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Pourquoi la devise work hard, play hard est-elle absurde ? À quel point est-il difficile de garder le silence sur votre implication dans une acquisition qui va redéfinir le paysage de la banque privée ? Et pourquoi son père est-il convaincu d’avoir fait quelque chose de travers ? Joachim Aelvoet, CEO d’ABN Amro Belgique, nous l’explique dans Le Miroir, le podcast dans lequel des personnalités du secteur financier parlent de leur travail, de leur vie et de leurs passions.

 

 

 Depuis un peu plus d’un an, Joachim Aelvoet est le CEO d’ABN Amro Belgique, une institution dont il fait partie depuis 10 ans déjà. « Si vous m’aviez demandé il y a trois ans si je voulais devenir CEO, j’aurais répondu non. Je ne me sentais pas encore prêt à l’époque. Mais à mesure que j’acquérais de l’expérience au sein du comité de direction, je me suis mis à réfléchir à mon avenir. Mes supérieurs ont également suggéré que ce rôle pourrait me convenir et ont semé une graine qui a progressivement commencé à germer. Lorsque le poste de CEO s’est libéré, j’ai postulé. À partir de ce moment-là, je me suis investi à 100 % dans cette mission. »

Dans ses fonctions actuelles, Joachim Aelvoet est responsable de l’ensemble des activités de la banque en Belgique, y compris le Wealth Management et le Corporate Banking. Il a débuté sa carrière en 2004 en tant que stagiaire chez Fortis, après quoi il s’est spécialisé en Equity Funds Derivative Sales. Après avoir travaillé à la FSMA en tant qu’analyste financier, il a rejoint ABN Amro Private Banking Belgique en tant que Senior Product Specialist. 

Franchise

Joachim Aelvoet ressent la pression liée à sa nouvelle fonction. « Je pense que l’adaptation la plus significative à effectuer concerne la responsabilité finale. Il y a peu de personnes avec lesquelles je peux me concerter et, en fin de compte, c’est à moi de prendre les décisions. Je ressens clairement plus de pression sur mes épaules et il m’a fallu du temps pour m’y habituer au début. J’ai dû apprendre à gérer cela, et j’y parviens de mieux en mieux. »

Le CEO a cherché et trouvé du soutien auprès de son supérieur aux Pays-Bas. « Au début, j’étais en proie à l’incertitude quant à mes performances et à la question de savoir si je répondais aux attentes. J’ai été très ouvert à ce sujet avec mon propre supérieur. Ces discussions se sont révélées très bénéfiques : on finit par réaliser qu’on n’est pas seul et que tous les managers éprouvent les mêmes doutes. Ces échanges ont également renforcé ma relation avec mon supérieur. Mon conseil est donc de toujours parler ouvertement des doutes qui vous assaillent. En vous montrant vulnérable, vous créez un environnement dans lequel vous pouvez évoluer et vous développer avec d’autres. »

Sociéte Générale

Lorsqu’ABN Amro a repris la banque privée belge Société Générale en 2018, Joachim Aelvoet était aux premières loges. « Mon implication dans l’acquisition de Société Générale a été intense et stimulante, d’autant que j’étais tenu à la confidentialité. Pendant longtemps, j’ai dû agir comme si de rien n’était, même vis-à-vis de mes propres collègues. La tension augmentait à mesure que l’acquisition se concrétisait et que les soupçons de mes collègues s’intensifiaient. »

« Il n’était pas facile de prétendre ne rien savoir, et cela me mettait très mal à l’aise. Je me souviens très bien du jour où un collègue m’a directement demandé si nous étions en train de préparer une acquisition. Je ne pouvais répondre qu’évasivement. Ce fut un moment pénible, car je vise toujours l’honnêteté et la transparence. Dès que l’acquisition a été officiellement annoncée, je suis allé voir ce collègue pour lui expliquer que ma discrétion n’était pas personnelle. Il a compris, mais ces moments étaient loin d’être agréables. »

Work hard, play hard

Joachim Aelvoet attache une grande importance à l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée. « Je ne crois pas à la devise word hard, play hard. C’est irréaliste et artificiel. On épuise tout le monde pour ensuite essayer de compenser avec une grande fête ? Pour moi, ce n’est pas comme ça que ça marche. Je suis convaincu qu’on obtient de meilleures performances en tissant des liens avec ses collègues et en comprenant ce qui se passe dans leur vie, y compris en dehors du travail. C’est pourquoi je préfère déjeuner avec mes collègues et avoir une conversation intéressante sur leurs intérêts et leurs activités, plutôt que de partir tous ensemble une semaine à Ibiza pour nous féliciter de notre excellence. »

Comment Joachim Aelvoet préserve-t-il son équilibre ? « J’ai établi des accords clairs avec ma femme concernant mes horaires de travail et notre vie de famille. Par exemple, je suis présent à l’entraînement de mon plus jeune fils tous les vendredis soir à 18 heures. De plus, j’essaie de ne pas m’absenter plus de deux soirs par semaine sur quatre. Bien sûr, il est parfois inévitable que cela soit trois soirs, mais l’objectif est de passer au minimum deux soirées à la maison. Ces accords sont importants, car ils assurent une clarté et un équilibre dans notre vie familiale. Ce sont aussi « nos » accords, pas seulement les miens ou ceux de ma femme. Sans son soutien et sa flexibilité, je ne pourrais pas exercer mon travail de cette manière. Nous le faisons ensemble. »

De l’Éthiopie à La Haye

Si quelque chose a façonné Joachim Aelvoet, c’est bien son parcours. « Fils d’un diplomate belge, j’ai été conçu en Éthiopie, je suis né à Louvain et j’ai passé mon enfance dans différentes villes du monde, dont Strasbourg, Kinshasa, Marseille, Washington D.C. et La Haye. C’est à La Haye que j’ai appris le néerlandais, car je ne parlais jusqu’alors que le français. Lorsque je me suis installé à Anvers pour mes études, mon fort accent néerlandais m’a valu d’être pris pour un Néerlandais. Malgré cela, je suis devenu président de la plus grande association d’étudiants d’Anvers. »

« Mes déménagements réguliers n’ont pas toujours été faciles, mais ils m’ont rendu plus fort. J’ai appris à persévérer, à recommencer sans cesse à zéro et à nouer des liens avec les gens, car je ne connaissais bien souvent personne. Ces compétences se sont révélées inestimables dans ma carrière. »

Joachim Aelvoet n’est d’ailleurs pas le seul de sa famille à avoir fait ses preuves dans le secteur financier, car sa sœur siège au comité de direction d’ING Belgique. Pourtant, le virus des finances n’est pas familial. « À la maison, on ne parlait pas beaucoup de banque, mais plutôt de géopolitique et de culture. Mon père ne porte pas le secteur financier dans son cœur. Il plaisante parfois en se demandant : « Mais qu’est-ce que j’ai fait de travers pour que deux de mes trois enfants se retrouvent dans le monde bancaire ? », explique Joachim Aelvoet en riant.

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