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C’est une question que se posent tous les gestionnaires de fonds : dans quelle mesure les action d’armement et de défense sont-elles compatibles avec les principes durables ESG ? Un rapport conjoint des organisations de labellisation Forum Ethibel (Belgique) et Luxflag (Luxembourg) ne tranche pas vraiment, mais souligne les nombreux dilemmes. 

Avec l’adoption de l’objectif de défense de 5 % lors du récent sommet de l’OTAN à La Haye, les perspectives n’ont jamais été aussi bonnes pour les entreprises du secteur de l’armement et de la défense. L’intérêt des investisseurs pour les valeurs de défense est remarquablement élevé depuis plusieurs mois, comme le confirment toutes les sociétés de gestion de fonds. State Street a également annoncé vendredi le lancement d’un nouvel ETF de défense, le SPDR S&P Europe Defense Vision UCITS ETF.

Une question clé est de savoir si les gestionnaires d’actifs proposeront des investissements de défense dans le cadre des critères de durabilité ESG (environnement, social, gouvernance) ou en dehors de ceux-ci. Selon le rapport Weapons, War and ESG de Forum Ethibel et Luxflag, le consensus du secteur est que les armes controversées, telles que les mines terrestres ou les armes chimiques, n’ont pas leur place dans les fonds ESG. Avec une mise en garde importante : il n’existe actuellement aucune liste concluante et généralement acceptée de ces armes controversées.

Il existe beaucoup moins de consensus sur la question de savoir si les armes conventionnelles – des grenades aux avions de chasse – peuvent être intégrées à un fonds ESG. Les deux organismes de labellisation envisagent trois approches possibles en matière d’investissement.

Approche 1 : exclusion totale

Selon une première approche, suivie entre autres par la société de fonds Candriam, les armes conventionnelles sont totalement exclues des fonds ESG. Le principal argument est que les armes sont incompatibles avec les objectifs du financement durable et, en particulier, avec les objectifs de développement durable des Nations unies. 

Les partisans de cette vision mettent en avant des préoccupations sociales (les armes tuent), écologiques (le processus de production et les produits finis ne sont pas toujours respectueux de l’environnement) et de gouvernance (l’industrie de l’armement est opaque). Il ne peut donc être question de compatibilité avec les principes ESG, affirment-ils, ajoutant que le financement de la défense ne devrait pas être une question pour les investisseurs mais pour les gouvernements.

Approche 2 : compatibilité

L’important industrie de défense française voit les choses tout autrement, affirmant que l’effet dissuasif d’une défense forte est nécessaire à la paix, et favorise ainsi la pérennité de la société. Cela conduit à une deuxième vision de l’investissement, qui autorise les armes conventionnelles dans les fonds durables tant qu’elles ne sont pas interdites par le droit international. La réglementation européenne actuelle n’exclut pas la défense en matière d’ESG, rappellent les pionniers de cette approche.

« Les partisans de ce point de vue soulignent que le secteur de la défense est important d’un point de vue industriel et d’innovation, et contribue à la sécurité de l’Europe – ce qui crée à son tour les conditions nécessaires au développement durable », écrivent Forum Ethibel et Luxflag.

Approche 3 : sélection rigoureuse

Selon leur rapport, une troisième approche hybride est également en cours d’élaboration. Ainsi, les producteurs d’armes conventionnelles ne sont inclus dans les fonds durables que sous certaines conditions, après un processus strict de diligence raisonnable. En théorie, il s’agirait d’entreprises spécifiques produisant des biens à double usage, c’est-à-dire à des fins militaires et civiles, ou d’entreprises ne produisant que des applications purement défensives.

« Cette approche se situe entre les deux premières : elle autorise les investissements dans les armes conventionnelles, mais demande aux investisseurs de le faire de manière responsable. Certains acteurs financiers ont adopté cette approche, mais il ne semble pas y avoir de consensus sur la manière de la mettre en œuvre concrètement. »

Les organisations de labellisation n’énumèrent que quelques-uns des problèmes pratiques : « Malheureusement, il n’existe pas de définition claire et mondialement reconnue des armes offensives par rapport aux armes défensives, ou des armes « pures » par rapport aux armes à double usage. En outre, de nombreuses entreprises opèrent dans plusieurs secteurs à la fois. Et comment mesurer l’impact social positif des technologies à double usage ? »

Conclusion

« Il s’agit d’un débat encore ouvert et complexe, sans solution claire pour l’instant », ont souligné les directeurs Isabelle Delas (Luxflag) et Kenny Frederickx (Forum Ethibel). Le rapport ne défend donc pas de position en particulier, mais appelle à une discussion nuancée et documentée, l’objectif final étant que les investisseurs puissent prendre des décisions éclairées en ces temps géopolitiques incertains.

L’étude complète peut être consultée ici.

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