Hubert Aarts, Impax AM
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Si la sécheresse de cet été a mis à mal l’industrie de l’eau, elle n’a cependant pas eu d’impact sur les allocations d’actifs de l’un des principaux fonds d’investissement dans le secteur de l’eau. Quelque chose de bien plus important est en train de se tramer : les relèvements du taux d’intérêt aux États-Unis pèsent sur la valorisation des entreprises d’utilité publique, tandis que les négociations entre le pays de l’Oncle Sam et la Chine sont susceptibles de malmener les producteurs de membranes, de filtres et de matériel de test.

Ce sont les propos d’Hubert Aarts chez Impax AM, la société d’investissement chargée de gérer les fonds environnementaux pour BNP Paribas AM. Hubert Aarts et Bruce Jenkyn-Jones sont tous deux responsables de la stratégie liée à l’eau, un secteur qui investit dans des entreprises cotées en bourse et représente plus de 3 milliards d’euros. Après Pictet – qui détient aussi un fonds lié au secteur de l’eau – il s’agit donc de l’investisseur le plus important dans la catégorie spécifique de ‹l’eau›, une industrie qui totalise quelque 12 milliards d’euros.

Les journaux n’en avaient que pour elle cet été : la canicule qui a asséché l’Europe. Les agriculteurs ont dû se contenter dans certains cas de la moitié de la récolte escomptée et des feux de végétation à grande échelle ont anéanti des pans entiers de nature. Dans l’intervalle, les provisions d’eau ont fondu et il a été recommandé aux consommateurs de prendre moins de douches ou de les écourter.

Impact de la sécheresse

Hubert Aarts a lui aussi vu des photos de champs jaunis et a lu des articles sur les préoccupations quant à une potentielle pénurie d’eau. ‘Oui, cette situation a un impact sur le marché. D’un côté, pour les consommateurs et pour l’économie et de l’autre, pour le portefeuille d’investissement.’

En guise d’impact direct, il parle de la demande abyssale en eau, qui a contraint les compagnies des eaux à purifier plus d’eau et à pomper davantage dans les nappes phréatiques et qui a obligé les agriculteurs à abattre plus de bétail car ils n’avaient plus assez de fourrage pour nourrir leurs bêtes en raison d’une irrigation entravée.

‘De telles évolutions ont des répercussions économiques sur les agriculteurs, mais peuvent aussi entraîner des conséquences plus vastes’, explique Hubert Aarts. ‘Il suffit de penser à la situation qu’a connue Sao Paolo au Brésil il y a quelques années, lorsque la production d’hydro-électricité a baissé parce que les infrastructures hydrauliques ne parvenaient pas à collecter suffisamment d’eau. En raison de la pénurie d’électricité, le nombre de jours ouvrables est passé de cinq à quatre.’

La sécheresse qui a récemment frappé l’Europe, sans oublier d’autres situations comparables auparavant en Californie, ont secoué les gouvernements mais aussi l’industrie de l’eau. ‘On a pris conscience qu’il fallait réfléchir à de nouvelles façons de stocker l’eau en sous-sol et penser entre autres à rendre les systèmes de toilette plus efficaces, à optimiser les systèmes d’irrigation et à opter pour la réutilisation de l’eau par l’industrie lourde.’

Les solutions et les améliorations peuvent venir de différents maillons dans la ‘chaîne de valeur de l’eau’, qui d’après le gestionnaire de fonds Hubert Aarts totalise quelque 300 entreprises cotées en bourse. Impax va même jusqu’à scinder cette chaîne en trois segments : les entreprises spécialisées dans les infrastructures (compteurs, pompes, systèmes d’irrigation et de test), les entreprises spécialisées dans le traitement des eaux (filtrage, dessalement, nettoyage chimique) et les entreprises d’utilité publique.

Investissements

Impax investit dans ce contexte dans les entreprises cotées en bourse qui présentent un potentiel de croissance, affichent un comportement responsable en matière de critères Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance (ESG) et font preuve d’une gestion financière de qualité. D’après Hubert Aarts, en se basant sur ces critères, sur les 300 entreprises disponibles, 95 abritent des investissements qualitatifs, dont 50 sont dans le portefeuille d’Impax.

Depuis le début de l’année, nous sommes à un rendement de 3,8 %, tandis que l’indice de référence MSCI World NR EUR a obtenu un rendement de 6,3 %. Suez, l’entreprise française de traitement des eaux et d’assainissement des sols, parmi le top dix des entreprises au sein du portefeuille, est l’une des perdantes. D’autres fonds liés à l’eau connaissent eux aussi une année difficile : notre concurrent Pictet-Water obtient un rendement de 1,2 % depuis le début de cette année et se base sur le même indice de référence.

En l’espace de trois ans, Parvest Aqua a obtenu un rendement annualisé de 10,3 %, tandis que l’indice de référence reste fixé à 6,9 %.   

Sécheresse : allocation

Mais revenons-en à la sécheresse. Bien qu’il s’agisse d’un coup de semonce pour les consommateurs d’eau et les entreprises de l’industrie, pour Hubert Aarts, il n’y avait pas lieu de procéder à de quelconques modifications de son portefeuille de fonds liés à l’eau. D’après le gestionnaire de fonds, subir quelques mois de sécheresse est certes gênant, mais pas suffisamment long pour influencer sa vision en tant qu’investisseur sur une entreprise issue de la chaîne de l’eau.

Si malgré tout, le portefeuille d’Hubert Aarts a connu quelques évolutions, elles sont davantage liées au contexte macroéconomique. ‘Les relèvements du taux d’intérêt de la Réserve fédérale américaine ont occasionné une baisse des valorisations des entreprises d’utilité publique : ces dernières sont sensibles aux taux à long terme. C’est pour cette raison que nous avons fait passer l’exposition de ces entreprises de 25 à 19 %.’

Dans l’intervalle, notre manager a renforcé l’exposition des entreprises équipées de systèmes de détection des fuites d’eau, de systèmes de réparation et d’aqueducs pour l’eau potable et souterraine, et des entreprises qui testent et supervisent l’eau. ‘Contrôler la qualité de l’eau en effectuant des tests prend de plus en plus d’importance du fait de la plus forte pollution des eaux dans les pays développés et en développement. Dans le premier cas, à cause des quantités plus importantes d’additifs chimiques dans les aliments et les boissons, dans le second cas, en raison de la croissance industrielle à la hausse. C’est de là que découle le nombre d’entreprises spécialisées pour tester et contrôler l’eau.’

Parallèlement, le nombre de fuites d’eau ne cesse de croître, tout comme la pression sur les entreprises de service public pour fournir au consommateur final de l’eau effectivement purifiée. Hubert Aarts poursuit : ‘Et à cela vient bien sûr s’ajouter l’objectif d’équiper entre 2015 et 2020 100 % des consommateurs d’eau d’un compteur. Il semble logique de lire sur un compteur sa propre consommation d’eau. Mais en Angleterre par exemple, les compteurs dans les appartements sont encore partagés et de ce fait, les frais de consommation aussi. Cela n’incite pas à faire des économies d’eau. Les mauvaises habitudes ne sont pas sanctionnées.’

Risques

Exception faite de l’augmentation des taux à long terme, d’autres risques menacent. ‘Qu’en est-il des négociations entre la Chine et les États-Unis’, se demande à voix haute notre gestionnaire de fonds. ‘Énormément d’entreprises américaines vendent des produits comme des membranes, des filtres et du matériel de test en Chine, où le besoin est pressant. Si on commence à appliquer des quotas, ces entreprises en subiront les conséquences.’

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