit pas de très grandes entreprises, mais des acteurs ayant un flux de trésorerie minimal de deux millions d’euros sur base annuelle. Nous nous situons entre les start-ups et les grandes entreprises. Nous fournissons du capital de croissance à des entreprises désireuses de passer au niveau supérieur, généralement lié à l’internationalisation, mais nous aidons également des entreprises familiales devant procéder à un changement générationnel. En 2015, une nouvelle stratégie est venue s’ajouter : l’investissement dans des bâtiments à l’architecture ou au caractère emblématique. Les locataires y sont installés non seulement parce qu’ils ont besoin de bureaux, mais aussi pour l’image. D’ailleurs, nous gérons nous-mêmes les bâtiments. Tout comme nous accompagnons une entreprise lorsque nous y investissons, nous gérons un bâtiment après l’avoir acheté. En 2021, nous avons également lancé dans le cadre de la stratégie immobilière un fonds d’immobilier résidentiel axé sur le marché locatif des communes de la périphérie anversoise et bruxelloise ainsi que sur les logements abordables et de qualité. La troisième stratégie est l’Amérique latine. Nous voulions en effet investir en dehors de la zone euro afin de diversifier nos risques. L’Amérique latine est une région en croissance qui nous est culturellement proche, car nous avons moins d’affinités avec l’Asie. »

Ne serait-il pas préférable de se spécialiser dans une seule thématique ?

Buysse : « Nous avons une équipe d’environ 25 personnes. Pour chaque investissement effectué, nous sommes tous impliqués et avons l’opportunité de co-investir. La règle de base est que pour chaque participation, 15 à 25 % proviennent de notre propre équipe. Notre métier est l’investissement, dans lequel la diversification est très importante. Nous voulons diversifier nos fonds propres, c’est pourquoi nous examinons différentes pistes. Et c’est aussi quelque chose que nos investisseurs recherchent. »

D’où vient votre capital ?

Buysse : « Nous n’avons pas de capital purement institutionnel à bord, comme les fonds de pension classiques ou les compagnies d’assurance. Nous nous concentrons sur le capital familial et entrepreneurial. La plupart de nos investisseurs, au nombre d’environ 200, sont eux-mêmes entrepreneurs. Ils savent ce que c’est qu’entreprendre, et que lorsqu’on prend des risques, il peut y avoir de la volatilité. »

Vous êtes le fils du comte Buysse. Buysse & Partners est-il aussi un peu un family office ?

Buysse : « Dans une certaine mesure, oui. 15 à 25 % d’un investissement donné proviennent de l’équipe, ce qui signifie qu’une partie provient également de ma famille et de moi-même. Mais c’est en fait le family office de tous ceux qui travaillent ici ! (rires). »

Comment soutenez-vous les entreprises dans lesquelles vous investissez ?

Buysse : « Pour chaque entreprise, deux membres de l’équipe sont impliqués dans le management. Nous travaillons également au niveau du conseil d’administration. Avant d’investir dans une entreprise, nous procédons bien sûr à une analyse. Dans chaque PME, il y a des éléments qui fonctionnent moins bien, ce qui peut aller de l’information financière à la propriété intellectuelle. Cette analyse nous fournit une to-do list que nous mettons en ordre lors des 100 premiers jours suivant l’investissement. Ensuite, nous élaborons une stratégie, à laquelle est associé un business plan, qui nous fournit des appuis concrets pour l’avenir. »

Pourriez-vous citer un exemple de ce type d’investissement ?

Buysse : « Une de nos entreprises, dans laquelle nous sommes investis depuis 2017, s’appelle Serax. Ils fabriquent du tableware, c’est-à-dire tout ce qu’on utilise pour dresser et décorer une table. Elle a été créée par une dame qui a maintenant plus de 80 ans. Ses deux fils ont repris l’entreprise il y a trente ans, et envisagent maintenant un troisième changement. Leur mère a commencé avec des pots de fleurs, ils se sont lancés dans la vaisselle et veulent maintenant s’étendre aux meubles. Ils s’internationalisent également en Europe et aux États-Unis. Nous avons passé en revue leurs processus, la production, la numérisation, les ventes et bien d’autres choses encore. Nous avons fait appel à une nouvelle génération de managers, qui comprennent l’évolution du marché. Les ventes se déroulent maintenant aussi via l’e-commerce, et l’ESG gagne en importance. Nous travaillons donc de manière très opérationnelle. J’ai le CEO de Serax presque tous les jours au téléphone. »

Comment vivez-vous l’augmentation de la concurrence sur les marchés privés ? 

Buysse : « Il y a quinze ans, personne ne parlait du capital-investissement. Il était considéré comme un capital à risque, dans lequel on ne pouvait investir que 5 ou 10 % de son capital. La Belgique a réalisé depuis lors qu’il offrait des rendements supérieurs pour des risques potentiellement limités. Le fait que nous soyons aussi proches du management opérationnel signifie également que nous pouvons procéder à des ajustements si les choses tournent mal, ce qu’on ne peut pas faire en bourse. C’est là que nous nous distinguons de nos concurrents. D’ailleurs, nous n’avons pas de structure de fonds. Nos clients investissent donc directement et reçoivent un petit pourcentage des actions, que nous gérons en bloc. »

Pourquoi n’utilisez-vous pas de structure de fonds ?

Buysse : « Nous voulons donner le sentiment d’être directement impliqués dans les entreprises. Je pense qu’au bout d’un certain temps, le concept de fonds deviendra plus difficile. D’abord, vous vous promenez avec un grand sac que vous remplissez d’argent, puis vous commencez à investir, ce qui a un côté opaque. Vous avez toujours cette entité intermédiaire. »

Quels sont les avantages de votre structure ?

Buysse : « Un fonds a une durée déterminée. Cela présente un certain nombre d’inconvénients, car si vous négociez justement la vente d’une entreprise à l’expiration du fonds, votre contrepartie sait que vous êtes sous pression. Nous sommes complètement libres à cet égard. Nous attendons du management qu’il nous indique quel est le meilleur moment pour passer les rênes de l’entreprise. »

Éléments clés de Buysse & Partners

  • Buysse & Partners a été fondée en 2008 par Frank Buysse, après une carrière chez BNP Paribas Fortis et Degroof Petercam.
  • La société d’investissement se concentre sur les entreprises de croissance ancrées en Belgique, l’immobilier emblématique et résidentiel et l’Amérique latine.
  • Pour Buysse & Partners, un investissement moyen dans une entreprise varie entre 10 et 20 millions d’euros.
  • Le portefeuille immobilier de Buysse & Partners s’élève à environ 300 millions d’euros et comprend notamment la tour BP à Anvers, le bâtiment CBR, l’immeuble Glaverbel à Bruxelles ainsi que la Zilveren Toren à La Haye.
     
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